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Sujet : James Bond et les arts martiaux (1959 et 1964)

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    Par défaut James Bond et les arts martiaux (1959 et 1964)

    Bonjour les ami(e)s,

    Après Arsène Lupin et le ju-jitsu, voici James Bond et les arts martiaux.
    James Bond dans les romans originaux de Ian Fleming, évidemment, pas dans les films.
    Il y a en particulier deux romans à citer : « Goldfinger », écrit en 1959, et « On ne vit que deux fois », écrit en 1964.

    Commençons donc par « Goldfinger », qui traite du karaté.

    Hormis l’erreur grossière qui consiste à dire que le karaté est une variété du judo, le sujet est plutôt bien traité quoique sommairement.

    Chapitre 5 : « Service de nuit » :
    « Mais Bond avait une autre raison d’aimer le service de nuit. En effet, ce service lui permettait de travailler à un ouvrage que, depuis un an, il avait décidé d’écrire, une sorte de manuel, exposant toutes les méthodes secrètes pour le combat sans armes. Bond voulait intituler cet ouvrage : « Survivre ». Le manuel reprendrait entre autres tout ce qui avait déjà été écrit sur le sujet par différents services secrets. Notre homme n’en avait parlé à personne et il espérait, s’il en venait à bout, que M. l’autoriserait à joindre le volume à ceux dont le Service faisait usage, pour l’instruction des agents.
    Il en était à la fin de son deuxième chapitre lorsque, compulsant un livre relatif aux méthodes russes, livre qui venait d’être traduit en anglais, il tomba en arrêt sur une description de la manière dont il convenait d’appréhender une femme soûle pour la forcer à vous suivre. L’auteur disait qu’il suffisait de pincer fortement la lèvre inférieure de la femme entre le pouce et l’index, et qu’aussitôt elle devient d’une docilité de caniche. Cette indication eut le don de révolter Bond, mais un mot attira plus particulièrement son attention. Il s’agissait du mot « index », qui se disait FOREFINGER en anglais. Bond se dit que cela lui rappelait quelque chose, mais quoi ? Ah ! Oui, il y était ! FOREFINGER – GOLDFINGER. »

