Bonjour!!!!!
Voici le début du récit du voyage que j'ai fait à Tôkyô en avril 1997, j'espère que ça donnera des idées à ceux qui partent prochainement ou bien que ça rappellera des souvenirs à ceux qui en sont revenus.
Quelques photos sur mon blog www.japon.canalblog.com
C'est le premier voyage que j'ai fait à Tôkyô que je vais vous raconter. II s'est déroulé du samedi 5 Avril au mercredi 23 Avril 1997 et ce fut magique, le dépaysement total, la réalisation d'un vieux rêve. Je reprends presque mot à mot le récit fait pour un vieux fanzine appelé Animapa, dirigé par Philippe Lhoste, paru de Février 1992 à Janvier 2000 avant de disparaître avec l'arrivée d'internet. C'était une petite communauté de 30 personnes qui le faisait vivre, une newletters avant l'époque du net où chacun rédigeait un article en rapport avec le Japon et les mangas.
Samedi 5 Avril
Comme compagnie aérienne, j'ai pris l'Aéroflot qui fait l'Aller/Retour à 5000F00, taxes d'aéroport comprises, au lieu de 8200F00 par Air France par exemple. Le voyage a duré 14 heures, avec une escale d'une heure à Moscou.
Dimanche 6 Avril
Arrivée à Narita, aéroport de Tokyo, à 10H00 heure locale, 3H00 du matin heure francaise. La chose que je redoutais le plus en arrivant au Japon s'est finalement bien déroulée, à savoir trouver un hôtel. II faut que vous sachiez que je suis arrivé au pays du soleil levant sans savoir où je dormirais! ! ! ! ! Non non, je n'étais pas fou car quittant ma sociéte juste avant mon voyage, je ne pouvais pas partir tant que le projet sur lequel je travaillais n'était pas fini. Ne sachant quand il se terminerait, impossible de réserver une chambre puisque j'ignorais ma date d'arrivée! En revanche j'avais récupéré pas mal de documentation à l'office du tourisme, rue Sainte Anne de Paris, avec notamment une liste d'hôtels et leurs prix.
Quelques coups de fils depuis l'aéroport et me voilà parti pour le quartier d'Ikebukuro, près de Shinjuku puisque je vais au Kimi-Ryokan, un petit hôtel assez connu à l'étranger pour ses prix bas. Après 1H20 de trajet en express, l'aéroport étant très éloigné de Tokyo, me voici à Ikebukuro. Première grosse galère, le Kimi-Ryokan est vers la sortie Est mais impossible de la trouver : toutes les autres sorties sont indiquées mais pas celle-ci, incroyable non! C'est finalement grâce à des passants que je trouve cette satanée sortie; ca commence bien, vous ne trouvez pas? N'ayant pas de plan pour trouver le Kimi-Ryokan, je demande à un policier se trouvant dans un koban mon chemin, qu'il m'indique très gentiment car, comme je l'ai dit, beaucoup d'étrangers s'y retrouvant, celui-ci est bien connu.
Ma chambre est composée de cinq tatamis, un futon sur le sol, une table basse et un petit paravent en papier devant la fenêtre. C'est sobre, esthétique, pas cher, que demander de plus? Une fois mes bagages posés, une bonne douche prise, je me rue sur le premier Mac Donald's trouvé car je meurs de faim. D'accord, c'est pas la peine de faire autant d'heures d'avion pour bouffer au Mac Do mais je ne sais pas manger avec des baguettes et je ne saurais pas quoi commander de toute facon dans un vrai restaurant japonais. Les deux premiers jours je ne mange donc que des hamburgers puis, un peu écoeuré je l'avoue, je repère un magasin ouvert très tard, appelé Family Market, vendant d' excellentes frites, boulettes de viandes et gâteaux au chocolat. Ce sera en gros mon repas pour toute la durée de mon séjour et j'en garde un bon souvenir, ces petits magasins sont super pratiques.
Maintenant que je me suis débarrassé de mes valises, que mon ventre ne crie plus famine, je me lance enfin à la découverte de Tôkyô!!!!! Je passe ma soirée à me promener à Ikebukuro, à flaner dans ses petites rues commercantes, émerveillé par un tel dépaysement : tout est écrit en japonais, les gens ont une tête différente de la mienne, et surtout les rues japonaises n'ont rien à voir avec les notres tant l'espace y est géré différemment. Là bas on ne perd pas le moindre mêtre carré, il y a plein d'objets sur le trottoir, les enseignes et les néons sont partout, se disputant le moindre espace libre... Bref, je suis sous le charme.
