• Les particularités du nippon tô



    Qu'est-ce qui différencie les sabres japonais des sabres occidentaux ? Les sabres japonais sont réputés meilleurs, mais meilleurs en quoi ? L'expression "nippon tô" qui signifie littéralement "lame japonaise" de nippon, l'adjectif "japonaise" et "tô" qui se prononce "tou" et signifie lame) et qui désigne à ce jours les sabres japonais ( sous réserve d'une grande qualité ) apporte une partie de la réponse.
    Eh oui, en effet, c'est la lame qui marque vraiment le fossé technique entre les sabres japonais et les sabres du reste du monde.

    Mais qu'ont donc de si particulier ces lames réputées dans le monde entier ?
    Cette question a été si souvent débattue qu'elle en parait stupide : bien entendu, leur incroyable dureté, un tranchant encore inégalé... Ces qualités ont de tout temps étonné les occidentaux, depuis l'ouverture du Japon au commerce avec l'arrivé des portugais et des hollandais jusqu'à maintenant. Il s'agit maintenant pour sortir du registre des banalités d'aborder un point capital : d'un point de vue technique, qu'est ce qui confère aux lames japonaises cette extrême dureté et ce tranchant leurs permettant de subir des "tortures" inimaginables telles que le record de 7 corps humains superposés coupés en un unique coups réalisé en 1681 par lame forgée par Seki Kanefusa et utilisée par le testeur Nakanishi ?
    Une simple comparaison d'une lame occidental et d'une lame japonaise apporte de nombreux éléments de réponse :

    Ceci estune lame occidentale (copie made in Tolède)

    et ceci est une lame japonaise...flagrant, non ?

    Eh oui, la première réponse saute aux yeux : la ligne nébuleuse ondulée, parfois droite est appelée hamon : c'est la ligne de trempe.
    Cette ligne présente sur les lames japonaises contrairement aux occidentales met en évidence une première différence : une différence de trempage.
    En effet, l'acier des armes est bien souvent trempé, c'est à dire qu'il est porté à haute température et ensuite plongé dans de l'eau froide. Ainsi, le refroidissement violent entraine la formation d'une structure métallique cristalline d'une dureté proportionnelle à la violence du choc thermique.
    Un simple coup d'oeil sur la lame d'un katana montre donc clairement une grande particularité du nippon tô : alors que les lames occidentales sont uniformément trempées, ce qui nécessite un compromis entre la dureté d'une lame trempée et la fragilité de cette lame proportionnelle à cette même dureté, les lames japonaises sont extrêmement trempée au niveau du tranchant (ha) et assez peu au niveau du reste du sabre. Au final, on a donc un sabre qui a un tranchant tellement trempé qu'un sabre occidental ainsi trempé se briserait avant même d'avoir été dégainé, et le reste du sabre étant moins trempé que la plupart des sabres occidentaux en est donc plus solide, moins cassants, ce qui permet d'en diminuer la courbure, et donc d'en augmenter la longueur du sabre pour un poids donné.
    <li>Sur certains sabres usés par des polissages successifs, on peut observer une ligne au niveau de mune (dos de la lame) qui correspond à une soudure mettant en évidence une structure composite. En effet, les lames japonaises sont constituées de deux à trois métaux différents :

    Le shigane : il est le "coeur" du sabre. Constituée d'acier, il est flexible et plie donc relativement plutôt que de casser mais ne pourrais pas constituer le sabre à lui seul étant trop "tendre" pour trancher efficacement. Il est également nommé shintetsu.

    Le hagane : constitué d'acier, il est cassant mais très dur et tranchant. Il est souvent replié autours du shigane, mais il existe des structures plus complexes. Il est également appelé uagane.

    Le kawagane : il s'agit d'un métal intermédiaire.

    Il existe un grand nombre de méthodes de lamination différentes combinant 2 ou 3 de ces métaux :

    Certaines n'utilisent que deux métaux différents : ce sont les plus simples et elles ont été et sont communément utilisées.







    D'autres plus complexes sont une véritable superposition de différentes couches de métaux.

    A noter que le célèbre forgeron Masamune utilisait le Soshu Kitae, et que le Honsanmai ou plus simplement sanmai est la méthode de lamination la plus répandue.

