« Très naturellement, M. Hatoyama pare son geste de toutes les vertus démocratiques : il a promis, il a fait. Il serait plus juste de dire qu’il joint l’utile à l’agréable. En permettant à la Poste de drainer les bas de laine des Japonais, il s’assure qu’elle pourra continuer à souscrire les emprunts d’Etat qui ne manqueront pas de grimper. La Poste joue pour Tokyo le rôle que tient la Chine vis-à-vis des Etats-Unis. D’ores et déjà, les trois quarts de ses actifs financiers sont constitués de Bons du Trésor nippons.

Voilà pourquoi le Japon peut afficher l’une des dettes publiques les plus fortes du monde (173 % du produit intérieur brut en 2008, près de 200 % cette année) sans être menacé par « les marchés », comme on dit maintenant pour masquer l’identité des banques spéculatives, ou par un quelconque Fonds monétaire international. Tokyo ne rend des comptes qu’à sa population, qui a un haut niveau d’épargne (en raison notamment du vieillissement et des problèmes de retraites) et qui est suffisamment traumatisée par l’explosion de la bulle immobilière des années 1990 pour préférer les placements garantis par l’Etat aux fonds spéculatifs.



En protégeant son protecteur la Poste, M. Hatoyama essaie de se donner un peu d’air budgétaire pour relancer la machine nippone, en panne depuis deux décennies, et tenter, comme il l’a promis, de reconstruire le consensus à la japonaise par l’amélioration de la protection sociale. Le gouvernement a poussé la Poste à titulariser 20 000 des 40 000 employés précaires. Le budget pour l’année 2010-2011 voté fin mars prévoit de nouvelles allocations familiales et quelques mesures sociales… Une urgence, car, un peu plus de six mois après son arrivée au pouvoir et à quelques encablures des élections sénatoriales de juillet prochain, le premier ministre dévisse dans les sondages. Pour cause de scandales financiers qui l’éclaboussent – il a « oublié » de payer le fisc sur l’argent donné par sa richissime mère – et qui secouent son entourage (notamment le célébrissime président du PDJ Ozawa Ichiro). Pour absence de résultats tangibles dans la vie quotidienne de la grande majorité de la population. »


Lire la suite : Le Japon, la Poste et les promesses électorales, par Martine Bulard.