Lundi 7 Avril
Ce matin je visite Asakusa. Pour ce faire, je suis obligé d'utiliser le métro et je redoute cet instant depuis qu'un ami étant allé voir un concert de X Japan à Tôkyô quelques mois auparavant m'avait dit qu'il était très difficile d'utilisation. Après une journée, je peux vous rassurer en vous disant qu'il n'en est rien et que le métro et les chemins de fer sont très simples à prendre. II est vrai qu'un guide m'avait décrit le fonctionnement des billetteries et qu'il suffit de regarder les gens les utiliser. Aucun problème non plus pour trouver la bonne ligne et descendre à ma station puisque pratiquement tout est sous-titré en anglais.
Je passe donc cette matinée à Asakusa, un petit quartier dont la principale attraction touristique est un magnifique temple. Son entrée est, bien sur, un superbe tori, avec les dieux de la foudre et du tonnerre de chaque côté, une gigantesque lanterne en papier en surplombe l'entrée. Passé le tori je découvre une allée de 200 mètres constituée de boutiques de souvenirs et d'alimentation. Le temple, au bout de l'allée, est grand, richement décoré, il y a également une pagode à cinq étages à quelques pas, ainsi qu'un petit jardin typiquement japonais dans le sens où il n'arrange pas la nature selon le goût du jardinier mais qu'il essaye de la recréer le plus fidèlement possible. Une fois cette partie vue, je déambule dans les petites rues commercantes des alentours, très pittoresques, étroites... on se croirait dans un film de Ozu!
Cet après-midi, je vais en banlieue de Tôkyô, à Nakano dans une gigantesque galerie commerciale, les Arcades de Broadway, construite sur plusieurs étages et renfermant plusieurs magasins Mandarake ainsi que Tacho Che, une librairie spécialisée dans tout ce qui est underground. Résultat des courses, 1000F00 dépensés en trois heures! Et encore, je me suis controlé car j'avais peur de claquer tout mon argent en une seule fois; le paradis sur terre pour les fans de mangas. Je passe ensuite quelques moments dans une salle de jeux ( j'ai vite arrété de compter le nombre d'heures passés à jouer aux jeux vidéos ) puis je regagne Ikebukuro par le train. Ce soir aussi je me promène dans ce quartier très vivant avec sa multitude de petites rues qui me pincent le coeur par l'atmosphère qui s'en dégage : c'est pour elles que je suis parti, aussi étrange que cela puisse paraitre.
Mardi 8 Avril
Aujourd'hui, c'est dans le mythique quartier de Shinjuku que je me rends, fameux quartier avec ses hautes tours, si souvent aperçues dans les mangas de Clamp et les animés, et la mairie de Tôkyô, le plus beau building que j'ai jamais vu avec ses deux tours jumelles. La vue du 45ème étage de la mairie est superbe. Ensuite, direction le Kabuchi Cho, c'est le quartier des plaisirs de Shinjuku. C'est simple, c'est Pigalle puissance 1000 : des néons à perte de vue, une foule considérable, un nombre incroyable de magasins par rue, des rabatteurs pour les clubs par centaines... Je marche une heure à peu près, déambulant dans cette débauche de lumières, avant de revenir à mon hôtel sans être entré dans un seul bar ou peep show car mon guide est formel, certains sont interdits aux étrangers, les autres sont extrèmement chers.
Avant cela j'ai trouvé une petite rue de 100 mètres de long, avec un nombre impressionnant de restaurants, bars, ne pouvant pas contenir plus de six clients alignés les uns près des autres. Au dessus de cette ruelle, un incroyable enchevêtrement de fils, planches et, par endroits, les néons des buildings géants sont visibles car cette petite rue est en plein coeur de Shinjuku, totalement anachronique à coté des salles géantes de pachinko, des écrans gigantesques de télévision qui ne sont qu'à quelques mêtres. Vraiment étonnant, le Tôkyô d'Ozu au milieu de celui de Patlabor.
Mercredi 9 Avril
Aujourd'hui je suis à Ueno, un quartier de Tôkyô comprenant un énorme parc qui renferme plusieurs musées et un zoo. Les cerisiers sont en fleurs, ils sont présents par centaines, je fais quelques photos de ce rose délicat qui fait réver tous ceux qui connaissent l'animation japonaise. Mais ce qui m'aura le plus étonné c'est un spectacle de karaoké en plein air qui restera un de mes plus beaux souvenirs. Une personne du public choisi sa chanson, l'interprète devant les spectateurs et il y a trois danseurs qui renforcent le spectacle en mimant des passages de la chanson. Parmi ces trois personnes, un homme de 60 ans à peu près et un de 70 ans; ils sont certes agés mais ils dansent très bien, sont souples, rapides, un enchantement pour les yeux et les oreilles. Les chansons ont l'air d'être des classiques comme peuvent l'être Brassens ou Brel chez nous au vu de l'âge des spectateurs. Ensuite je me rends au zoo pour me reposer un peu et reprendre des forces car depuis mon arrivée je n'arrête pas de marcher, marcher et d'avoir le cerveau submergé par trop d'images inconnues et excitantes.
