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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sumô sans jamais oser le demander
(En tout cas, pas à deux ignares)
Cet intermède culturel vous est offert par votre tandem favori de reporters globe-trotters, en attendant qu'ils retrouvent les photos.
D'après une très vieille légende rurale, la suprématie des Nippons sur la longue décharge sauvage de débris volcaniques qui leur fait office de pays aurait été acquise lors d'un match de sumô opposant deux divinités, Takemikazuchi du côté des vainqueurs et du côté des perdants... on ne sait plus très bien. De toute façon, pour réclamer le même archipel bloblotant, la tribu concurrente ne devait pas avoir d'autre choix côté logement. Elle a dû finir noyée après la proclamation des résultats.
Ce qui est sûr, c'est que les Japonais pratiquent le sumô depuis très longtemps, en fait depuis plus longtemps que toutes les autres nations, lesquelles souhaitent apparemment faire jouer encore un peu le principe de précaution. Cela explique peut-être que le comité olympique ne soit pas pressé d'introduire le sumô dans les jeux, et surtout pas à l'occasion de ceux de Pékin. Au cours de l'histoire trépidante du Japon, le sumô a été tour à tour ou simultanément un rituel, un spectacle et un entraînement militaire. À certains égards, le sumô est un ancêtre des arts martiaux modernes, les innovations les plus significatives de ces derniers portant surtout sur la modération à table.
Le match de sumô a lieu sur une petite étendue circulaire de terre appelée le dôjô, au dessus de laquelle est suspendue un toit et quatre pompons symbolisant les quatre saisons. C'est comme cela en général, quand quatre trucs symbolisent quelque chose, c'est les saisons. Ou alors c'est les points cardinaux.
Le rikishi qui met ne serait-ce qu'un orteil hors du cercle délimité par des bottes de paille à demi-enterrées a perdu. Si n'importe quelle partie de son corps entre en contact avec le sol dans le cercle il a aussi perdu. On fait une exception pour le dessous des pieds, mais certains puristes trouvent que cela dénature l'esprit du sumô authentique. La plupart des trucs rigolos au catch sont interdits au sumô, même la cagoule et la cape de super-héros. Cela donne un air plus sérieux aux rencontres, et d'ailleurs, de toute la journée que nous avons passée au championnat d'Ôsaka, nous n'avons entendu personne crier « Chiqué ! ».
Il y a six grand tournois de sumô chaque année. Cinq se tiennent dans des villes importantes et un à Nagoya. Le grand vainqueur reçoit, comme dans tous les sports, une abominable coupe même pas propre à servir de vase. C'est la coupe de l'empereur, qui n'en veut plus chez lui et on le comprend. Il y a des prix secondaires : meilleure technique dans la défaite, ambition affichée de bouler les champions installés, et gnaque interstellaire du plus teigneux sous tabasco.
Le sumô professionnel est un petit milieu de huit cent pratiquants environ, et peut-être le seul sport au monde où les amateurs sérieux pourraient bien être moins nombreux que les pros. Amis bourgeois, si vous souffrez de la démocratisation du tennis et du golf, et bientôt du polo, mettez vous donc au sumô, vous resterez entre-vous encore un bout de temps. L'équivalent du classement ATP s'appelle le banzuke. Calligraphié, c'est très joli à rapporter en poster, mais c'est complètement illisible. On aura plus vite fait d'apprendre à distinguer les coiffures codifiées pour savoir si l'on à affaire à un vrai champion balése ou à une lopette débutante. C'est une distinction très importante si l'on veut racketter des rikishi.
Allez, Cognac-Jay, envoyez les photos.
À suivre...