• Kinji Fukasaku



    Date de naissance : 03 Juillet 1930.

    Lieu de naissance : Mito

    Décédé le : 12 Janvier 2003.

    Son parcours :

    Kinji Fukasaku opte assez tôt pour la carrière cinématographique en suivant des études à l'université Nichidai avant d'intégrer la Toei (l'un des plus importants studios japonais avec la Toho, la Daiei et la Nikkatsu) en 1953, à l'âge de 23 ans. Après les habituels petits boulots, il devient assistant réalisateur sur Evasion d'un quartier louche de Eiichi Koishi en 1954. Selon l'habitude de ce metteur en scène, il fait ses preuves en réalisant la bande-annonce du film. Il assistera également Hideo Sekigawa et Tsuneo Kobayashi (un ancien assistant de Akira Kurosawa). Mais il devra attendre 1961 pour signer ses premières réalisations personnelles, des courts métrages constituant la série Furaibo Tantei (Le Détective Vagabond) qui lança la carrière de Shinichi ''Sonny'' Chiba (lequel deviendra mondialement célèbre avec les trois Streetfighter). Ces petits films s'intégraient dans des doubles programmes, pratique très répandue au Japon dans les années 60. La même année, il signe son premier long métrage, Du Rififi chez les Truands/Gansgsters en Plein Jour.


    Les influences revendiquées de Fukasaku lorgnent du côté du cinéma européen. C'est tout d'abord le néo-réalisme italien, Vittorio de Sica (Le Voleur de Bicyclettes) en tête, qui lui donne l'idée de se concentrer sur les conséquences de la guerre en prenant en compte les aspirations et les souffrances du peuple. La capacité de De Sica a décrire la réalité sociale, chose jusqu'alors impossible au sein des studios nippons, le marquera durablement. Du côté du cinéma français, Marcel Carné (Les Enfants du Paradis, Les Visiteurs du Soir, Les Portes de la Nuit) lui enseigne qu'il est possible de faire du cinéma contestataire en pleine occupation ennemie. Une leçon de résistance qui servira de modo à toute sa carrière. Une forte tête est née. Fukasaku est avant tout séduit par les films qui savent saisir une certaine authenticité prise sur le vif. C'est ainsi qu'il subira tant l'influence de Kurosawa (dont les scènes de rue de Chien Enragé inspireront Guerre des Gangs à Okinawa) que celle des maîtres du polar français, parmi lesquels Jacques Becker (Touchez pas au Grisbi), Gilles Grangier (Le Rouge Est Mis) et Jules Dassin (Les Forbans de la Nuit).

    Sa première oeuvre marquante est Okami To Buta To Ningen (''Hommes, Porcs et Loups'') en 1964 avec Ken Takakura, narrant l'affrontement impitoyable de trois frères d'armes devenus ennemis mortels dans un village fantôme presque westernien. Ce film posait cette fois sans faillir les bases d'un style résolument réfractaire aux codes de l'époque. A l'inverse de son illustre aîné Seijun Suzuki qui dut toute sa vie durant batailler contre la Nikkatsu pour imposer sa vision du cinéma, Fukasaku parvint à injecter sa propre déviance aux dirigeants de la Toei, au point de bouleverser la politique du studio.

    A l'exception de la parenthèse poétique et décalée que constituent ses deux films avec le travesti Akihiro Miwa (Le Lézard Noir et House of the Black Rose en 1968 et 1969), le fer de lance de Kinji Fukasaku sera donc le film de yakuza, registre qu'il inventera quasiment en tant que genre à part entière. Jusque là, les quelques réalisateurs à s'être attaqués à cet épineux sujet étaient Masahiro Makino (la série des Jirocho Sangokushi en 9 épisodes), Tadashi Tadashima (Jinsei Gekijo : Hishakakaku) et Kosaku Yamashita (Sango Saidai no Toba). En s'emparant du filon et en le faisant prospérer, Fukasaku initie plusieurs bouleversements. Le plus immédiat concerne la Toei elle-même qui n'avait jamais, jusque là, produit autre chose que des films en costume et des chambarras. Le second est un véritable déferlement de polars dans les salles de l'archipel, le genre passant rapidement de la quasi-inexistance à la saturation pure et simple. Un phénomène qui, contre toute attente, ne satisfait pas pleinement Fukasaku.

