«L’avenir de la crise coréenne est entre les mains de Bush»
MONDE: Menace nucléaire. Les sanctions adoptées samedi par le Conseil de
sécurité de l’ONU laissent perplexe le professeur Victor-Yves Ghebali. Ce n’est pas Pyongyang qu’il faut raisonner, estime-t-il, mais plutôt Washington.
andrés allemand
Publié le 16 octobre 2006
L'honneur est sauf. Il ne sera pas dit que la communauté internationale se laisse menacer sans réagir. Du moins en apparence. Près d'une semaine après le premier essai nucléaire revendiqué par la Corée du Nord, le Conseil de sécurité de lONU a adopté samedi à l'unanimité une résolution imposant à Pyongyang un embargo sur «les armes et matériels connexes», «les matériels liés à la technologie nucléaire ou à celle des missiles», ainsi que sur «les produits de luxe».
Le président des Etats-Unis George W. Bush. Pyongyang exige la levée des sanctions financières américaines imposées en septembre 2005. (© Keystone / POOL / Chip Somodevilla)
Le texte ne prévoit pas de recours à la force, mais appelle les Etats membres à assurer le respect de l'embargo, par «l'inspection de toute cargaison à destination ou en provenance de Corée du Nord». Un signal fort, estiment les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Australie, le Japon et la Corée du Sud. Vraiment? La Chine refuse déjà d'inspecter les navires, pour ne pas provoquer «un conflit». La Russie martèle que Pyongyang serait prêt à reprendre des négociations à six.
Les discussions entre les deux Corée, les Etats-Unis, la Russe, la Chine et le Japon, entamées en août 2003, sont au point mort depuis novembre 2005. Pyongyang exige la levée des sanctions financières américaines imposées en septembre 2005. Pour Victor-Yves Ghebali, professeur aux HEI, l'issue de la crise est entre les mains de Bush.
Il y a une semaine, vous affirmiez que des sanctions ne feraient pas reculer Pyongyang. Pourtant, selon Moscou, le régime serait prêt à reprendre les négociations!
Mais ce n'est pas le fait des sanctions! La position de la Corée du Nord a toujours été claire, même si les Occidentaux font mine de ne pas comprendre. A tort ou à raison, Pyongyang se sent menacé par les Etats-Unis. Le régime réclame une normalisation des relations bilatérales, des garanties de sécurité et propose de négocier la dénucléarisation de la péninsule (donc l'absence d'armes nucléaires américaines en Corée du Sud). C'est parce que l'administration Bush refuse de rassurer Kim Jong-il qu'on en est arrivé là…
Donc, selon vous, les sanctions internationales ne servent à rien?
Elles sont purement symboliques. Le Conseil de sécurité se devait de réagir. Mais vous voyez bien que la résolution de l'ONU est déjà émoussée par les réserves émises à Moscou et à Pékin. Ces sanctions arrivent trop tard, Pyongyang a déjà la bombe atomique. Et elles seront inefficaces, car c'est déjà un Etat paria.
Plutôt que des sanctions, il faudrait que Washington accepte de faire des concessions. Selon les diplomates chinois et russes, un accord était à portée de main l'an dernier. C'est l'administration américaine, très divisée, qui avait finalement refusé. Résultat: les Etats-Unis ont mis leur adversaire dos au mur. C'est regrettable, car Pyongyang n'est pas une menace pour le monde. Ce régime aux abois n'entend pas vraiment attaquer les Etats-Unis, le Japon ou même la Corée du Sud, ce serait suicidaire! En plein réflexe de défense paranoïaque, il l'utilise seulement dans un but dissuasif. Mais ce faisant, il pourrait donner des idées à d'autres pays, davantage tentés par l'agressivité nucléaire. Comme l'Iran des mollahs, par exemple.
Peut-on espérer malgré tout une issue négociée? Pourquoi pas des concessions américaines?
En tout cas pas avant les élections américaines du 7 novembre! Les républicains sont en mauvais posture à la veille de ces élections de mi-mandat. Plus que jamais, l'administration Bush a besoin de se montrer ferme. C'est très inquiétant, car la Maison-Blanche est prête à tout. Karl Rove, le conseiller politique du président, a annoncé une surprise pour octobre. Espérons que Washington n'ordonnera pas des frappes, même symboliques, sur l'Iran!