Jeudi 10 Avril
Aujourd'hui, visite poussée de mon quartier, Ikebukuro et grand bien m'en a pris car je tombe sur un petit magasin Animate où j'achète plein de shitajikis ( des sous-mains ). Ensuite, je monte au soixantième étage du Sunshine 60, le plus haut building de la vile car il y a un observatoire sur tout Tôkyô. Après je me rends au quartier d'Ebisu, vers Roppongi voir une place appelée The Garden Place, que mon guide qualifie de délirante et le mot n'est pas trop fort. Jugez en plutôt : c'est une place entourée par des buildings d'aspects très moderne, avec de beaux petits jardins à la francaise entourant une fontaine, et cette place est surplomblée par une immense verrière!!!!! Ajoutez à cela, au bout de cette place, la reproduction exacte d'un château francais transformé en restaurant et vous comprendrez le "décalage" entre cette place et le reste de Tôkyô.
Ce soir, je retourne au parc de Ueno car le karaoké vu hier m'a donné beaucoup de joie. Malheureusement, la compagnie n'est plus là mais il y a une chanteuse qui donne un concert. L'ambiance est la même qu'hier, il y a une vingtaine de spectateurs, agés aussi, dansant lentement au fil des chansons, il fait nuit et le style est identique à hier, ce qui me va à ravir. Je reste plus d'une heure à l'écouter avant de retourner dans une salle de jeu de Shinjuku.
Ensuite, je vais voir la Golden Gai, c'est un minuscule quartier de Shinjuku à 100 mètres du Kabuki Cho mais on ne peut s'y rendre qu'à pieds par un petit chemin de pierre bordé d'arbres. C'est un ensemble de 5, 6 rues, petites où il n'y a que des bars et restaurants mais dont on ne peut voir l'intèrieur, visiblement ils veulent préserver leur intimité et je n'ai quasiment croisé personne. C'est très étrange de voir ce bloc de maisons si anciennes cotoyer l'hyper moderne Kabuki Cho : Tôkyô, terre de contrastes qui n'a pas fini de nous surprendre!
Vendredi 11 Avril
Un petit tour à Roppongi aujourd'hui, le quartier de la fameuse tour de Tôkyô. Je me rends d'abord au magasin de musique Wave car après mes deux soirées à Ueno, j'ai un besoin dévorant des chansons entendues les deux soirs. Ne sachant quoi choisir, je prends une compilation des chansons de la série Tora-san, un hommage aux musiques des films d'Ozu et des chansons de films de guerre ( ce n'est que bien plus tard que j'apprendrais que les chansons entendues à Ueno étaient du style Enka ). Ensuite je me promène dans les rayons de la grande librairie Kinokuniya de Shinjuku, où je trouve entre autres un livre d'estampes de Yoshitoshi et un artbook de Junko Kitano contenant d'extraordinaires portraits d'enfants.
Samedi 12 Avril
Ce matin et cet après-midi, direction Ginza. Ce quartier est très décevant car ressemblant beaucoup à Paris, c'est le quartier le plus occidentalisé de Tôkyô et je n'aime pas du tout, le dépaysement est totalement absent. Ensuite je vais en banlieue, à Koenji pour voir une librairie spécialisée dans les mangas underground que je n'ai jamais trouvée d'ailleurs, qu'à cela ne tienne, je retourne chez Tacoche dépenser encore des milliers de yens.
Dimanche 13 Avril
Le Yoyogi parc est près de Shinjuku et comprends un grand temple en son sein, le sanctuaire Meiji Jingu. On accède au parc par un gigantesque tori puis, après quelques minutes de marche, on arrive dans ce temple, perdu au milieu de très grands arbres. Quand je suis arrivé un mariage se déroulait, en costumes traditionnels. La mariée était belle dans sa robe blanche et pourtant très différente des robes occidentales. J'ai réussi à prendre plusieurs photos de cette superbe cérémonie, voici la plus belle.