    En 1970, il se lance dans la production indépendante avec If you were young : Rage (Kimi Ga Wakamono Naru) et surtout, en 1972, avec l'exceptionnel Sous les Drapeaux, l'Enfer. C'est l'échec de ce film qui le reconduira vers les studios pour une série qui le rendra célèbre, Combat Sans Code d'Honneur. Cette production (constituée de 5 épisodes au total) peut être considérée comme une suite à ses deux opus précédents, Yakuza Modern - Assassin Yota et Assassin yota-Trois frères Chiens Enragés), inspirés de la vie du gangster Rikio Ishikawa. Son approche consiste à greffer au monde des yakuzas les règles qui régissent celui des salariés. Loin du romantisme d'antan, dont il s'affranchie totalement, Fukasaku s'enfonce dans une violence sans issue qui en fera le cinéaste le plus nihiliste de l'archipel, ainsi que le plus rentable, puisque cette série remporte un succès fracassant. Fukasaku en profite pour imposer le comédien Sugawara Bunta qui concurrence ainsi le très emblêmatique Ken Takakura. Il faut préciser que les scénarios sont signés par Noboru Ando, célèbre gangster devenu star de la Toei. Les producteurs lui réclament en 1974 une nouvelle série, Nouveau Combat Sans code d'Honneur dont il ne s'aquitte, sans enthousiasme, que des trois premiers épisodes.

    A ce stade de sa carrière, Kinji Fukasaku constate l'inévitable dérive du genre, à laquelle il a malgré tout contribué. Loin des visions nihilistes des indomptables Seijun Suzuki (La Vie d'un Tatoué) et Hideo Gosha (Les Loups), la production est progressivement noyautée (officieusement) par les yakuzas eux-mêmes qui verront là matière à faire leur propre apologie, via des hagiographies de certains de leurs chefs les plus emblêmatiques. Une dérive qui n'est pas sans évoquer celle qui pourrira la vague des néo-polars hong kongais des années 80, rapidement vendus à la gloire des triades. Pour Fukasaku, qui a toujours envisagé à travers les yakuzas une façon de dénoncer une société de consommation corrompue par ses membres les plus vicieux, il ya là une confusion qu'il n'entend pas flatter. Rappelant brutalement la vraie origine du mot yakuza (une combinaison perdante (893) au jeu de cartes hanafuda), il franchit une limite en signant l'irréversible et totalement destructeur Cimetière de la Morale, sans doute son oeuvre la plus radicale et la plus éloignée des canons du genre. Basé à nouveau sur la vie de Rikio Ishikawa, le film a valeur d'authentique brulôt contestataire.

    Fukasaku se place en témoin critique des bouleversements sociaux et économiques du Japon des années 50/60. Son ''tort'' est de n'avoir jamais recherché la finalité plastique, préférant se concentrer sur le chaos et la violence, un choix qui l'aura trop souvent assimilé à un cinéaste brouillon et sans ambition. Par voie de conséquence, et quel que soit le sujet abordé, il sera éclipsé par de glorieux aînés tels que Seijun Suzuki et Hideo Gosha pour le ''Yakuza Eiga'' et Kon Ichikawa (Feux dans la Plaine et La Harpe de Birmanie) pour le film de guerre. En marge de ce parcours personnel, les années soixante-dix furent également marquées par des collaborations avec l'Occident, d'abord comme réalisateur des séquences japonaises de Tora! Tora! Tora! (poste initialement proposé à Akira Kurosawa, la classe !), puis comme auteur de Green Slime (un film de SF ringard sans commune mesure avec les oeuvres kitshs mais magistrales de Inoshiro Honda) et Virus avec Chuck Connors, George Kennedy et Robert Vaughn !

    Fukasaku ne diminuera guère sa production au cours des eighties, se consacrant tant aux films de sabres qu'au fantastique. A l'orée des années 90, il sera indirectement le parrain d'un cinéaste exceptionnel, Takeshi Kitano. C'est en effet en se retirant, pour des raisons de santé, du tournage d'un polar brutal, Violent Cop, qu'il marque le coup d'envoi de la carrière de metteur en scène de l'acteur de Furyo. Resté discret durant la dernière décennie (en dépit d'un Crest of Betrayal (Chushingura Yotsuya Kaidan) en 1994, variation que l'on dit très réussie et bizarroïde sur le thème des 47 Ronins), Fukasaku retrouvera Kitano en 2000 pour signer rien moins qu'un authentique chef d'oeuvre, l'indispensable Battle Royale. Ce projet, d'abord destiné à être réalisé par son fils, aura sur lui l'effet d'une cure de jouvence. Les membres de l'équipe du film le décrivent d'ailleurs comme un tourbillon d'énergie inépuisable.

