La belle affaire !



« NonNonBâ » est un livre étrange et émouvant. Depuis hier, il est aussi le premier manga sacré meilleur album par le festival international de la bande dessinée. En offrant la consécration suprême à un album nippon, Angoulême se met en adéquation avec le marché. Rappelons qu'en 2006, 44 % des albums sortis dans les bacs sont des mangas. Ce n'est pas un hasard si la maison d'édition Cornélius décide, en 2006, de débuter la publication des œuvres de Misuki par « NonNonBâ ». Récit autobiographique à peine déguisé, cet album évoque l'enfance de Shigeru Mizuki dans le Japon des années 30. Ce vieux maître du manga fantastique, star dans son pays, y dévoile la genèse de son imaginaire et de son inspiration. Sa série la plus populaire au Japon, « Kitaro le repoussant », paraîtra d'ailleurs en février chez Cornélius, à la suite de « 3, rue des Mystères ».

Une sélection trop élitiste ? Sortie cet automne, la première œuvre de Mizuki découverte en France a reçu un bon accueil du public comme de la critique. Il figurait d'ailleurs dans le tiercé final des albums en lice pour le prix du public. De quoi peut-être contrer les accusations d'élitisme faites à une sélection que défend Benoît Mouchard, directeur artistique du FIBD, qui rappelle : « En 1976, le festival a choisi comme meilleur album « La ballade de la mer salée ». Ce prix a fait d'Hugo Pratt une star alors qu'il ne vendait pas beaucoup en France. En 2002, quand « Isaac le Pirate » de Christophe Blain a été couronné Meilleur album, que Marjane Satrapi a reçu le prix du scénario pour « Persépolis », je revois encore un éditeur me dire : « Angoulême est un endroit o. l'on prime des albums qui ne se vendront jamais » On connaît la suite. Marjane Satrapi envisage aujourd'hui d'adapter sa série à succès sur grand écran.

Fantastique. L'univers très particulier de Mizuki a de quoi lui aussi séduire un large public. Cette chronique peuplée de Yôkaï peut toucher aussi bien les enfants que leurs parents. Une vieille grand-mère - NonNonBâ, c'est-à-dire Mamie Non Non – y abreuve le petit garçon d'histoires édifiantes sur ces esprits qui adorent la compagnie des vivants. Lécheur de crasse, garnement collant, compteur de haricots rouges : tout un bestiaire fantastique fait irruption dans le quotidien du personnage. Des récits de monstres qui lui permettent d'échapper à une réalité parfois très dure... Misuki est aujourd'hui âgé de 84 ans. A travers ce manga fantastique dont il est devenu le maître, il a permis à ces croyances ancestrales imprégnées de merveilleux de traverser le temps, jouant presque un rôle d'ethnologue, selon le spécialiste du manga Emmanuel Pettini. « NonNonBâ, estime Benoît Mouchart, est un album qui peut casser les idées reçues sur le manga comme « Maus », en son temps, a pu faire évoluer la vision sur la bande dessinée. »

Source: Article de M Papillaud