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JPhDepotte

Tôkyô, capitale des insectes

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Nom : ShinjukuHanami-Petit-Format.jpg
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ID : 3228Comme pour s’imposer en principe fondateur, le centre de Tôkyô est une tache de verdure. C’est le domaine du palais impérial, une colline boisée de plus d’un kilomètre de diamètre autour de laquelle la ville a poussé. Mais cette verte signature fait-elle de Tôkyô la plus écologique des capitales ? On a du mal à l’imaginer. Et pourtant...

Oui, on pêche à la ligne sur les bords du Soto-bori, on photographie les martins-pêcheurs dans les jardins de Korakuen, et l’on se promène au printemps sous les cerisiers en fleurs, mais ce n’est pas l’essentiel. Car la Nature, à Tôkyô, refuse de se laisser contenir dans quelques réserves clôturées. Elle se glisse au contraire dans chaque anfractuosité, comme dans ces espaces réglementaires, antisismiques, qui séparent les immeubles. Et entre leurs maisons, la Nature s’immisce dans la vie des japonais, elle vit chaque jour à côté d’eux : ce sont les insectes de Tôkyô.

Premier contact avec la ville, au début de l’été 2005. Encore sous le coup du décalage horaire, le chant des cigales sonne comme une incongruité. Il est partout, il dispute aux voitures la bande sonore des grands boulevards. Pour un Français, l’accueil est agréable. Et la stridulation confère à la mégapole des airs de village provençal. Des enfants courent dans les rues avec un filet à papillon. Cela faisait peut-être vingt ans que je n’en avais pas vu. Plus tard j’achèterai à mes deux fils, à la droguerie du coin, leur nécessaire d’entomologiste.

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Nom : Boite-a-Scarabee.jpg
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ID : 3230Je leur achèterai aussi le vivarium en plastique à poser sur la table de nuit. Il contient une larve blanche grosse comme un œuf de caille. Une larve de lucane rhinocéros. Ici, tous les garçons en ont un. Ils les élèvent comme un hamster ou une souris blanche. A Tôkyô, on les achète chez Toys’R Us.

En quatre ans, j’ai vu plus d’insectes dans les rues de Tôkyô qu’en toute une vie parisienne. J’ai vu des mantes sur le capot de ma voiture, j’ai flâné dans les jardins du Four seasons de Chizan-son pendant le festival des lucioles, j’ai chassé le cafard tropical sur le carrelage de ma cuisine.

Au Japon, tout le monde a lu les Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre : la chasse aux guêpes sur le mont Ventoux. En France, nous ne le connaissons plus, son époque est morte. Alors quoi, l’air est-il plus pur pour qu’à Tôkyô les insectes survivent ? Sans doute pas. Et je pense simplement qu’ici, on ne les tue pas. On aime les insectes comme, en France, on ne les aime pas.

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ID : 3229A Ueno, à l’est de Tôkyô, je découvrais un jour une stèle devant le temple de Kaneiji. Une pierre plate et ronde fichée dans le sol comme le projectile d’un discobole géant. Deux kanjis gravés dans la pierre : Mushi-zuka. Le tombeau des insectes. Ici, en 1821, l’entomologiste Matsuyama Sessai éprouva du remords pour toutes ces bestioles qu’il avait sacrifiées à la rédaction du traité qui le rendrait célèbre. Alors, il leur dressa ce tombeau, à deux pas des tombeaux des hommes. Voilà le respect que le Japon sait devoir à la Nature.



A propos de l'auteur : je m'appelle Jean-Philippe Depotte, je suis romancier. J'ai vécu avec ma famille quatre ans à Tôkyô. A l'occasion de la publication de mon quatrième roman "le Chemin des dieux", chez Denoël, j'ai décidé de raconter mes impressions japonaises dans ce blog.
Retrouvez-moi sur facebook : facebook.com/LesRomansDeJeanPhilippeDepotte

Mis à jour le 31/05/2013 à 07h39 par JM

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