    Filmographie complète
    :

    1961 Furaibo Tantei : Akai Tan No Sangeki (Moyen Métrage)
    Furaibo Tantei : Misaki Wo Wataru Kuroi Kaze (Moyen Métrage)
    Vigilante in the Funky Hat (Fanki Hatto No Kaidanji) (Moyen Métrage)
    Vigilante in the Funky Hat : The 200,000-Yen Arm (Fanki Hatto No Kaidanji : Nisenman En No Ude) (Moyen Métrage)
    Du Rififi Chez Les Truands / Gangsters en Plein Jour (Greed in Broad Daylight) (Hakuchu No Buraikan)
    1962 The Proud Challenge (Hokori Takaki Chosen)
    Gyangu Tai G-men
    1963 Gang Alliance (Gyangu Domei)
    1964 Jako-man To Tetsu
    Wolves, Pigs and Men (Okami To Buta To Ningen)
    1965 Odoshi
    Kamikaze Yaro : Mahiru No Ketto
    Hokkai No Abare-ryu
    1967 The Breakup (Kaisanshiki)
    1968 Bakuto Kaisanshiki
    Lézard Noir (Black Lizard) (Kurotokage)
    Call Me Blackmail ! (Kyokatsu Koso Ga Waga Jinsei)
    Green Slime (Ganma Dai-sango : Uchu Daisakusen)
    1969 (Mansion of) The Black Rose (Kurobara No Yakata)
    Le Caïd de Yokohama (Japan Organized Crime Boss) (Nihon Boryokudan : kumicho)
    1970 Chizome No Daimon
    If You Were Young : Rage (Kimi Ga Wakamono Nara)
    Tora ! Tora ! Tora ! (Co-réalisé avec Richard Fleischer et Toshio Masuda)
    1971 Guerre des Gangs à Okinawa (Sympathy for the Underdog) (Bakuto Gaijin Butai)
    1972 Sous les Drapeaux, L'Enfer (Under the Flag of the Rising Sun) (Gunki Wa Tameku Moto Ni)
    Okita le pourfendeur (Gendai Yakuza: Hito-kiri Yota)
    Hito-kiri Yota : Kyoken San Kyodai
    1973 Combat Sans Code d'Honneur (Battles Without Honour and Humanity) (Jingi Naki Tatakai)
    Qui est le Boss à Hiroshima ? (Jingi Naki Tatakai : Hiroshima shito-hen)
    Jingi Naki Tatakai : Dairi Senso
    1974 Jingi Naki Tatakai : Chojo Sakusen
    Jingi Naki Tatakai : Kanketsuhen
    Shin Jingi Naki Tatakai
    1975 Le Cimetière de la Morale (Graveyard of Honor) (Jingi No Hakaba)
    Cops vs Thugs (Kenkei Tai Soshiki Boryoku)
    Shikingen Godatsu
    Shin Jingi Naki Tatakai : Kumicho No Kubi
    1976 Boso Panikku : Dai-Gekitotsu
    New Battles Without Honour and Humanity : The Boss' Final Day (Shin Jingi Naki Tatakai : Kumicho Saigo No Hi)
    Yakuza Graveyard (Yakuza No Hakaba : Kuchinashi No Hana)
    1977 Hokuriku : Proxy War (Hokuriku Dairi Senso)
    The Detective Doberman (Doberman Deka)
    1978 Shogun's Samurai (Yagyu Ichizoku No Inbo)
    The Fall of Ako Castle (Ako-jo Danzetsu)
    Les Evadés de l'Espace (Message from Space) (Uchu Kara No Meseiji)
    1980 Virus (Fukkatsu No Hi)
    1981 Gate of Youth (co-réalisé avec Kurehara Koreyoshi) (Seishun No Mon)
    Samurai Reincarnation (Makai Tensho)
    1982 Dotonborigawa
    Fall Guy (Kamata Koshin Kyoku)
    1983 Jinsei Gekijo (co-réalisé avec Sato Junya et Nakajima Sadao)
    Legend of Eight Samurai (Satomi Hakkenden)
    1984 Shanghai Vance King (Shanghai Bansukingu)
    1986 House on Fire (Kataku No Hito)
    1987 Hissatsu 4 : Urami Harashimasu
    1988 The Rage of Love (Hana No Ran)
    1992 The Triple Cross (Itsu Ka Gira-Gira Suru Hi)
    1994 Crest of Betrayal (Chushingura Gaiden : Yotsuya Kaidan)
    1999 The Geisha House (Omocha)
    2000 Battle Royale

    Biographie réalisée par Denis Brusseaux pour DVDRAMA
    Remerciements à DVDRAMA pour nous avoir autorisé à reprendre leur travail.