• Kokeshi Ningyô - Les poupées Kokeshi



    Il existe différentes théories pour expliquer l’origine des poupées kokeshi (Kokeshi ningyô), mais on pense qu’elles sont apparues vers la fin de Edo (1800-30) quand des artisans tourneurs ont commencé à créer des objets en bois près des « onsen » (sources d’eaux chaudes) et à les vendre dans la région du Tôhoku.

    Théorie 1 – Les sources d’eaux chaudes

    La plupart de ces poupées proviennent du nord-est du japon et personne ne sait vraiment pourquoi. Une des explications serait que les fermiers de la région du Tôhoku qui travaillaient dans les rizières pendant les mois chauds, allaient en hiver se relaxer dans les onsen.
    Comme ces « onsen » se trouvaient dans les montagnes et que très peu avaient les moyens de telles vacances, ceux qui le pouvaient, ramenaient deux ou trois poupées au village comme porte-bonheur et en remerciement des bienfaits relaxants des « onsen ». Les poupées devenaient alors de simples jouets pour les enfants.
    Mais jusqu’au début du 19ème siècle, le gouvernement n’autorisaient pas les fermiers à se rendre dans les onsen, ni les artisans à fabriquer des poupées. Il y avait en effet une ordonnance qui définissait ces activités comme du luxe.
    Kijiya est le nom d’une région du Tôhoku ou les artisans du bois, fabriquaient des plateaux et des bols en bois à l’aide d’un tour. Un ou plusieurs de ces artisans y auraient cependant reçu l’autorisation de faire des poupées également, ce qui les aurait mis en conflit avec les exploitants forestiers qui eux vendaient le bois en tant que bois de chauffage.


    Certains disent que les premières poupées ont été faites à partir de morceaux de bois perdus et qu’elles avaient une forme très simple : un corps avec une tête cylindrique et aucune couleur.
    Ce ne serait que vers 1820, qu’un visage rudimentaire serait apparu sur ces poupées avec quelques traits représentant des vêtements.

    Théorie 2 – Origines spirituelles

    Une autre possibilité serait que ces poupées auraient été créées dans un but spirituel ou religieux. Certaines seraient fabriquées pour s’assurer d’une bonne récolte l’année suivante et d’autres pour protèger les enfants de la maladie.
    L’esprit du Tôhoku est alors représenté sur le visage des poupées. Comme elles sont peintes à la main, toutes présentent des visages différents. Certaines plutôt joyeuses, souriantes, d’autres pensives, moroses ou sérieuses.
    En fonction des styles, les yeux, le nez, la coupe de cheveux ou la forme peuvent varier tout comme la personnalité des artisans qui les ont créées.
    A l’origine ces poupées étaient faites dans différents matériaux mais ce sont celles en bois qui ont connu le plus de succès et qui sont donc les plus populaires aujourd’hui.

    La fabrication

    Les poupées étaient d’abord fabriquées à l’aide d’un tour manuel. La femme de l’artisan s’occupait du tour qui était un outil assez rudimentaire et son mari donnait forme au morceau de bois.
    Avec le développement de la technique, des tours électriques ont été utilisés ce qui a permis aux artisans de produire beaucoup plus.

    Les formes, les décorations et le symbolisme varient beaucoup d’une région à l’autre. Certaines ont un dessin circulaire sur le dessus de la tête ce qui permet aux esprits de mieux trouver leur chemin et de mieux « pénétrer » la poupée.


    De nos jours, les artisans passent des années sous la tutelle d’un maître avant de réaliser leurs propres productions. Dans plusieurs régions, il s’agit d’une affaire de famille : la technique se perpétue en effet de père en fils.

    Qu’est ce qui fait une belle poupée ?

    Plusieurs caractéristiques doivent être réunies pour qu’une poupée soit réussie.

