Bonsoir

Je vous fais part d'une apparente contradiction qui me trotte dans la tête, ces temps-ci :
- d'une part, statistiquement, le Japon est (ou était) un des pays les plus égalitaires du monde ; et même, "à l'oeil nu", j'ai envie de dire, on sent moins les inégalités de niveaux sociaux au Japon qu'en France (impression partagée par plusieurs français et japonais de ma connaissance... vous confirmerez ou infirmerez).
- d'autre part, il n'y a pas beaucoup de redistribution par les impôts, pas ou peu de "filets de sécurité", et les gens semblent dans leur majorité, indifférents au sort des pauvres

Sur le premier point :
Bien entendu, le Japon n'est pas un pays où il règne une égalité parfaite, il y a des très riches, des riches, des pauvres et des très pauvres au Japon (et probablement de plus en plus depuis la crise), comme à peu près partout dans le monde, mais si on agrège les données pour comparer les pays, il apparaît qu'en 1993, il y avait moins d'inégalités de revenu, globalement dans la société, au Japon qu'ailleurs : par exemple, selon l'indice de Gini (autre lien : wikipedia), le Japon est un des pays les plus égalitaires. De même avec le rapport "revenu des 10% les plus riches sur revenu des 10% moins riches", ou encore "revenu des 20% les plus riches sur revenu des 20% moins riches",
voir cette page : liste des pays selon les inégalités de revenu sur Wikipédia

Sur le deuxième point :
- à ma connaissance, au Japon, il n'y a pas de RMI, pas de CMU, les indemnités de chômage sont plutôt basses
- le taux de prélèvements obligatoires est bien plus faible qu'en France, proche du taux des Etats-Unis (voir cette page). Pour faire court, moins de prélèvements obligatoires suppose généralement moins de redistribution des riches (qui sont généralement ceux qui payent les impôts) vers les pauvres (qui généralement payent peu ou pas d'impôts, mais ont quand même accès aux services publics, financés par les impôts, comme tout le monde)
- d'un point de vue moins quantitatif, au Japon, les SDF ne mendient généralement pas, car "qui ne travaille pas, ne mange pas", et s'il le faisaient, ils ne recevraient pas grand chose, les organisations caritatives sont souvent chrétiennes et étrangères, les faits divers de bandes de jeunes qui s'amusent à tabasser les SDF n'émeuvent pas grand monde, etc.


On peut trouver cela un peu paradoxal, parce qu'on est habitué à penser que sans redistribution ni "filets de sécurité", toute société, y compris riche, devient rapidement inégalitaire (plus de gens très pauvres et plus de gens très riches).

Tout ceci étant dit...

- je n'oublie pas les habituelles réserves sur la fiabilité des données et la comparabilité d'un pays à l'autre. Elles sont d'ailleurs bien mises en évidence dans les pages que je cite (notamment celle sur les prélèvements obligatoires). Certes, mais tout de même, il me semble que les écarts sont suffisamment nets pour que la réalité derrière transparaisse. Il me semble difficilement contestable que le Japon est (ou était en 1993) plus égalitaire que la plupart des pays de l'OCDE, avec moins de redistribution par les impôts



- les chiffres que j'ai cités pour les inégalités au Japon datent de 1993. Les chiffres les plus récents concernant le Japon dans les pages citées sont ceux du CIA world facts book (2000), et tout n'est plus aussi rose... la crises est passée par là, et le Japon est plus "dans la moyenne" en matière d'inégalités. Ce qui résout un peu la contradiction : ils ont bien fini par devenir inégalitaires...
Au pire, la question n'a plus beaucoup de sens aujourd'hui, mais reste posée pour les années 90.

tout ceci est un peu fouilli, si vous êtes encore là, bravo !
Avez-vous un avis sur la question ?