Lol (oui je me permet un lol de temps en temps) chez Ikéa à part des transpalettes ils manient pas grand chose =)
Je te rejoints sur le fait que le savoir artisanal est occulté par les procédés de productions industriels. Si la première révolution industrielle (les machines à vapeurs) et son rayonnement s'est accompagné de l'émergence des idées révolutionnaires, c'est bien parce qu'elle a entre autre permis de changer les modes de production et ainsi modifier la structure des société par des schémas nouveaux.
De la richesse des nations de Adam Smith illustre très bien cette évolution. "Père" du capitalisme, A. Smith constate et encourage la libération de la production de biens jusqu'alors régie par des arrêtés royaux et part de l'idée que si chacun produit bien et suffisamment, chacun profitera de cette production et de la manne économique qu'elle représente. Il partait d'un sentiment altruiste et bienveillant comme fondement de son raisonnement qui fut ensuite perverti pour permettre de déplacer les structures du pouvoir (et des guerres nécessaires à son établissement et sa conservation) dans le domaine économique.
La guerre, c'est la paix; la liberté, c'est l'esclavage; l'ignorance, c'est la force...ainsi parlait Georges Orwell dans 1984 (que je vous invite tous à lire ou relire).
Notre passion commune qu'est le sabre japonais met elle aussi en lumière ce paradoxe moderne: la
tradition que la modernité efface ne l'égale en rien. Mes propos n'ont rien de passéiste car comme de l'enfance on se fait souvent une image idyllique du passé qui permet de défendre des idées conservatrices, ou plutôt réactionnaires (c'est à dire empreintes de peur, peur du changement, peur de l'autre, peur de SOI).
J'avance simplement ici l'idée qu'à travers cet objet au demeurant futile (quelle seigneur défendrons nous donc avec ces sabres qui pourtant font vibrer nos âmes ?) des valeurs qui portent vers une harmonie et une paix intérieur sont transmises. Le respect de la tradition dans la fabrication d'un nihonto signe l'exigence nécessaire à un résultat qui tend vers la perfection. Les japonais se sont voués à cette voix (dans ce domaine et bien d'autre) depuis des millénaires.
Aujourd'hui, si l'aspect spirituel est préservé dans le cadre d'un Dojo, la fabrication du sabre japonais est soumise aux impératifs de la logique capitaliste. C'est à dire de profit, à la vente de rêve jetable. Le consensus semble pour moi être le suivant: trouver un "outil" de coupe aux qualités suffisantes pour exercer de façon sûre dans le cadre d'un Dojo (et pourquoi pas à l'occasion en pleine nature, loin des regards avec du
bambou) tout en m'initiant aux techniques de fabrication du koshirae dans son ensemble afin de tendre vers un sabre qui se rapproche le plus possible de ce qu'il se doit d'être.
Evidemment la limite s'avère ici être le syndrome "tuning" que tu as déjà mis en évidence cher Grosmulet. En avoir conscience constitue une des "armes" pour éviter ce biais, l'étude des techniques de fabrication et l'étude du sabre en lui-même en est une autre. Autant la pratique du Iaï me semble être nécessaire pour s'acheminer au fil du temps vers la Voie, le Do; autant m'exercer inlassablement dans la confection du koshirae dans une recherche du savoir faire traditionnel me semble être une autre Voie dans ma façon d'être au monde et d'y prendre place.
Je suis conscient de ce que cette voie implique, et j'y mets toutes mes forces pour qu'elle me mène à acquérir ces savoirs. L'apprentissage est une chose difficile qui exige de l'apprenant honnêteté, patience et persévérance. J'investi toutes ces ressources dans ce sens et peut être un jour mes pas me mèneront-ils aux sources de cette connaissance et de ce savoir-faire ancestral...