    Chapitre 11 : « L’homme à tout faire » :
    « La porte de service s’ouvrit, et le chauffeur s’encadra dans la porte. Il portait toujours son chapeau melon sur le milieu du crâne.
    Le Coréen regarda Goldfinger d’un air impassible. Goldfinger fit claquer les doigts et le chauffeur s’approcha.
    - Voici mon homme de main, dit-il en se tournant vers Bond et en parlant sur le ton de la conversation. C’est évidemment une façon de parler. Bon-à-tout, montre tes mains à M. Bond. Je l’appelle « bon-à-tout » parce que cela correspond parfaitement aux fonctions qu’il occupe chez moi.
    Le Coréen retira lentement ses gants et présenta ses mains à Bond, paume au-dessus. Bond se leva et les examina. Elles étaient grandes et musclées. Les doigts semblaient tous être de la même longueur. Les extrémités et les côtés des doigts semblaient recouverts d’une corne jaune.
    - Tourne-les et montre les côtés à M. Bond.
    L’homme n’avait pratiquement pas d’ongles, la même corne jaune les remplaçait. La même corne bordait le tranchant de ses mains. Bond jeta un regard interrogatif à Goldfinger.
    - Il va nous faire une démonstration, dit Goldfinger, en pointant un doigt vers la rampe de l’escalier.
    La rampe était assez massive et devait bien mesurer quinze centimètres de large sur six d’épaisseur. Le Coréen se dirigea docilement vers l’escalier et gravit quelques marches. Il attendit le signal de Goldfinger qui lui fit un léger signe de tête. Toujours aussi impassible, le Coréen leva la main droite au-dessus de sa tête. Il l’abaissa à une vitesse foudroyante et frappa la rampe du tranchant de la main. Il y eut un craquement et la rampe se brisa en deux en son milieu. Le Coréen reprit sa position d’attente. On ne voyait sur son visage aucune trace d’effort, pas plus d’ailleurs que le moindre signe de satisfaction pour avoir réussi cet exploit. Goldfinger fit un signe et l’homme revint vers eux.
    - Il peut faire la même chose avec les pieds, dit Goldfinger. Bon-à-tout, la cheminée.
    La cheminée était assez haute. Elle dépassait de 15 bons centimètres le sommet du chapeau melon du Coréen.
    - Garch a har ? fit l’homme en regardant Goldfinger.
    - Oui, enlève ton chapeau et ton veston, dit Goldfinger. (Et, se tournant vers Bond Le pauvre type est quasi muet. Je suis seul à le comprendre.
    Bond se dit qu’une sorte d’esclave dont on était le seul à pouvoir comprendre le langage devait être extrêmement utile.
    Bon-à-tout avait enlevé son chapeau et son veston et les avait soigneusement posés sur le sol. Il retroussa son pantalon jusqu’aux genoux et écarta les jambes dans la position d’attente du judoka. Une charge d’éléphant ne l’aurait probablement pas fait bouger d’un centimètre.
    - Vous feriez bien de vous reculer un peu, monsieur Bond, dit Goldfinger, en se déplaçant lui-même pour laisser la voie libre à son domestique.
    Le Coréen ne se trouvait qu’à trois pas de la cheminée, et Bond se demandait comment il allait faire pour atteindre l’épaisse bordure de bois qui entourait la cheminée et qui se trouvait à une hauteur respectable. Il regardait, fasciné. A présent le regard de l’Asiatique était fixé avec intensité sur l’objectif à atteindre. Quiconque devait subir pareil regard n’avait plus qu’à se laisser glisser sur les genoux et à attendre la mort.
    Goldfinger leva la main. On pouvait voir les orteils du Coréen se recroqueviller dans ses chaussures de cuir souple. L’homme s’accroupit lentement en prenant une profonde inspiration et, brusquement, il fit un bond fantastique. En pleine ascension, il claqua ses pieds l’un contre l’autre, comme un danseur de ballet, mais bien plus haut. Son corps bascula sur le côté et son pied droit se détendit comme un piston. Il y eut un craquement. Le Coréen retomba gracieusement sur les mains, se reçut en pliant les bras et, d’une pirouette, se remit sur ses pieds.
    Bon-à-tout attendit les ordres, mais cette fois, on put discerner une certaine fierté dans ses yeux, lorsqu’il fixa la bordure de la cheminée, qui avait été entamée par le coup de pied.
    Bond regarda le Coréen avec ébahissement. Il y avait à peine deux nuits que notre agent secret avait encore revu son manuel de combat à mains nues. Tout ce qui y était écrit ne signifiait rien, absolument rien, à côté de ce qu’il venait de voir. Ce n’était pas un homme fait de chair et d’os qu’il avait en face de lui, mais probablement l’animal sauvage le plus redoutable qui se trouvât à la surface de la terre. Il n’en restait pas moins vrai qu’il fallait absolument rendre hommage à ce spécimen, à la fois unique et terrifiant, de l’espèce humaine. Il tendit la main.
    - Doucement, Bon-à-tout, doucement, dit Goldfinger, d’une voix aussi tranchante qu’une lame de rasoir.
    Le Coréen courba la tête et prit la main de Bond. Il garda les doigts tendus et n’exerça qu’une légère pression du pouce sur la main de Bond, qui eut l’impression de serrer un morceau de bois dur. Puis le monstre se dirigea vers son veston et son chapeau.
