• L'armée japonaise

    Voici un article intéressant sur l'armée japonaise (formation des officiers, comportement, uniformes) écrit par Gérard Gorokhoff (historien ayant effectué de très nombreux séjours au Japon) paru dans le magazine Militaria.
    Avec les autorisations de Gérard Gorokhoff pour la reproduction de l'article et de Ryuta Chino (collectionneur japonais) pour les photos.

    • Introduction
    • Le Bushido
    • La formation des officiers
    • Attitude et comportement
    • L'uniforme des officiers japonais


    Les officiers de l'armée japonaise, 1930 -1945

    Si cette série d'articles tend à montrer comment l'uniforme et l'équipement de l'armée japonaise diffèrent de ceux des armées occidentales, et nous verrons ici pour ce qui concerne les effets des officiers, la mentalité même de ces hommes nous échappe totalement. Il n'est peut-être pas inutile d'évoquer en préambule ce qu'il y avait "sous" l'uniforme.
    Le corps des officiers de l'armée impériale, éduqué à l'origine par des instructeurs prussiens, présente cependant nombre de caractéristiques qui le distinguent nettement de ses adversaires et même alliés occidentaux. Dans une étude comme celle-ci, on, ne saurait prétendre être exhaustif, il s'agit simplement de donner une idée de la formation des officiers japonais, afin de comprendre un peu mieux leurs attitudes pour noussi surprenantes, telles que dépeintes dans des films comme Le Pont de la rivière Kwai ou Furyo, par exemple. Notre propos n'est pas non plus d'excuser les nombreux crimes et les cruautés perpétrés par l'armée japonaise..

    Le Bushido


    Il faut tout d'abord avoir présent à l'esprit que le code des lois morales qui régit la vie des miliatires japonais - le Bushido - diffère sensiblement de nos conceptions occidentales issues essentiellement du Christianisme.
    Le Bushido (de Bushi: guerrier, et Do: le chemin, la voie, la doctrine au sens figuré) est d'essence composite, il a emprunté au Bouddhisme l'endurance stoïque, le mépris du danger et de la mort; au Shintoïsme, le culte religieux de la Patrie et de l'Empereur; au Confucianisme une certaine culture littéraire et artistique ainsi que la morale sociale des "relations": parents-enfants, maître et serviteur, époux, frères, amis. De cet ensemble résulte le code du parfait Samourai, qui peut se résumer en 3 préceptes:

    - Le Samourai n'a pas 2 paroles;
    - Il ne sert pas 2 maîtres;
    - Pour le devoir, il répand son sang "comme le cerisier laisse tomber ses fleurs".

    La formation des officiers

    La formation des futurs officiers commence dès l'age de 13 ou 14 ans avec l'entrée dans les Yonen Gakko, écoles militaires préparatoires, après un difficile examen.
    Après un cycle d'étude de 3 ans, les élèves accèdent à la Yoka Shikan Gakko: académie militaire des jeunes.

    L'académie organise 2 cycles distincts:

    1- Le Seito qui dure 2 ans. Y accèdent - outre les jeunes de 17-18 ans issus des Yonen Gakko - des jeunes gens entre 16 et 18 ans qualifiés par leur instruction et leur éducation; des sous-officiers d'active de moins de 25 ans, comptant 10 ans d'école et proposés par leurs chefs de corps; des soldats de moins de 22 ans ayant les aptitudes nécessaires, également proposés par leurs chefs de corps.
    A la fin du cycle, ces élèves sont détachés pendant 8 mois dans diverses unités où ils servent comme soldats, caporaux ou sergents. Après quoi ils entrent à la Shikan Gakko.

    2- Le Gakusei, qui dure 1 an. Les élèves doivent être agés de moins de 38 ans, choisis parmi les adjudants, sergents-chefs et sergents, après un concours difficile. Deux mois après leur fin d'études, ils sont nommés officiers "à avancement limité", ne pouvant dépasser le grade de capitaine.
    L'académie militaire (Shikan Gakko) reçoit les cadets de la Yoka Shikan Gakko pour une durée de 1 an et 8 mois. La discipline y est très stricte: interdiction de fréquenter des jeunes filles et même de parler de femmes... Formant des officiers de toutes armes, les promotions de l'académie sont réparties par classes suivant les armes, avec outre le "tronc" commun, un programme particulier correspondant à chaque spécialité.
    A leur sortie, les élèves effectuent un stage comme sous-officiers d'une durée de 2 à 6 mois. Ils ne reçoivent le grade de sous-lieutenant qu'après un vote favorable du Conseil des officiers du corps où ils ont fait leur apprentissage.
    Il existe aussi diverses écoles d'application: infanterie, génie, etc. Et surtout l'Ecole d'éducation physique de Toyama (Rikugun Toyama Gakko) où sont enseignés à fond tant le combat à la baïonnette que le Kendo, le Judo, la natation. Les officiers brevetés de cette école jouissent d'une grande considération.
    Au sommet de l'échelle d'instruction se trouve enfin la Rikugun Dai Gakko (Ecole Supérieure de Guerre). Après un difficile concours y sont formés les officiers d'éta-major. Cours et stages s'étandent sur 3 ans. Les officiers de réserve sont choisis parmi les jeuines soldats présentant une instruction et une éducation sufisantes. Après les classes et divers examens; les uns sont formés comme sous-officiers et les meilleurs suivent les cours d'élève-officier de réserve. Pendant la guerre, la durée de ces cours a été ramenée de 11 à 6 mois.