Le dimanche après-midi, tout le monde vous le dira, c'est à Harajuku qu'il faut aller. C'est le quartier près de Shinjuku où tous les jeunes se donnent rendez-vous en fin de semaine et exhibent leurs fringues toutes plus délirantes les unes que les autres. J'ai vu deux filles vétues de cuir de la tête aux pieds avec le visage maquillé en blanc et des bottes genre Mad Max du genre qui fait même se retourner les japonais sur leur passage. Moi, comme un idiot, je n'ai pas osé les arréter pour les prendre en photo et m'en mord encore les doigts car elles étaient fantastiques.
Voyant un groupe de rockers descendre l'avenue Omotesando, surnommée les Champs Elysées de Tôkyô, je les suis en espérant qu'ils me conduiront au lieu où ils se rassemblent le dimanche. C'est tout simplement en haut de l'avenue Omotesando, qui est fermée à la circulation entre 14H00 et 18H00. Mais revenons à ces fameux rockers dont tous les guides parlent : ils ont les cheveux gominés, la banane bien huilée sur la tête, habillés de cuir, lunettes de soleil et dansent en groupe le rock'n roll sur l'avenue! Il y a des groupes de 7, 8 mecs et parfois des filles avec des robes style années 50, je vous raconte pas l'attroupement de touristes autour de ce spectacle bon enfant! Je me promène ensuite dans les environs de Omotesando car le dimanche c'est noir de monde et les rues sont très très animées jusqu'à 18H00 où l'avenue est réouverte à la circulation.
Lundi 14 Avril
Tsukudajima est une petite île de la baie de Tokyo maintenant reliée à la capitale par un pont. A ma grande surprise il y a des rues encore plus étroites que celles d' Asakusa : on ne peut tout simplement pas y passer à deux côte à côte, je n'en suis pas encore revenu! C'est vraiment un très bel endroit faisant penser à un petit village où tout le monde se connaîtrait. Malheureusement les buildings s'y construisent à vitesse grand V, pour combien de temps cet endroit sera-t-il encore une telle oasis de paix? Après trois heures de marche, je vais à Roppongi, en haut de la tour de Tôkyo, elle fait 333 mètres, soit 13 de plus que la tour Eiffel. Ensuite je visite le quartier qui est à la mode actuellement avec toutes ses boites.
Mardi 15 Avril
Je me promène ce matin dans le parc impérial, avec ses très longues allées bordées de remparts en pierre. Peu de choses à dire sinon que c'est un endroit excellent pour se reposer de l'agitation frénétique régnant à Tôkyô; l'endroit est vaste, peu fréquenté car il y a peu de choses à voir, la partie la plus intéressante étant fermée au public, à savoir le palais de l'empereur. Cet après-midi j'assiste à une pièce de Kabuki au Kabukiza, le théâtre de la capitale spécialisé dans ce genre théâtral. La pièce étant en japonais, je n'ai rien compris et j'ai eu la "malchance" de tomber sur une pièce avec comme personnages principaux des artistes et non les dieux ou guerriers possédant des costumes hauts en couleurs avec des maquillages extraordinaires.
En résumé, que dire sur ces premiers jours? Que ce fut un enchantement, le dépaysement total, une multitude d'images que je n'oublierai jamais, la coexistence entre une mégalopole ultra moderne et des quartiers anciens... Plusieurs noms de quartier ou de stations de la Yamanote ( la ligne de chemin de fer circulaire) me reviennent à l'esprit : Ikebukuro, Mejiro, Takadanobaba, Shin okubo, Shinjuku, Yoyogi, Harajuku, Shibuya, Akihabara, Ueno... Les rues m'ont peut-être le plus étonné, tant elles sont différentes des francaises par la façon dont l'espace y est géré. J'avais peur en partant d'être déçu, de ne pas retrouver cette atmosphère palpable des films de Ozu, des romans de Kawabata, ce vieux Japon véhiculant le fameux Mono no Aware ( la poignance des choses, la douce acceptation du monde ).
J'ai été comblé au delà de tous mes espoirs en me promenant à droite et à gauche, en ne visitant pas que les centres touristiques mais en me perdant dans la partie résidentielle du quartier d'Ikebukuro le soir, dans ses petites rues piétonnes qui partent on ne sait où, qui se croisent, se recroisent, faiblement éclairées, avec des pavillons de part et d'autre. Le soir, je m'y promenais et mon coeur se serrait car je vivais mon rêve.
Aujourd'hui, Mai 1997, alors que je tape cet article, une faim dévorante s'empare de moi, Tôkyô me manque, la Yamanote line me manque, le parc de Ueno me manque, ses rues me manquent. Les photos que j'ai ramenées sont belles pour la plupart, leur pouvoir émotionnel est grand : je me revois ce fameux soir où j'étais rempli de joie devant le spectacle de karaoké à Ueno...