    - Excusez mon intervention, monsieur Bond, et croyez que j’apprécie beaucoup votre geste, dit Goldfinger. Malheureusement, Bon-à-tout, ne connaît pas sa force, surtout après un exercice de ce genre. Ses mains sont comme des étaux. Il aurait pu vous broyer la main sans même s’en apercevoir.
    Bon-à-tout attendait les ordres de son maître.
    - Beau travail, Bon-à-tout ! Je suis heureux de constater que tu t’entraînes toujours.
    (…)
    - Pourquoi porte-t-il toujours un chapeau ? demanda Bond.
    - Bon-à-tout… Le chapeau !
    Le Coréen, qui venait d’atteindre la porte de service, revint vers eux. Lorsqu’il fut à mi-distance, il prit son chapeau par le bord et, d’un geste brusque et d’une violence inouïe, le heurta contre le panneau que lui avait désigné Goldfinger. Un « bang » sonore résonna dans le hall.
    - Le fond du chapeau est fait d’un alliage spécial extra-léger, mais extrêmement solide, dit Goldfinger en souriant. Comme vous pouvez l’imaginer, un tel couvre-chef sert à la fois de casque protecteur et d’arme surprise. Car, n’en doutez pas, le coup qu’il vient de porter contre le panneau aurait suffi à briser le crâne de n’importe quel homme.
    - Formidable, dit Bond. Vous avez là un serviteur vraiment très utile.
    Bon-à-tout disparut et un bruit de gong se fit entendre.
    - Ah, le dîner est servi. Mettons-nous à table.
    Goldfinger se dirigea vers un panneau de bois, à droite de la cheminée, pressa un bouton, et le panneau glissa pour les laisser passer. La petite salle à manger était très luxueuse, brillamment éclairée par un lustre central et par des bougies disposées tout autour de la table. Ils prirent place l’un en face de l’autre. Deux serveurs asiatiques apportèrent les plats. Le premier se composait d’une sorte de ratatouille de riz au curry.
    (…)
    - Pour en revenir à votre chauffeur, je dois avouer qu’il m’a terriblement impressionné. D’où vient cette extraordinaire méthode de combat ? Est-ce une spécialité coréenne ?
    Goldfinger s’essuya la bouche et fit claquer ses doigts. Les deux serveurs débarrassèrent la table et apportèrent du canard rôti, avec une bouteille de Mouton-Rothschild 1947 pour Bond.
    - Avez-vous jamais entendu parler du karaté ?… Non ?… Eh bien, Bon-à-tout est un des trois pratiquants de ce sport, dont il est ceinture noire. Le karaté est une variété de judo et il est au judo ce que la fusée est au planeur.
    - J’ai eu l’occasion de m’en apercevoir !
    - Et encore, cher monsieur, la démonstration a-t-elle été réduite à sa plus simple expression ! Je peux vous garantir que si Bon-a-tout devait vous porter un coup et un seul, dont il a la spécialité, vous seriez un homme mort.
    Goldfinger s’interrompit pour boire une gorgée d’eau.
    - Voyez-vous, monsieur Bond, le karaté est fondé sur une théorie qui enseigne que le corps humain possède trente-sept points vulnérables. Ils ne sont évidemment vulnérables que pour un expert en karaté, dont le tranchant des mains, le bout des doigts, des orteils et les côtés des pieds sont recouverts d’une corne plus résistante et plus souple que n’importe quel os. Bon-à-tout passe tous les jours une heure à s’entraîner, en frappant sur des sacs remplis de riz non décortiqué. Il passe une autre heure à faire de la culture physique, bien plus sévère que celle de tous les gymnastes du monde.
    - Et quand s’entraîne-t-il avec le chapeau melon ? dit Bond, en essayant de ne pas se montrer trop ironique.
    - Je ne le lui ai jamais demandé, répliqua Goldfinger le plus sérieusement du monde. Mais je crois qu’on peut faire confiance à Bon-à-tout pour s’assurer que tous les éléments de son autodéfense sont toujours parfaitement au point. Vous me demandiez d’où le karaté était originaire. Eh bien, de Chine, où des prêtres errants étaient devenus une proie facile pour les bandits de grand chemin. Leur religion leur interdisait de porter des armes, et c’est ainsi qu’ils mirent au point ce système d’autodéfense. Les habitants d’Okinawa l’ont transformé, pour en faire ce qu’il est à l’heure actuelle, le jour où les Japonais leur défendirent d’être armés. Ils choisirent cinq parties du corps avec lesquelles il était possible de frapper un adversaire : le poing, le tranchant de la main, le bout des doigts, le talon et les épaules. Ils travaillèrent ces différentes parties, jusqu’à ce qu’elles fussent recouvertes d’une corne. Celui qui donne un coup en karaté ne ressent absolument rien au moment où il frappe. Il est étonnant de voir ce que Bon-à-tout arrive à faire. Par exemple, je l’ai vu frapper une brique sans ressentir la moindre douleur à la main. Et il peut faire de même avec ses pieds.
    - De telles démonstrations doivent vous coûter cher en réparations dans la maison, dit Bond en buvant une gorgée de vin.
    - J’ai décidé de ne plus habiter cette maison très longtemps et je me suis dit qu’une telle démonstration vous amuserait. »

