• Les représentations de maladies dans les estampes japonaises



    Depuis les temps les plus reculés, les populations ont plus craint les épidémies que les incendies ou les tremblements de terre. On trouve d’ailleurs dans le Nihon Shoki (Chroniques du Japon) qui date du 8ème siècle, des mots comme « shitsueki », « eyami » ou « eyamai » qui font directement références à des maladies.

    A l’époque d’Edo, la variole, la rougeole et la varicelle étaient appelées « oyaku san-byô » (les trois maladies dangereuses). Les gens contractaient ces maladies une fois dans leur vie, et leur plus grand souhait en cas d’infection était d’en guérir le plus rapidement possible, tant les taux de mortalité étaient élevés.

    La population a craint la variole jusqu’à l’apparition de la vaccination et de méthodes de prévention relativement récentes. Pendant Edo, de très nombreuses personnes ont été infectées par cette maladie pendant leur enfance et en ont gardé les stigmates, un visage vérolé, en cas de survie.

    Les symptômes de la variole, laissaient croire à la population que « Yakubyô-gami » (le dieu des épidémies) et « Hôsô-gami » (le dieu de la variole) avaient penêtré le patient et que le meilleur moyen de les calmer était de les éloigner. C’est de cette manière qu’on pensait guérir les malades.

    La rougeole était d’un type différent de celle que nous connaissons actuellement, et très peu d’adultes l’attrapaient. La maladie est apparue en 1862 à Edo, et comme les médecins ne connaissaient pas cette infection, le nombre de victimes fut très élevé. Il n’y avait alors aucun médicament adapté, et pour se protéger, la population s’en remettait aux amulettes ou portaient une grande attention à son style de vie et à son alimentation.

    Quand le choléra s’est développé vers la fin d’Edo, des informations écrites sont apparues pour calmer les angoisses de la population. Ce sont les bateaux américains qui ont accosté à Nagasaki en 1858 qui ont amené le choléra au Japon. La maladie s’est alors développée dans tout le pays. « Ansei Korori Ryûkô-ki Gairyaku » a décrit l’épidémie de choléra et la confusion qu’elle a créée au sein de la population. Les malades souffraient de violentes diarrhées et la plupart mouraient en trois jours. C’est la raison pour laquelle, cette maladie fut appelée « mikka korori » (la mort en trois jours). Plus de 100.000 personnes en sont mortes, rien qu’à Edo.

    Des journaux de l’époque, des notes et parodies théâtrales ont été écrits pour décrire la dangerosité de la maladie et pour aider la population à vaincre ses craintes. Vers la fin d’Edo et le début de Meiji, plusieurs estampes décrivant la variole et la rougeole ont été créées. Elles présentaient les causes, l’histoire de l’infection, la progression des symptômes, comment guérir et quelle nourriture éviter.

    Certaines gravures ont été créées pour éloigner le dieu des épidémies ou pour s’amuser de la situation sociale provoquée par ces maladies.


    Eradication de la variole – Estampe de Shungyô – 1892
    Cette estampe présente un guerrier effrayant faisant fuir les Dieux de la variole

    Le taux de mortalité a rapidement décru, grâce à un meilleur style de vie, au progrès médical et à une meilleure hygiène. De nos jours, on peut s’en remettre à la médecine, sans trop de risque pour vaincre ces maladies.

    Cet article présente un certain nombre d’estampes créées spécialement pour combattre les maladies ou pour aider les gens à mieux vivre avec.

    La variole

    C’est dans le « Nihon Shoki » qui date de 735 que l’on retrouve les premières mentions de cette maladie, mais le « Ishinkô » qui est le plus vieux livre japonais de médecine écrit par Tamba Yasuyori, mentionne cette maladie aussi dès l’année 984.
    La population a longtemps été désespérée par cette maladie, jusqu’en 1980, date ou l’Organisation Mondiale de la Santé l’a déclarée complètement éradiquée.


    Exemple de « hôsô-e » par Gototei Kunisada (1815-42)
    Un être mythique chinois appelé Shôki punit le démon de la variole

    Cette maladie appelée « hôsô » au Japon se transmettait par les voies aériennes ou par le contact direct avec les malades. La période d’incubation était de 12 jours, et la maladie se manifestait par de la fièvre, des tremblement, une irruption cutanée et des maux de tête. La guérison était marquée par une baisse de la température et des traces de boutons. Les malades pouvaient avoir de très vilains boutons violets sur le visage et cracher du sang ; ils mouraient en quelques jours.

