l'Idolu, madone des Otakus
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le 15/05/2013 à 14h16 (6268 Lectures)
Ce n'est pas peu dire que le Japon a un problème avec ses femmes... Et les Idolus en sont le symptôme le plus éclatant.
Une Idolu est une idole, quasiment au sens premier du mot : une figurine dédiée à l'adoration. Et au Japon, la culture des Idolus est une industrie prospère et, comme d'habitude au soleil levant, extrêmement codifiée. A la base, les Idolus sont de très jeunes filles que l'on place dans des écuries comme on entre au couvent. Là, suivant un règlement implacable, elles renoncent aux distractions de leur âge pour devenir une image façonnée par des publicitaires et autres gourous de la communication. Car la publicité est bien l'objectif final de l'Idolu. Sa carrière peut ainsi être résumée en quelques étapes : de mini-concerts sur les toits des grands magasins, puis un premier mp3 / single CD, une apparition dans un feuilleton TV, une émission, un concert, jusqu'à la consécration, le contrat publicitaire qui rentabilisera enfin tous les efforts du manager (on a le mot "proxénète" sur le bout de la langue mais non : à la moindre incartade de moralité, la jeune fille est exclue de l'écurie. La valeur de la demoiselle résidant dans la pureté d'un fruit défendu).
Et si l'industrie de l'Idolu est prospère, c'est bien qu'elle dispose d'un vaste public. Ce sont les Otakus, l'autre bras du balancier du malaise japonais. L'Otaku est un homme, souvent jeune mais pas toujours, et qui recherche chez la femme une sorte "d'idéalité". Le mot peut faire frémir, mais il ne faut pas oublier qu'au Japon, on recherche en toute chose une figure idéale. Ce sont les différentes "voies", le culte du geste parfait, de la voie du combat à la cérémonie du thé. Et l'Idolu, en quelque sorte, incarne pour l'Otaku la "voie de l'adolescence". Alors, l'Otaku, armé de son appareil photo ou de sa caméra, va choisir une Idolu dès sa première prestation, sur le toit de son supermarché. Et il ne va plus la lâcher. Il la photographiera chaque fois qu'elle pointera le nez dehors, il collectionnera toutes les coupures de presse, les enregistrements de prestations télévisées, puis les figurines en plastique ou les goodies en tous genres. Il y a quelque chose de prométhéen dans le rapport d'un Otaku à son Idolu. Car le rêve du jeune homme est qu'une fois devenue célèbre il puisse dire d'elle qu'il l'a un peu créée. Ce qui, en un sens, n'est pas complètement faux...
Et le terreau des Idolus est une sorte de mythe de l'enfance qui existe au Japon. Car ici, l'enfance est un idéal absolu que l'on garde en soi et qu'il ne faut pas salir. L'Idolu, et ses mimiques infantiles caractérisées, est un symbole de l'innocence, de la pureté virginale, de l'honnêteté de cœur. En occidental patenté, on y verra d'abord une horrible hypocrisie. Mais en vérité, n'y a-t-il pas autre chose ? Longtemps, j'ai cherché une valeur, une vertu, cachée bien profond derrière les strass des Idolus...
Au Japon, ce qui compte, c'est la façade, l'apparence d'un monde idéal et non pas la réalité derrière les paravents. Une certaine recherche de la perfection, de l'homogénéité, de la Tradition. Soyons honnêtes : j'ai beau chercher, je n'y vois qu'un grand malaise, un certain mensonge, une mascarade, une fracture terrible entre les sexes. "Quel dommage que le bonheur des AKB48 (un groupe emblématique de 48 idolus, cf. photo) soit un bonheur factice !" me répondrait un Otaku. La vie ne serait-elle pas plus belle dans un tel monde de jeu de rôle en aquarelle. Non, lui répondrais-je. J'ai beau faire un effort, ce monde-là n'est pas le meilleur du Japon...
A propos de l'auteur : je m'appelle Jean-Philippe Depotte, je suis romancier. J'ai vécu avec ma famille quatre ans à Tôkyô. A l'occasion de la publication de mon quatrième roman "le Chemin des dieux", chez Denoël, j'ai décidé de raconter mes impressions japonaises dans ce blog.
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