Le Japon envisage de s'ouvrir à l'immigration...
Confronté à un recul de sa population depuis 2005, le Japon envisage de s'ouvrir à l'immigration: une révolution culturelle pour l'archipel, encore hésitant, car l'intégration n'est pas toujours facile.
Au centre commercial "Brazil Plazza", Carlos Watanabe se remémore ses 12 années passées en solitaire comme ouvrier au Japon et a du mal à trouver de bons souvenirs, en dehors de la Kirin, la bière locale.
Lui et ses camarades de bar, tous nippo-brésiliens, ont beaucoup de travail et des salaires réguliers, mais ils nourrissent aussi de nombreux griefs envers leur pays d'adoption: ils sont isolés, regardés de haut, et bénéficient de peu de considération de la part des autorités locales. "Tous les jours, je voudrais rentrer au Brésil, mais je ne le fais pas parce que je n'ai pas l'argent", explique Watanabe, 28 ans. "Parfois, je pense que je devrais rentrer chez moi, parfois que je dois rester ici, et parfois que je devrais aller dans un autre pays."
Les autorités d'Oizumi, une ville située à 80km au nord de Tokyo, se montrent aussi mécontentes: les étrangers ne parlent pas assez bien le japonais. Ils ne recyclent pas convenablement leurs ordures. Leurs enfants ne s'entendent pas bien avec leurs camarades japonais. "Nous voulons que les gens étudient le japonais et apprennent nos règles avant de venir ici", confie le maire d'Oizumi, Hiroshi Hasegawa, dont la carte de visite est rédigée en portugais. "Tant que le gouvernement ne prendra pas de décision sur un système d'immigration, ça va être vraiment difficile."
Dans cette ville de 42.000 habitants où 15% de la population est étrangère, le pourcentage le plus élevé au Japon, les problèmes qui surviennent intéressent tout le pays, confronté à un problème majeur dans les années à venir: la démographie. En 2005, le Japon est devenu le premier grand pays industrialisé à connaître une baisse de sa population, avec 21.408 décès de plus que les naissances. Une tendance qui pourrait entraîner un manque de main-d'oeuvre dans les années à venir.
La perspective d'une population vieillissante a déclenché un débat au Japon, un pays insulaire qui est longtemps resté replié sur lui-même, pour savoir si le pays devait davantage s'ouvrir aux travailleurs étrangers.
Les étrangers qui résident au Japon n'avaient jamais été aussi nombreux, puisqu'ils sont aujourd'hui deux millions, ce qui représente 1,57% de la population. Mais ce chiffre reste minuscule comparativement aux 12% d'étrangers répertoriés aux Etats-Unis.
Augmenter leur nombre serait révolutionnaire dans un pays conditionné pour se percevoir comme homogène sur le plan racial et unique sur le plan culturel, et associant souvent "l'étranger" aux idées de criminalité et de désordre social. "Je pense que nous entrons dans une époque de changement révolutionnaire", observe Hidenori Sakanaka, directeur de l'Institut des politiques d'immigration du Japon, qui milite pour l'entrée de davantage d'étrangers dans le pays. "Notre vision sur la manière dont la nation devrait être et notre vision des étrangers doivent changer pour maintenir notre société", explique-t-il.
Actuellement, le Japon compte 127 millions d'habitants, chiffre qui devrait tomber à 100 millions en 2050. A cette date, un tiers des Nippons seront âgés de 65 ans ou plus. La population active, les 15-64 ans, représentera moins de la moitié des Japonais.
Recensement des étrangers résidents au Japon en décembre 2004 :
Chiffres provenant du bureau de l'immigration au Japon
(Source Associated Press)