    • la forme doit être harmonieuse et la tête ne doit pas être trop grosse
    • le dessin du visage doit être fait au pinceau et être expressif
    • les dessins du corps et de la tête ne doivent pas être hésitants
    • les couleurs utilisées doivent être habilement combinées et ne doivent pas sembler fades. Les verts et violets s’affadissent plus vite


    La valeur d’une poupée dépend donc de ces quatre critères mais aussi de la popularité de l’artisan.
    Parmi les plus célèbres, on peut citer : Sakarai Shôji et Itô Shôichi à Naruko, Ni’iyama Hisashi et Satô Yoshizô à Yajiro, Suzuki Shôji et satomi Matsuhiro à Yamagata.

    Quand les plus riches fermiers pouvaient se rendre dans les « onsen » et sentaient les bienfaits des bains, ils ramenaient des poupées en souvenirs dans leurs villages et les offraient à des amis et à leurs enfants. Si les enfants jouaient avec, c’était un signe positif des dieux.

    Matériaux et outils

    Les types de bois utilisés sont variables. On utilise le bois de cerisier qui se caractérise par sa couleur sombre. Cependant, le « mizuki » (cornouiller) est plus tendre et plus utilisé. Le « itaya-kaede » (érable japonais) est également utilisé. Ces deux derniers sont très riches en eau et ne peuvent pas se transformer en charbon de bois. Ils n’ont donc aucune valeur marchande, sauf pour les fabricants de poupées.
    On doit les laisser se dessécher à l’extérieur pendant un ou deux ans avant de pouvoir les utiliser.

    A Tôgatta, ( département de Miyagi), vers la fin du siècle dernier, les poupées ont commencé à être créées à l’aide d’un tour à pieds ne nécessitant plus qu’une seule personne. Elles étaient alors toutes semblables à part quelques minimes différences.
    Les artisans de la région du Tôhoku se sont alors déplacés à Tôgatta pour apprendre le maniement de ce tour qui était plus efficace et plus productif. Il leur permettait aussi d’ajouter de la couleur tout en manoeuvrant le tour.
    Les artisans retournèrent alors dans leurs régions et ont commencé à créer des poupées avec des décorations variées.

    En fonction des lieux de fabrication, on peut distinguer différents types de poupées grâce à leurs formes et à leurs décorations. Petit à petit, alors que les poupées devenaient des objets de collection, leur corps cylindrique s’est fait plus gros, donc plus stable qu’avant.

    Les différentes régions et leurs styles

    Poupées de Tôgatta
    Dessin de chrysanthèmes sur la tête avec des feuilles vertes autour et une mèche noire sur le front. Le corps est plutôt fin.


    Poupées de Naruko
    Le corps est plus gros et moins long. La tête est faite séparément puis insérée en force dans l’autre partie de la poupée (voir photo ci-dessous). On y trouve souvent dessinées des fleurs de chrysanthèmes dessus. On trouve ce type de poupées également à Hanamaki et à Hiraizumi (Iwate).


    Poupées de Tsuchiyu
    Le corps est assez mince et des cercles noirs, verts et quelques fois rouges sont dessinés sur le dessus de la tête. Le corps est souvent noir avec des rayures horizontales et des dessins de fleurs.


    Les poupées de Nakanosawa forment un sous-groupe de poupées caractérisées par un visage présentant un gros nez et de gros yeux maquillés en rose (photo ci-dessous).


    Poupées de Yajiro
    Sur ces poupées, la taille est marquée (plus étroite que le corps) et la base est plus large donc plus stable. Elles présentent souvent des lignes verticales qui vont de la taille aux pieds et des lignes circulaires autour de la taille. Au niveau du cou, un col en V de kimono peut être également présent.


    Photo ci-dessous : poupées atypiques de Yajiro.


    Poupées de Sakunami (Yamagata)
    Sakunami se trouve près de Yamagata (département de Miyagi) et ce style de poupées est communément appelé style de Sakunami-Yamagata car les artisans des deux villes revendiquent la paternité de ce style. Certains disent qu’il aurait été initié à Sakunami et que les artisans se seraient déplacés à Yamagata. D’autres disent l’inverse…
    A l’origine, le corps de ces poupées était extrêmement mince, mais comme elles tenaient à peine debout, elles sont devenues plus grosses avec le temps. Elles ont même souvent une base plus large (photo ci-contre) pour leur donner plus de stabilité.
    La coiffure est du style « queue de cheval » partant du front et allant vers l’arrière avec des cheveux sur le côté du visage également.
    Les couleurs dominantes sont le rouge et le vert. Le violet et le jaune sont rarement utilisés.


