En fait, la question "les geishas sont-elles des prostituees" est une de celles qui reviennent le plus frequemment sur un site dedie au Japon, et on imagine un peu la lassitude de ceux qui decouvrent un tel sujet de discussion pour la 250eme fois.
On a generalement droit au debat des "Oui" contre les "Non", les premiers n'ayant pas tout a fait tord et les seconds n'ayant qu'a moitie raison. C'est que la question est toujours mal posee en realite. Celle-ci ne devrait pas etre "les geishas sont-elles des prostituees" mais "toutes les geishas sont-elles des prostituees".
Les geishas sont normalement des personnes rompues aux "arts" du divertissement classique (classique pour notre epoque s'entend, a l'epoque Edo, elles etaient l'equivalent de nos pop-stars !): chant, danse, instruments de musique, jeux de societe, poesie, "art" de la conversation etc. Ces attributions incluent-elles le sexe ? Normalement, non, pour cela a l'epoque Edo, il y avait - pour l'homme capable de s'offrir les prestations d'une geisha s'entend - les courtisanes (oiran) dont l'agrement ne le cedait en rien a celui d'une authentique geisha... Le prix de la courtisane etait egalement exhorbitant (et je ne parle meme pas du protocole obligatoire pour acceder a un tel bijou sensuel).
Si l'on considere la prostitution comme le fait de se vendre a 100 hommes, non, les geishas n'etaient pas des prostituees. Si l'on considere qu'on se prostitue des lors qu'on se prete aux menu-plaisirs d'un homme qu'on n'aime pas et qui nous entretient, alors oui, la grande majorite des (veritables) geishas sont des prostituees... On voit que le point de vue importe dans la reponse.
Je signalerai a toutes fins utiles qu'a l'epoque ou le Japon se charmait de ses geisha, nos hommes de pouvoir et d'argent europeens se piquaient d'opera, et surtout de ses jeunes beautes. Nombre de danseuses de l'opera etaient entretenues par de bons "mecenes" qui voyaient dans le fait de posseder une maitresse danseuse d'opera, la garantie d'une education de premier choix, une hygiene de vie du meilleur niveau, un moyen de surveillance de la petite protegee, et bien sur, un element du prestige social.
C'est ainsi que dans les registres de la prefecture de police parisienne du XIXeme siecle, les danseuses de l'opera apparaissaient sous l'en-tete d'une categorie de prostituees qui toutes etaient repetoriees comme a Edo, par leur appartenance sociale, leurs specialites et leurs moyens de retribution.
Par consequent, Geisha = danseuse de l'opera du XIXeme siecle francais: beaucoup se "vendaient" a un client-bienfaiteur, certaines a plusieurs et d'autres ne se donnaient qu'a leur art ou a l'homme qu'elles aimaient. Meme situation, pas de mystere.
P.S: on surestime beaucoup l'image de la geisha. Certes actuellement, la geisha se fait rare, elle coute donc tres cher, mais il ne faut pas negliger le fait que plusieurs "niveaux" de geisha existaient jadis, etre "inaka-geisha" n'etait pas glorieux, les pauvres faisaient pourtant ce qu'elles pouvaient.