Sumô, le jeu du Japon
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le 12/05/2013 à 15h54 (9946 Lectures)
De tous les jeux, de tous les sports, le Sumô est incontestablement le plus japonais. Simplement parce qu'il n'est joué qu'au Japon. Mais aussi parce qu'il incarne quelques nuances délicieuses qu'on ne trouve qu'au Soleil levant.
Tout d'abord, l’ambiguïté. Demandez donc à un ami japonais (je sais : je l'ai fait...), demandez-lui la signification de telle règle ou de tel geste qui ponctue le match de Sumô : le lancer du sel, le frapper des poings sur le sol, la louche d'eau sacré, etc. Votre ami, sans doute, vous donnera une explication très rationnelle. Mais la fois suivante, une semaine, un mois plus tard, vous lui reposerez la même question et il vous fera une réponse différente. Pourquoi ? Parce qu'au Japon, très souvent, les choses se déroulent d'une certaine manière pour la simple raison qu'elle se sont toujours déroulées ainsi. Chercher une explication ou une cause rationnelle est, vous dira-t-on avec une moue de dédain, typique d'un esprit occidental. Et la beauté du Sumô réside dans ce flot de tradition que l'on reçoit sans se poser de question.
L'autre caractéristique tellement japonaise du jeu de Sumô est le rôle du temps. Imaginez : quand vous vous rendez en famille au Kokugikan (la salle où se déroulent les jeux de combat) pour assister à une compétition de Sumô, vous arrivez avec votre panier repas vers les 9-10h du matin et vous n'en ressortez pas avant 17h. Une journée entière pendant laquelle vous assisterez à un grand nombre de rencontres mais qui, mises bout à bout, tiendraient aisément dans une bonne demi-heure... Un match de Sumô ne dure qu'une ou deux minutes. Parfois juste quelques secondes. Mais les salamalecs qui l'entourent sont interminables. Ennuyeux ? Non, pas vraiment. Mais l'ensemble de la journée, comme une sorte de cérémonie, se déroule dans un autre espace-temps. Car cette attente permanente a une fonction essentielle : celle de sublimer les quelques secondes du combat. Quelques secondes qui, par contraste, semblent une éternité.
Enfin, le Sumô symbolise à la perfection le mélange parfait de la tradition et de la modernité, si cher au Japon. La tradition : pas besoin de s'étendre, il suffit de voir les combattants (les "Rikishi"), leurs tenues traditionnelles, l'arbitre en kimono d'un autre âge ou le tableau des matchs (le "Banzuké") calligraphié à la main. Et malgré cela, le Sumô est un sport moderne. On le suit à la télévision, les fans arborent des mascottes en peluche, on le commente comme du football en France, il y a des paris, des matchs truqués, des scandales, ... Au Japon, le Sumô est un fragment des temps anciens resté bien vivant, inchangé, dans le monde du béton et des jeux vidéos.
Alors, ceci n'est qu'une rapide introduction et il me reste tant à dire. Ce sera dans de prochains articles, ici-même.A bientôt.
A propos de l'auteur : je m'appelle Jean-Philippe Depotte, je suis romancier. J'ai vécu avec ma famille quatre ans à Tôkyô. A l'occasion de la publication de mon quatrième roman "le Chemin des dieux", chez Denoël, j'ai décidé de raconter mes impressions japonaises dans ce blog.
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