  2. #2
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    Par défaut Re : James Bond et les arts martiaux (1959 et 1964)

    Vient ensuite « On ne vit que deux fois », publié en 1964 aussi bien en anglais qu’en français.
    Il y est cette fois-ci question du ninjutsu.
    Et entretemps, Ian Fleming s’est corrigé, et ne confond plus judo et karaté.
    Il cite les « deux écoles principales, l’Iga et la Togakure » ; il aurait été plus judicieux de dire « l’Iga et la Kôga », mais pour un livre des 60’s, ce n’est déjà pas si mal. Il mentionne aussi les « dix-huit diplômes que comportent les arts guerriers du bushido », et le bojutsu, qui est bel et bien le combat au bâton long d’environ 2 m (1 m 80 cm).

    Chapitre 10 : « Etudes poussées » :
    « - Quelle est l’honorable expérience qui m’attend cet après-midi ? demanda Bond avec aigreur.
    (…)
    - Je vous emmène visiter l’un des établissements secrets d’entraînement de mon service. Ce n’est pas loin d’ici, un vieux château fortifié dans la montagne. Il est dénommé : « Ecole centrale d’alpinisme ». Il n’y a donc aucun commentaire dans le voisinage, ce qui est aussi bien, car mes agents y sont initiés à l’un des arts les plus redoutés au Japon, le ninjutsu, c’est-à-dire, littéralement, l’art de se rendre invisible. Tous les hommes que vous y verrez possèdent déjà au moins dix des dix-huit diplômes que comportent les arts guerriers du bushido, et ils sont en train de s’initier au ninja, qui fait partie depuis des siècles de l’entraînement de base des espions, des assassins et des saboteurs. Vous verrez des hommes marcher à la surface de l’eau, grimper aux murs, se déplacer au plafond et l’on vous montrera un équipement qui permet de rester sous l’eau pendant toute une journée. Et bien d’autres trucs. Car, bien entendu, mise à part l’habileté physique, les ninja n’ont jamais été les surhommes créés par l’imagination populaire. Mais néanmoins, les secrets du ninjutsu sont encore jalousement gardés et sont la propriété de deux écoles principales, l’Iga et la Togakure, d’où sortent mes instructeurs. Je pense que cela vous intéressera et que vous y apprendrez peut-être quelque chose. Je n’ai jamais été partisan que les agents portent des revolvers ou d’autres armes visibles. En Chine, en Corée et en Russie orientale qui sont, pour ainsi dire, mes principaux secteurs, si l’on vous arrête, le fait d’être trouvé porteur d’une arme offensive constitue un aveu de culpabilité. J’exige de mes hommes qu’ils soient capables de tuer sans le secours d’aucune arme. Ils n’ont avec eux qu’un bâton et un morceau de chaîne fine dont on peut toujours expliquer la présence sur soi. Vous comprenez ?
    - Oui, ça paraît raisonnable. Nous avons, rattaché au quartier général une école d’entraînement de commando analogue, en vue du combat sans arme. Mais, naturellement votre judo et votre karaté sont des exercices très particuliers qui exigent des années de pratique.
    (…)
    Quand ils furent revenus sur la route poussiéreuse, ils montèrent en voiture et après avoir roulé quelque temps, ils prirent une route secondaire dans les montagnes.
    Le château était l’habituelle bâtisse à toit cornu des estampes japonaises. Il était situé dans une faille de la montagne qui avait dû autrefois être un passage important : un défilé formé de gigantesques murailles de granit noir légèrement en pente. On les arrêta une première fois à une grille qui s’ouvrait sur un petit pont de bois franchissant des douves pleines d’eau, puis à l’entrée du château. Tigre montra son laissez-passer, il y eut pas mal de susurrements et de courbettes de la part des gardes en civil ; une cloche se mit à sonner au sommet du vieil édifice qui, d’après ce que Bond pouvait en voir de la cour intérieure, avait joliment besoin d’un coup de peinture. Lorsque la voiture s’arrêta enfin, des jeunes gens en short et sandales de gymnastique sortirent en courant de différentes portes du château et vinrent se former en colonnes derrière les trois hommes plus âgés. Ils s’inclinèrent jusqu’à terre quand Tigre descendit majestueusement de voiture. Tigre et Bond leur rendirent leur salut. Il y eut un bref échange de politesse avec les hommes plus âgés. Tigre émit un torrent de paroles saccadées en japonais, ponctuées par des respectueux « haï » de l’homme entre deux âges qui, de toute évidence, était le chef.
    (…)
    Tigre expliqua à Bond :
    - Et maintenant vous allez assister à la démonstration de l’attaque d’un château.
    Tigre donna encore quelques ordres, les hommes se dispersèrent au pas de course et Bond suivit, jusqu’au pont de bois, Tigre et le chef instructeur qui discutaient avec animation. Un quart d’heure environ après, on entendit un coup de sifflet venant des remparts et immédiatement dix hommes sortirent de la forêt à leur gauche. Ils étaient vêtus de la tête aux pieds d’une sorte de tissu noir, la tête couverte d’un capuchon qui ne laissait paraître que les yeux, à travers d’étroites fentes. Ils descendirent en courant jusqu’au bord des douves, chaussèrent des lattes ovales faites d’un bois léger qui ressemblait à du balsa et s’élancèrent à la surface de l’eau en faisant des mouvements de skieurs, jusqu’au moment où ils parvinrent au pied du gigantesque mur noir. Là, ils quittèrent leurs lattes, sortirent de leurs poches des morceaux de corde et une poignée de petits pitons de fer et se mirent à grimper au mur, presque en courant, comme des araignées noires.
    - Il va de soi que cela est censé se passer la nuit, dit Tigre en se tournant vers Bond. Dans quelques jours, vous aurez à faire quelque chose du même genre. Notez que les morceaux de corde se terminent par un crochet qu’ils lancent pour qu’il vienne se fixer dans une crevasse entre les blocs de pierre.
