« Donc, pour le manga, il me devenait impossible de l’aborder sans le lire. Et j’ai commencé par lire n’importe quoi, puisque j’étais confronté à un mur opaque, que dis-je, une muraille, une falaise indistincte dont je ne voyais pas les limites ! [...]

Malgré tout, rien ne pouvait me préparer à ce que j’allais découvrir… il faut lire « City Hunter » (et toutes les séries de Tsukasa Hōjō. Attention, Manga vintage, déjà…) pour comprendre le degré de folie que peut atteindre le récit dessiné, et comprendre à quel point les productions européennes et américaines peuvent être perçu par les lecteurs comme « ronronnantes » ! [...]

Maintenant, je sais pourquoi One Piece, bande particulièrement grotesque et souvent bâclée graphiquement, s’est vendu à 280 millions d’exemplaires. Et surtout je sais que c’est pour de très bonnes raisons, ou plutôt pour des raisons très « positives » au sens littéral du terme : pour cette énergie incroyable qui parcoure ce récit sans faillir pendant déjà plus de 60 volumes ! Et l’auteur malicieux a prévenu, il n’en est qu’à la moitié de son récit ! Vos ados n’ont pas fini de vous ruiner ! [...]

Le manga n’est pas ce qu’on en dit, cette chose mal et vite dessinée, produit de grande consommation, qu’on jette en descendant de sa rame de métro. C’est un genre littéraire majeur, mature et total qui me fait trouver aujourd’hui la BD franco-belge très arriérée, très inhibée, et terriblement artisanale ! Toute caractéristique qui l’empêche d’aborder un dixième des sujets explorés de fond en comble par le Manga.

Le manga est mature, car il s’abandonne au médium et ne s’encombre pas de complexe culturel idiot et paralysant (comme le fétichisme de l’artisanat). C’est ainsi que malgré un environnement de production quasi industriel, la liberté éditoriale semble plus large que dans les autres Bandes dessinées. Et là je m’écarte de l’analyse de Bouissou, qui considère que cette liberté est le résultat de la puissance du marché. Je crois que cette incroyable palette fictionnelle vient aussi d’une maturité du métier, d’un genre et des auteurs qui ne se trompent jamais sur ce qu’ils sont. »

Lire La prosecogenie du manga par la face nord…, sur culturevisuelle.org.