« En fait, et malgré les réels efforts du présent gouvernement de couper les dépenses inutiles du clientélisme de l’ancien parti au pouvoir, le Japon sera obligé cette année d’emprunter plus qu’il ne remboursera. Cela s’appelle, techniquement, une faillite. Mais vu le caractère particulier de sa dette, une dette financée par l’épargne, le gouvernement japonais pense avoir encore la possibilité de se tourner vers les marchés internationaux. La semaine dernière, des émissaires du ministère des finances ont donc fait le tour des capitales européennes. Cette information, bien entendue, n’a à aucun moment été diffusée à la télévision. Surtout ne pas parler de cet échec. Les lendemains seront très brutaux. Pourtant, autant Bloomberg que le Financial Times rapportent les faits. Les observant depuis des mois, je regarde la mise en place de cette spirale de la mort qui se met en place, non sans y voir vu au passage l’effet de considérations politiques évidentes. La droite voulait privatiser la poste, le plus gros portefeuille d’épargne au monde, celui qui permet de financer cette dette gigantesque et la gauche a gelé cette privatisation. On ne lui fera pas de cadeaux malgré des coupes budgétaires généralement saluées. Mais couper les crédits du bâtiment pour créer une allocation d’aide à l’enfance et réaliser la gratuité totale de la scolarité jusqu’à 16 ans n’a jamais plus aux agences de notations. Standart and Poors vient donc d’abaisser la notation de la dette japonaise à long terme de AAA à AA. Ce n’est pas une grosse dégradation. Cela ne se traduira que par une augmentation de quelques points de bases sur le marché obligataire. Mais sur les sommes en jeu, quelques points, ça alourdit énormément la dette. Et cette dégradation de la dette sera le prétexte pour abaisser encore un peu.

Et c’est le moment que le Japon choisit pour commencer à internationaliser sa dette. En pleine crise Greque (un scénario très similaire, au passage). Or quand un pays est dans le collimateur des agences Fitsch, S&P et consort, ces mêmes agences qui ont noté AAA, voire sponsorisé des CDO pourries en empochant des commissions au passage ou noté AAA Bernard Maddof, dites vous bien qu’on ne vous lâche plus. Le Japon a bénéficié de sa solide économie et a tiré sur la corde de la dette autant qu’il le pouvait. La montée en puissance de nouvelle économies bien plus dynamiques, innovantes et accueillantes a progressivement laminé cette position. Pire, le Japon a mis en place un protectionnisme culturel très fort dont les visites de Koizumi à Yasukuni (un sanctuaire dédié aux victimes de guerres et où sont gardé des restes de plusieurs criminels de classe A, des Hitler locaux) sont un peu le symbole extrême. De façon plus banale, « les fruits japonais sont les meilleurs », « la riz japonais est le meilleur du monde », « les agences de voyages organisent mieux les voyages », « les Japonais sont très polis », « il n’y a pas de voleurs ». Et qu’importe si les fruits japonais sont fades et ont grandit sous serre comme les fraises en décembre. Et tant pis si le riz japonais est 5 fois plus cher qu’un riz Thailandais sans empêcher son producteur de vivre dans une quasi-pauvreté.

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Au Japon, en revanche, une faillite aurait des conséquences inimaginables. Un pays fragilisé par 20 ans de crise, avec une jeunesse en errance. Sans compter qu’il en découlerait la disparition pure et simple de l’épargne, ou tout au moins une partie… Les « spécialistes » qui découvrent la « crise grecque » me font rire, finalement, même si ce n’est qu’une façon de parler, et que ces types payés des fortunes pour aller bavarder sur France-Info ou dans des colloques ne sont que de pauvres crétins. Ils ont « découvert » les subprimes en 2007, quand le marché était dors et déjà retourné, et certains en avaient acheté à tour de bras sans même le savoir quand ils se gavaient de CDO (Collateralised Debt Obligation) notées triple A… Pourtant nous sommes en démocratie, l’information est disponible. Sur Bloomberg, par exemple, dès 2006, certains « vrais » spécialistes avertissaient qu’on allait droit dans le mur. Sur FT également. Eh bien nos experts en bavardage sont incroyablement muets concernant le prochain effondrement de la deuxième puissance mondiale. Il y en a même qui voient la croissance y revenir, « tirée par les exportations vers la Chine ». Pourtant, à mots très feutés -normal, c’est une information délirante, incroyable, impensable-, sur Bloomberg comme sur le FT, je regarde l’iceberg approcher depuis des mois. Mais non, on continue comme de si rien n’était…220% de dette publique, ça ne mérite pas la une. La Grèce, avec ses 70%, c’est beaucoup plus préoccupant… »




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