    Poupées de Hijiori

    Alors que les premières poupées étaient semblables à celles de Tôgatta et de Naruko, les artisans de Hijiori ont évolué pour créer un style différent.
    La chevelure noire est importante aussi bien sur le dessus que sur les côtés de la tête. Les sourcils sont également épais et les yeux sont dessinés avec des lignes courbes qui marquent nettement les paupières supérieures et inférieures.
    La forme de la tête est aussi caractéristique de ce style puisqu’elle est carré. Le corps est décoré de fleurs et d’un large « obi » au niveau de la taille.


    Poupées de Nambu

    Le style de Nambu s’est développé à partir de poupées sans aucune décoration. Elles n’étaient alors que de simples jouets pour les enfants. Elles peuvent être manitenant décorées de rouge et de vert avec des dessins de chrysanthèmes sur le corps et des rayures rouges sur les côtés du visage. La tête de ces poupées peut être tirée vers le haut d’environ 1 cm puis se balancer à gauche et à droite quand on la touche.
    On trouve également ce type de poupées à Morioka et à Yokokawame (Iwate ken).


    Poupées de Kijiyama
    A l’origine ces poupées étaient faites en deux parties qui s’emboitaient comme celles de Naruko. Maintenant le corps et la tête sont en une seule partie, et le cou est nettement visible à l’inverse des autres poupées. Une autre caractéristique de ces poupées est le dessin représentant souvent un kimono, comme sur cette photo.


    Poupées de Tsugaru
    Ce style est très récent et est apparu il y a quelques décennies seulement pour satisfaire le goût les collectionneurs.
    Elles présentent un chignon sur la tête. La taille et la poitrine sont marquées. Elles sont très souriantes et complètent agréablement une collection.
    On les trouve principalement près des « onsen » de Aomori.


    Style Oshin
    Il y a quelques années un « dorama » très populaire présentait pour héroine une jeune femme qui s’appelait « Oshin ». Elle était née dans une communauté de gens travaillant dans une mine d’argent et était particulièrement populaire chez les asiatiques car elle supportait toutes ses difficultés sans jamais se plaindre.
    Quand le « dorama » s’est terminé, les gens ont demandé à ce qu’une poupée soit créée en sa mémoire. C’est ainsi que le style Oshin est né.
    Ces poupées se caractérisent par de gros yeux ronds. La chevelure couvre complètement la tête à l’inverse des autres poupées.
    Le corps est plus large au niveau des épaules puis s’amincit jusqu’à la taille et s’épaissit en allant vers les pieds, dans une courbe régulière.
    Seuls deux artisans produisent ce genre de poupées : Iizu Mamoru et Iizu Tôru.


    Poupées de Zaô-Takayu

    Ces poupées proviennent de la région avoisinant le mont Zaô. Elles ont dérivé du style de Yamagata et sont quelques fois difficiles à reconnaître. Celles de Yamagata présentent cependant plus de jaunes dans leurs décorations que celles de Zaô.
    Les visages sont drôles ; certains avec des yeux ébahis.


    Poupées de Sendai
    Ces poupées cylindriques présentent des rayures horizontales noires et rouges sur le corps. Des feuilles et des fleurs y sont également gravées.
    La coupe de cheveux est simple avec des mèches noirs sur les côtés et une frage sur le front.


    Comme on peut le voir tout au long de cet article, de très nombreux styles traditionnels existent et pourront satisfaire votre goût.
    Il en existe encore d’autres plus modernes composées de plusieurs morceaux de bois rapportés comme sur la photo ci-dessous que vous trouverez un peu partout au Japon et qui pourront faire de jolis souvenirs de votre séjour.


    Bibliographie

    • An invitation to Kokeshi
      Takeuchi Chizuko et Roberta Stephens
      Publié par Takahashi Shôichi et Tsugaru Shobô (1982)
    • Mingei : Japanese Enduring Folk Art
      Amaury Saint-Gilles
      Charles E. Tuttle Company Inc
    • Magazine Daruma # 38