Anne Frank au pays du soleil Levant ou comment les Japonais revisitent l’histoire des autres pour mieux occulter la leur ! , un
documentaire de Alain Lewkowicz, réalisée par Doria Zenine
Le journal d’Anne Frank est sans doute le livre étranger le plus lu et le plus étudié au Japon depuis sa première publication dans l’archipel en 1952. Tout le monde et toute génération confondue connaît la jeune fille d’Amsterdam et son destin tragique. Dans un pays insulaire fortement emprunt de shintoïsme où le profane et le sacré se confondent,
Anne no nkki, la version nippone du célèbre journal se vend comme des petits pains tout comme ce que les Japonais appellent les grandes œuvres littéraires étrangères à l’instar de Mein Kampf ou des Frères Karamazov. Anne Frank, un best seller certes, mais dans lequel Anne ne serait que l’héroïne d’un roman haletant à suspense à la fin cruelle, bouleversante et dramatique. La Shoah au Japon, on ne connaît pas. Une histoire trop lointaine pour les îliens du soleil levant pourtant alliés du 3ème Reich. Mais cette histoire, celle du Japon impérial pendant la seconde guerre mondiale, ils ne la connaissent pas non plus. « La guerre c’est horrible et nous en avons été les plus grandes victimes lorsque les Américains ont lâché sur nous leurs bombes atomique ». Voici en substance la vague idée qui au Japon fait consensus. Le Révérend Makoto Otsuka, leader charismatique de la très protestante congrégation de Jésus, nage, lui, à contre courant depuis sa rencontre avec Otto Frank, le père d’Anne, seul survivant de la
famille. C’était le 4 avril 1971. Ce jour là, Makoto Otsuca, pour la première fois de sa vie était confronté à l’Holocauste ! Il est aujourd’hui le directeur de l’unique mémorial asiatique dédié à Anne Frank et à la Shoah, « Le centre d’
Education de l’Holocauste » ouvert en 1995. Il n’en reste pas moins Japonais. « Parler d’Anne Frank et de l’holocauste, c’est facile. Ce n’est pas notre histoire. Mais parler des crimes que nous avons commis pendant la guerre dans toute l’Asie, c’est se renier soi-même. C’est impossible pour nous ». Et ça aussi, ça fait consensus !