• Sumô: les Gyôji



    Le personnage vêtu de façon très élaborée, au centre du dohyô, est le gyôji (l’arbitre).
    Historiquement son rôle a été extrêmement lié à celui des Yobidashi (annonceurs), mais la création de deux fonctions distinctes est assez récente. Pendant la période Heian, la division des rôles était très vague et ce ne fut qu’au cours de la période Edo que le rôle spécifique des gyôji est apparu plus clairement.
    Le costume que porte le gyôji est d’ailleurs issu de cette période. Il porte en effet un « hitatare » qui est une tenue de cérémonie portée à la cour pendant la période Ashikaga.
    Le « gunbai » (éventail) qu’il arbore est lui aussi issu de cette période.
    Cependant,, le rôle de ces arbitres n’a été clairement établi que plus tard, quand ils ont pris un rôle décisif dans la hiérarchie du sumo et qu’ils ont créé leurs propres « heya » (centres d’entraînement).


    L’autorité de ces premiers arbitres était incontestée, puisqu’à cette époque les juges n’existaient pas encore. Ces derniers ne sont apparus que vers la fin du 18ème siècle en réaction à des plaintes sur certaines décisions injustifiées des arbitres.
    Dans le sumo actuel, les décisions des arbitres sont contrôlées en permanence par 5 juges assis autour du dohyô.
    L’arbitre prend sa décision et l’annonce au public en pointant son « gunbai » vers le lutteur vainqueur. Dans le même temps, les juges décident aussi d’un vainqueur. Dans la grande majorité des cas, la décision de l’arbitre n’est pas contestée, mais contrairement à beaucoup de sports professionnels, dans le sumo, l’arbitre n’est pas la plus haute autorité. N’importe quel des 5 juges peut lever la main et contester sa décision.
    Il en résulte alors une délibération entre les juges que l’on appelle « mono ii » et qui a lieu au centre du dohyô. L’arbitre n’est pas autorisé à justifier sa décision sauf s’il y est implicitement invité par les juges, et cela se fait d’ailleurs souvent, par courtoisie.

    Après le yobidashi, le gyôji annonce lui aussi les noms des deux futurs combattants et les guide pendant le rituel qui précède le match.
    Il annonce également le début du match (jikan) mais ce sont les lutteurs eux-mêmes qui décident du moment exact de la charge initiale.
    A ce moment appelé « jikan no katta », l’arbitre change de position et se tient face aux deux lutteurs. Il y a aussi un changement dans sa façon de tenir le « gunbai ». Il le tient maintenant ouvert contre lui, et tout le public se rend compte alors que le combat va commencer.

    Pendant tout le combat il ne cesse d’encourager les lutteurs tout en contrôlant la position de leurs pieds (dans les limites ou à l’extérieur). La limite du dohyô est appelée « tawara » et est constituée de paille de riz mis en boule. A l’extérieur du tawara, une bande de sable de 20 cm de large est constamment balayée par les yobidashi afin que les arbitres puissent y détecter la moindre empreinte.

    L’arbitre doit décider d’un vainqueur à chaque match, même s’il n’en est pas tout à fait sûr. Le match nul n’existe pas au sumo… En cas de doute, les juges décident alors d’un « mono-ii » et délibèrent au centre de l’arêne.
    La plupart du temps, il y a « torinaoshi » et le match est rejoué, au plus grand plaisir des spectateurs, mais la décision peut aussi être inversée ; il s’agit alors d’un « sashichigai ». Une abondance de « sashichigai » peut sérieusement nuire à la promotion d’un arbitre.

    Dans certains cas, l’arbitre peut décider d’arrêter le combat, par exemple s’il estime que le combat est trop long et que les lutteurs ont besoin de repos. Il est aussi de sa responsabilité de vérifier que les ceintures des lutteurs restent correctement attachées. Si une de ces ceintures se détend, il stoppe le combat et la ressert.

    Les arbitres sont soumis au même ordre hiérarchique strict que les lutteurs et les privilèges dus à leur rang en sont les mêmes, y compris le fait d’avoir des assistants (tsukebito). Les promotions sont basées sur la séniorité et les « tate gyôji » (les 2 plus haut gradés) sont généralement dans leur cinquantaine et ont déjà une expérience de 30 années d’arbitrage.

    La façon la plus simple pour reconnaître le rang d’un arbitre consiste à examiner son costume. Les plus jeunes officient vêtus de coton et pieds nus alors que les plus anciens sont vêtus de soie, portent un « tabi » luxueux (ceinture) et des « zori ». La couleur de la cordelette qui pend de son éventail permet aussi de les distinguer.

    Quand ils sont au zénith et atteignent les plus hauts grades, on les appelle des « tate gyôji ». Ils ne sont que deux : le plus important est appelé Kimura Shonosuke et le suivant Shikimori Inosuke.
    A l’inverse des lutteurs, les arbitres ne peuvent pas prendre de nom original (shikona) mais doivent prendre les noms des deux lignées d’arbitre. La première partie de leur nom sera donc toujours soit Kimura soit Shikimori.
    Les deux « tate-gyôji » ont un rôle important au moment de la bénédiction du dohyô (dohyô matsuri) puisqu’ils interviennent alors en tant que prêtres Shintô et en portent le costume.

    Les gyôji sont les seules personnes qui ne sont ni lutteurs ni anciens lutteurs à apparaître sur le « banzuke ». Leurs noms sont listés dans la partie centrale du banzuke, sous le nom et la date du tournoi et au-dessus des noms des juges.

    Depuis que la Nihon Sumo Kyôkai n’emploie plus de calligraphes professionnels pour la réalisation du banzuke, ce sont les gyôji qui ont la charge de le réaliser à la main.

    Les noms des deux principaux arbitres apparaissent également sur les bannières colorées (nobori) qui flottent à l’extérieur de l’enceinte où a lieu le tournoi, avec les noms des lutteurs.

    L’arbitre est une figure centrale dans toutes les cérémonies du sumo puisqu’il prend part au « dohyô iri » au « yokozuna dohyô iri » (entrée du yokozuna), Il annonce les noms des prochains combattants et les matchs du jour suivant. Il est encore présent au moment de la cérémonie de l’arc qui termine la journée. Toutes ceci est réalisé avec dignité.

    Dans le monde du sumo, les gyôji sont les personnes les plus prestigieuses et les plus puissantes après les lutteurs.