    « aka-e » et « hôsô-e »

    Les estampes rouges « aka-e » et «hôsô-e » furent créées pour amadouer le dieu de la variole « Hôsô-gami » car on pensait à l’époque que ce dernier aimait la couleur rouge.
    Dans le « Shôni Hitsuyô Yôikugusa » ( 1798 ), Kazuki Gyuzan écrit « les enfants atteints de la variole devraient porter des vêtements rouges, ainsi que toutes les personnes de leur entourage, car quand les boutons des malades sont rouges, et non pas violets, c’est un signe de guérison. »
    Ces estampes étaient accompagnées de prières et étaient brûlées ou jetées à l’eau après la guérison des malades ; ce qui explique leur rareté de nos jours chez les collectionneurs.
    Les différents thèmes de ces estampes étaient Chinzei Hachirô Tametomo, Shôki, Harukoma, Hagoita, Kintarô et Momotarô.

    Publicités pour la vaccination contre la variole
    Les malades qui avaient survécu à l’infection avaient remarqué qu’ils en étaient immunisés par la suite. La population pensait donc qu’il suffisait d’être très légèrement infecté par la maladie pour en être protégé ensuite. C’était le début de la vaccination. Une première méthode fut tentée, mais se révéla très dangereuse, tant les résultats étaient variables et pouvaient conduire jusqu’à une très forte infection fatale.

    C’est à partir de 1798, qu’un médecin anglais a pu développer un vaccin et les japonais l’ont ensuite importé en 1849.
    C’est à partir de cette année là que des gravures sont apparues enjoignant la population à se faire vacciner.


    « hôsô-gami » Dieu de la variole, par Chikuo Sesshûan – fin de Edo

    La rougeole

    Cette maladie a une longue histoire au Japon. Les premières mentions de cette infection remontent à 737 et les secondes à l’année 998. Comme cette maladie n’apparaissait que tous les 20 ou 30 ans, les médecins ne savaient pas comment la traiter et les enfants mais aussi des adultes en mouraient.


    De la bonne nourriture pour les malades, par Ikkôsai Yoshimori, 1862

    Il y a plusieurs théories à propos de l’étymologie du mot « hashika » (rougeole en japonais). Un des symptômes de la maladie est une gène au niveau de la gorge qui provoque une forte toux. Ceci est appelé « hashikashi » en japonais et « hashikai » en vieux japonais, d’où probablement le mot « hashika » pour désigner la maladie.

    « hashika-e » estampes représentant la rougeole

    Là encore, les artistes ont produit des estampes destinées à informer et à protéger la population contre cette maladie.
    Ils y ajoutaient des conseils sur la manière d’éviter la maladie, les aliments à consommer de préférence et l’hygiène quotidienne à adopter. Les médecins et les pharmacies étaient particulièrement occupés à ces époques et ces estampes se vendaient très bien.


    Exemple de « hashika-e »
    Elimination de la rougeole par Yoshifuji – 1862
    Sur cette estampe, les personnes infectées par la maladies comme les geisha, les commerçants (vendeurs de sake ou propriétaires de bains publics punissent le Dieu de la rougeole. Un médecin et un pharmacien qui se sont enrichit grâce à la maladie, essayent de les arrêter. Au-dessus sont indiqués les conseils à suivre :les choses à éviter : les bains publics, le sexe, le sake, les soba, la nourriture épicée, etc…et la nourriture conseillée (carottes, radis blancs, sucre, tôfu, etc…

    Le Choléra

    La première apparition de cette maladie au Japon remonte à l’année 1822. La deuxième à 1856, date ou les traités commerciaux ont été signés entre le Japon et les Etats-Unis. Elle est apparue encore en 1862 et 1863 puis tous les ans entre 1877 et 1895.
    C’est un médecin allemand, Robert Koch, qui a découvert le virus du choléra en 1883 en Egypte. Les recherches en bactériologie et en immunologie ont alors progressé rapidement.
    Les malades souffraient de violentes diarrhées et de déshydratation. La mortalité était d’environ 60 à 70% en cas d’infection.
    Comme la mort intervenait rapidement au bout de quelques jours, les japonais ont aussi appelé cette maladie « konori » ce qui signifie « mort subite ».


    Comment éviter le choléra, par Hashimoto Naoyoshi - 1877

    Les victimes étaient tellement nombreuses que les crématoriums vers la fin de Edo n’arrivaient pas à subvenir aux besoins, comme le montre cette estampe de 1858. Un des plus grands artistes spécialiste de l’estampe japonaise, en a d’ailleurs été victime : Andô Hiroshige.


    Crématorium – Edition Kanagaki Robun - 1858

    Sources:

    Cet article est une traduction partielle d’un article paru dans le magazine Daruma, spécialisé en arts et antiquités japonaises. Les estampes sont la propriété du musée de l’industrie et des sciences pharmaceutiques Naitô, situé dans le département de Gifu.