    L’instructeur fit remarquer quelque chose à Tigre en tendant le doigt. Ce dernier approuva et expliqua à Bond :
    - L’homme qui se trouve en bas est le plus faible de l’équipe. L’instructeur pense qu’il ne va pas tarder à tomber.
    Les hommes étaient presque arrivés au sommet du mur de soixante mètres et il ne leur restait plus que quelques mètres à franchir quand le pied du dernier grimpeur manqua sa prise ; battant l’air des bras et des jambes, en poussant un cri de terreur, il tomba, sa tête entièrement voilée de noire la première. Son corps rebondit une fois et alla s’abîmer dans les eaux de la douve. L’instructeur marmonna quelque chose, ôta sa chemise, escalada la barrière du pont et plongea à trente mètres plus bas. Ce fut un plongeon impeccable ; d’un crawl rapide, il nagea vers le corps de l’homme qui flottait la figure tournée vers le fond, dans une position qui ne laissait rien présager de bon.
    - Ca n’a aucune importance, dit Tigre en se tournant vers Bond. L’instructeur allait de toute manière le recaler. Et maintenant, venez dans la cour. Les assaillants ont escaladé le mur et ils vont maintenant utiliser contre les défenseurs le bojutsu, c’est-à-dire le combat au bâton.
    Bond jeta un dernier regard vers l’instructeur qui ramenait sur la berge le corps de l’élève mort à n’en pas douter, en le remorquant par son capuchon noir. Il se demanda si un nouvel étudiant n’allait pas échouer dans son épreuve de bojutsu. Lorsqu’il y avait un échec dans le camp d’entraînement de Tigre, il était à coup sûr total.
    Dans la cour, les combats avaient déjà commencé ; les adversaires, s’affrontant deux par deux, sautillaient et dansaient en combattant furieusement avec des bâtons massifs d’environ deux mètres de long. Ils se balançaient, paraient en tenant l’arme à deux mains, visaient au ventre en se servant du bâton comme d’une lance ou livraient de compliqués combats corps à corps, visage contre visage. Bond était stupéfait de les voir encaisser ces terrifiants coups d’estoc et de taille dans l’aine qui l’auraient fait tordre de douleur. Il s’informa auprès de Tigre. Celui-ci, les yeux brillants d’excitation à la vue du combat, lui répondit qu’il lui expliquerait plus tard. Cependant, les assaillants étaient lentement repoussés par les défenseurs. Des silhouettes vêtues de noir vacillaient dans l’inconscience ou gisaient sur le sol, en gémissant et en se tenant la tête, le ventre ou la mâchoire. L’un des instructeurs donna un bref coup de sifflet et tout fut terminé. Les défenseurs étaient victorieux. Un médecin fit son apparition et alla s’occuper des blessés ; ceux qui se tenaient encore sur leurs pieds s’inclinèrent profondément devant leurs adversaires, puis dans la direction de Tigre. Celui-ci prononça un bref discours enflammé ; il expliqua par la suite à Bond qu’il contenait des félicitations pour le réalisme de la manœuvre. Bond fut alors conduit à l’intérieur du château pour prendre une tasse de thé et visiter le musée de l’armement ninja. Il y avait dans ce musée des petites roues d’argent à pointes, de la taille d’une pièce d’un dollar en argent qu’on pouvait faire tourner sur un doigt et lancer, des chaînes munies à chaque extrémité de poids hérissés de piquants, qu’on utilisait comme les bolas qui servent en Amérique du Sud à capturer le bétail, des clous acérés tordus en forme de nœuds pour arrêter les poursuivants pieds nus (Bond se rappelait les clous à trois têtes que la Résistance semait sur les routes pour arrêter les voitures de liaison allemandes), des tubes de bambou creusé pour respirer sous l’eau (Bond avait utilisé le même dispositif au cours d’une aventure aux Caraïbes), plusieurs variétés de coups-de-poing américains en bronze, des gants dont la paume était tapissée de clous très acérés, légèrement recourbés, pour « grimper » aux murs et marcher au plafond, et tout un assortiment de bibelots analogues servant d’armes primitives offensives et défensives. Bond ne fit entendre que les grognements d’approbation et d’étonnement qui convenaient, mais il ne pouvait s’empêcher de penser au pistolet à cyanogène employé avec succès par les Russes en Allemagne de l’Ouest, qui ne laisse aucune trace et fait infailliblement diagnostiquer une défaillance cardiaque. Allons ! Tout cela revient à peu près au même !
    (…)
    Vint alors, pour Bond, le moment béni des courbettes et des adieux ; ils reprirent leur route vers Kyoto.
    - Eh bien, Bondo-san, que pensez-vous de mon camp d’entraînement ?
    - Je le trouve très réaliste. Je crois que tout ce qu’on leur apprend est très utile, mais il me semble tout de même que leurs tuniques noires pour la nuit et ces divers accessoires doivent finalement être aussi compromettants qu’un pistolet, en cas de capture. Ils ont en tout cas grimpé ce mur diablement vite. Quant à votre bojutsu, il doit être joliment efficace pour se défendre contre les rôdeurs qui vous attaquent la nuit à coups de chaîne de bicyclette ou au couteau à cran d’arrêt. Il faut que je commande chez Swaine and Adeney une canne de deux mètres de long.
    - Vous parlez comme un homme qui ne connaîtrait en fait de combat que ceux des westerns de la série B, dit Tigre avec impatience. Avec vos méthodes, vous n’iriez pas bien loin si vous étiez obligé de pénétrer en Corée du Nord habillé en simple paysan et muni d’une simple canne.
    James Bond était épuisé par sa journée. Il était également triste quand il pensait à cet étudiant qui était mort en faisant sa démonstration pour le plaisir de Tigre et le sien.
    - Aucun de vos ninjas ne tiendrait le coup longtemps à Berlin-Est, dit-il simplement puis il se renferma dans un silence lugubre. »