    Il existe également des lames non laminées, celles forgées selon la méthode maru. Inutile de vous dire qu'il s'agissait de sabres de piêtre qualité, fragiles à l'extrême et peu tranchants comparés aux lames classiques.

    Cette structure composite permet donc aux sabres japonais d'avoir un tranchant dur et bien supérieur à celui des armes occidentales tout en conservant une relative flexibilité, ce qui vient s'ajouter aux effets de la trempe non-uniforme.
    En observant de beaucoup plus près encore la lame, on peut observer une structure de l'acier en forme de fibres : le Ji Hada. Ces motifs découlent d'une lamination de chaque type de métal de la lame, qu'il soit shigane, hagane ou kawagane. Cette lamination est due au travail du forgeron qui, dans la première phase de son travail martèle une plaque d'acier, le daikane sur laquelle a été déposé du minerai de fer, de la poussière de charbon et d'autres composants permettant de limiter le phénomène d'oxydation. Ensuite, le tout est porté une nouvelle fois au rouge, avant d'être martelé, puis plié, martelé à nouveau.

    C'est ainsi que l'on obtient des métaux différents en modulant le nombre d'opérations &quot;forgeages-replis&quot; qui enrichissent le m&eacute;tal en carbone, le rendant plus dur, mais c'est &eacute;galement de l&agrave; que d&eacute;coule le Ji Hada.
    Il est lisible au niveau du Ji, et comporte plusieurs formes différentes :

    Masame Ji Hada montre des lignes parall&egrave;les &agrave; l'axe de la lame d&eacute;coulant de pliages r&eacute;alis&eacute;s toujours dans le m&ecirc;me sens lors du forgeage.
    Itame Ji Hada appara&icirc;t comme des veines irr&eacute;guli&egrave;rement ondul&eacute;es, semblables aux veines du bois. Ce motif r&eacute;sulte de plis tant&ocirc;t dans la largeur et tant&ocirc;t dans la longueur de la lame lors du forgeage
    Mokume Ji Hada prend l'aspect de noeuds de bois.
    Ayasuji Ji Hada, plus rare, pr&eacute;sente des ondulations serr&eacute;es tres r&eacute;guli&egrave;res.

    On peut rencontrer sur une m&ecirc;me lame des plages d'Itame et de Mokume, parfois m&ecirc;me Itame sur le Ji et Masame sur le Shinogi Ji.
    Cette structure complexe &eacute;galement caract&eacute;ristique du nippon t&ocirc; conf&egrave;re &agrave; ces lames une plus grande r&eacute;sistance &agrave; l'usure, mais permet surtout lors du trempage la formation de martensite, cette structure m&eacute;tallique cristalline d'une extr&ecirc;me duret&eacute;.
    Ces caract&eacute;ristiques, origine d'une qualit&eacute; extr&ecirc;me et incontest&eacute; d&eacute;coulent, plus encore que d'une technique incroyablement complexe, fine et perfectionn&eacute;e d'un v&eacute;ritable art ; un art si
    proche parfois de l'absolue perfection qu'on le dit de divin. Il est &agrave; ce point flagrant que toutes la technologie du monde ne peux &eacute;galer la mains de l'artiste &eacute;clair&eacute; de ce g&eacute;nie incompr&eacute;hensible tel que l'illustre masamune dont aujourd'hui encore, nous sommes incapable de reproduire la qualit&eacute; des lames forg&eacute;es et tremp&eacute;es &agrave; une temp&eacute;rature connue du seul maitre qui l'&eacute;valuait pr&eacute;cis&eacute;ment d'un simple regard jet&eacute; au brasier illuminant de chaleur et de lumi&egrave;re la forge emplie de la fraicher de l'aurore de f&eacute;vrier, qui &eacute;valuait en y trempant simplement la main la temp&eacute;rature id&eacute;ale de l'eau de source recueillie la m&ecirc;me nuit de f&eacute;vrier ou d'aout que le trempage lors duquel la moindre erreur est fatale au sabre.
    C'est face &agrave; un tel g&eacute;nie que la science s'efface pour laisser la place &agrave; la tradition et &agrave; l'histoire dont ces lames sont le symbole et qui nous ram&egrave;nent de temps &agrave; autres quelques bribes de cet art aujourd'hui presque perdu...