• Le théâtre kabuki



    Les origines :

    Le kabuki est une des formes majeures du théâtre japonais.
    Créé par Ôkuni, une danseuse du Izumo Taisha, vers 1603, alors qu’elle avait réuni à Kyôto, dans le lit asséché de la rivière Kamo, une troupe de danseuses et chanteuses qui fut bientôt qualifiée d’« étrange », d’« inhabituelle » (kabuki).
    Dérivé de danses populaires sensuelles 「Furyû-ô odori」et「Nembu-odori」elles sont exécutées alors uniquement par des femmes.
    Ôkuni dont le père forgeron était attaché au temple d’Izumo où elle-même fut sans doute prêtresse et danseuse 「Miko」, lointaine héritière des médiums d’autrefois dont la danse possédait un pouvoir incantatoire, elle acquit dès ce moment quelque renommée grâce à son talent. Son mari, le chevalier sans maître 「Rônin」Nagoya Sanzaburô (devenu acteur de Kyôgen) et elle-même substituèrent leur propre spectacle à celui des danseurs des temples. Ôkuni jouait le rôle d’un homme, un sabre passé dans sa ceinture.


    Les débuts :

    A ses débuts, le Kabuki présentait des rôles dont les caractères étaient assez limités. Les emplois 「Yaku-gara」se répartissaient en jeunes ou vieux, pauvres ou riches, bons ou méchants et sous la classification générale de personnages masculins 「Tate-yaku」ou féminins 「Onnagata ou Oyama」. Le terme de Tate-yaku en vint vite à désigner l’homme par excellence, beau, brave, plein de sagesse et de science, le bon héros qui fait battre le cœur des foules. Son adversaire le 「Kataki-yaku」, est le méchant, tantôt criminel conspirateur 「Kuge-aku」et parfois même bouffon 「Han-dô-kataki」. Son rival, parfois le 「Wakashû-gata」, est un beau garçon doucereux et bellâtre. Enfin, l’「Oyaji-gata」est le vieillard chargé d’années d’expérience. Pour accentuer l’émotion de certaines scènes douloureuses apparaissent des enfants 「 Ko-yaku 」et pour soulager la trop grande tension d’une action dramatique interviennent des clowns 「Dôke-gata ou, familièrement Sammaime」.

    Nagoya Sanzaburô codifia le jeu des actrices, et le « kabuki » gagna Edo dès 1607.
    Ces actrices se livrant souvent à la prostitution, en 1629, le shôgun Iemitsu interdit aux femmes de monter sur scène et elles furent remplacées par des garçons de moins de quinze ans 「Wakashu」qui, eux aussi, furent interdits de scène en 1652, ayant fait le sujet de nombreux scandales. Le shôgunat exigea que les spectacles de Kabuki fussent basés sur les Kyôgen du Nô et joués par des hommes 「Yarô」.

    Un monde de formes :

    Devenu alors un véritable théâtre de professionnels engagés dans les trois arts du 「Ka」(chant), du 「Bu」(danse) et du 「Ki」(technique), les rôles féminins furent tenus par des hommes (onnagata) qui se spécialisèrent dans l’imitation des caractères féminins.

    Le monde du Kabuki est avant tout celui des formes 「Kata」: non pas du mouvement — bien qu’on y remue beaucoup — mais des poses, des gestes interrompus pour que l’on puisse admirer les acteurs principaux 「Tachikayu」 au stade le plus significatif de leur développement. Il n’est pas exagéré de dire que le Kabuki est une succession de tableaux où la tension des musculatures immobiles 「Mie」, offertes à l’admiration, souligne et prolonge l’effet du texte. Les acteurs opèrent une « sortie dramatique » 「Roppô」par le hanamichi, ou encore peuvent simuler un combat dansé avec des poses caractéristiques, le 「Tate」. Lentes statues humaines enveloppées par la féerie colorée des décors et des costumes, les acteurs se laissent bercer par le souffle de la musique, secondaire bien qu’indispensable, et du texte, toujours rythmé. Maquillés de manière symbolique, ils portent le plus souvent une perruque. Leurs costumes toujours extrêmement élaborés, les décors sont généralement simples, très suggestifs.


    Modifications :

    Des théâtres furent créés à Edo, Osaka et Kyôto pour les représentations et des modifications furent apportées avec la création du 「Hanamichi」( Littéralement. : « Chemin des fleurs » : passage surélevé traversant la salle des spectateurs permettant aux acteurs de se rendre de leur loge à la scène, de changer de costumes , et aux spectateurs de les admirer de plus près) d’une part, et du rideau de scène — ce qui facilitait le changement des décors selon les actes — d’autre part.
    Les pièces devinrent plus longues et spécialement écrites pour ce nouveau type de théâtre. Certains acteurs célèbres comme Ichikawa Danjûrô I créèrent de nouveaux styles de pièces, dites 「Aragoto」, mettant en scène des héros.

    Le Hanamichi créé en 1670 fut perfectionné en 1740. Les dispositifs de montée et de descente inaugurés en 1753 par Namiki Shozô ainsi que la scène tournante apportèrent un changement décisif dans la mise en scène à partir de 1875.

    La musique de scène 「Geza」recrée un décor stylisé et les chants 「Nagauta」qui accompagnent la danse varieront selon les écoles.


    Diversification des genres :

    Pendant la période Genroku (fin XVIIe s.) le Kabuki se diversifia : outre les Aragoto, les Jidai-mono (pièces historiques), les Sewa-mono (à caractère plus intime), les Shosagoto (théâtre dansé), les Jitsugoto et Wagato (pièces réalistes) écrites par des auteurs spécialisés tels Sakata Tôjûrô et Chikamatsu Monzaemon qui écrivit également pour le théâtre de marionnettes 「Ayatsuri ningyô」, florissant à Osaka. On adapta au Kabuki les pièces écrites pour ce spectacle : ce furent les Maruhon-mono et c’est dans l’adaptation de ce répertoire que le kabuki trouva les conditions mêmes de sa survie.
    Dans les Shosagoto s’illustrèrent Namiki Shôzô et Namiki Gohei (1747-1808 et dans les pièces « réalistes » 「Kizewa-mono」brilla Tsuruya Namboku IV (1825). Mokuami créa le genre 「Shiranami-mono」[mettant en scène des voleurs et des dépravés]. Mokuami tenta de « moderniser » le Kabuki pendant l’ère Meiji en habillant les acteurs à la mode occidentale, les 「Zangiri-mono」à cheveux courts.
    Néanmoins c’est le genre Aragoto qui resta prisé du public.
    Par la suite, de nombreux artistes de renom (les Ichikawa Danjûrô, Onoe Kikugorô, Matsumoto Kôshirô et Nakamura Kichiemon entre autres) créèrent un « nouveau Kabuki 「Shin Kabuki」.

    Après avoir connu une certaine défaveur au début du XXe siècle, le Kabuki retrouva un grand public après la Seconde Guerre mondiale et des représentations sont données tout au long de l’année.
    Les pièces sont généralement longues (4 à 5 heures) — y compris les entractes — aussi, très souvent, n’en représente-t-on que les scènes les plus généralement admirées.

    [L’interdiction lancée contre les actrices ne devait être levée que trois siècles plus tard, en 1907, sous l’influence du prince Saionji. (Elles n’en demeurent pas moins, même maintenant, bannies de la scène du Kabuki classique, ce genre ayant évolué sans elles).]


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    Sources :

    LE JAPON, Dictionnaire et Civilisation par Louis Frédéric aux éditions BOUQUINS chez Robert LAFFONT.