    Vers la fin du chapitre 18 : « Les oubliettes » :
    « - Et ça, qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il en allemand.
    Le chef des gardes lui répondit dans la même langue. Il semblait mal à l’aise, ses yeux bridés se tournaient de temps en temps vers Bond avec un certain respect.
    - C’est un costume ninja, Herr Doktor. Ce sont des gens qui pratiquent les arts secrets du ninjutsu. Ces secrets remontent très loin et je n’y connais pas grand-chose. Ils concernent la lévitation, l’art de se rendre invisible, de tuer sans arme. Ces hommes étaient très redoutés au Japon ; je ne savais pas qu’il y en eût encore. »

    A mon sens, en étant publié au milieu des 60’s et bien avant la vogue des arts martiaux du début des 70’s, c’est ce livre grand public qui a fait connaître le ninjutsu et les ninja pour la toute première fois en Occident.

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    Par défaut Re : James Bond et les arts martiaux (1959 et 1964)

    Pour le film « You only live twice » (« On ne vit que deux fois »), un des conseillers pour les scènes d’action était Oyama Masutatsu Sosai (ce terme signifiant « fondateur ») qui a créé le Kyokushinkai karatedo, une des deux Ecoles les plus répandues au niveau mondial. Et ce sont certains de ses élèves que l’on peut voir lors de la scène d’entraînement, avant la tentative d’assassinat contre James Bond.


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