    Attitude et comportement

    L'officier japonais dans son attitude, diffère franchement de ses homologues occidentaux sur de nombreux points.
    Dans sa majorité, le corps des officiers provient de la petite classe moyenne, petits commerçants, petits industriels, petits propriétaires ruraux, etc. D'humble extraction, l'officier surtout subalterne, a été élevé en spartiate, ne possèdant qu'une faible culture générale, demeure souvent très naïf et ignorant du Monde extérieur. Formé selon un système étroit et inflexible, il entretient le plus souvent une grande rigidité de pensée, au détriment de l'imagination et de l'initiative. Son seul intérêt concerne son métier. Consciencieux et travailleur, la connaissance parfaite des règlements lui permet de faire face à toute les situations prévues, mais l'imprévu le déconcerte assez facilement.
    Quelle que soit son origine, l'officier est passé par une école de formation unique. Il en résulte une solide homogénéité, à laquelle le commandement attache le plus grand prix.
    Au combat, selon le Manuel, l'officier - par son courage et son sang-froid - doit inspirer à ses soldats une confiance inébranlable. On considère que s'élancer sabre au clair à la tête de sa section vaut plus que le tir de 20 fusils. L'officier nippon se doit donc de manifester en toute circonstance une confiance en soi poussée à l'extrème. Héritier des Samourai, il se conduit donc davantage en guerrier qu'en officier au sens où nous le concevons. Cette attitude entraîne aussi des pertes extrêmement élevées.
    La mort, on l'a découvert, n'a pas pour le soldat japonais la même signification que pour nous. Par le Bushido, il doit suivre le Yamato Damashii, c'est à dire les traditions chevaleresques, le souffle caractéristique qui anime les japonais et les pousse au sacrifice de leur vie pour leur souverain et leur patrie.
    Un soldat (en fait même n'importe quel japonais, en principe) doit affronter la mort avec désinvolture, car s'il sait tomber glorieusement, l'immortalité lui est promise. Les meilleurs de ces héros deviennent des demi-dieux (Kami), auxquels le temple de Yasukuni, à Tokyo ets consacré et où l'on vient prier, encore de nos jours, pour les âmes des héros tombés au champ d'honneur.
    De ce fait, la reddition ne saurait être admise. Se rendre est considéré comme un grand déshonneur, non seulement pour le soldat, mais aussi pour sa famille. Selon le Code d'honneur de l'armée, tout soldat fait prisonnier (blessé...) doit laver sa honte par le suicide dès qu'il retrouve la liberté. S'il hésite, il passe devant une cour martiale. Il demeure un objet de mépris pour les siens et ses compatriotes, m^me si aux yeux de la loi, il est réhabilité par le jugement rendu.
    En résumé, agressif, orgueilleux, habitué à une vie fruste, l'officier japonais est parfaitement apte à instruire et conduire ses hommes au combat.

    L'uniforme des officiers japonais

    Comme la troupe, les officiers reçoivent en 1930 l'uniforme à col droit caractérisé par des pattes de col de couleur distinctive et des marques de grade sous forme de brides d'épaule. La casquette kaki présente un bandeau et un passepoil supérieur rouge pour tous. Son étoile frontale est dorée (et dans une couronne de feuillage pour la Garde). Visière et jugulaire de cuir brillant, boutons dorés frappés de la fleur de cerisier.

    En 1938 est introduite la tenue modèle 98:
    - Vareuse à col rabattu portant les marques de grade, serrant par une ceinture d'étoffe kaki. Une fente est pratiquée au côté gauche pour le passage de l'attache du sabre, un petit bouton à la partie inférieure permet de la fermer. Au côté droit, une fausse fente est figurée pour l'esthétique;
    - En tenue de campagne, la culotte remplace le pantalon droit, portée avec des bottes noires, pourvues d'éperons pour les officiers supérieurs qui sont montés.

    Les officiers ont un manteau et un imperméable croisés à deux rangs de six boutons de cuivre et avec capuchon amovible. Les marques de grade sont cousues sur le col, comme sur la vareuse. Il existe aussi un vêtement droit plus ancien, sans manches, sorte de longue cape pourvue d'un capuchon. En 1938, les pattes de grade nouveau modèle y sont ajoutées;

    La casquette souple est similaire à celle de la troupe, mais les boutons de jugulaire sont métalliques, dorés avec fleur de cerisier. L'étoile est brodée en canetille d'or, et normalement inscrite dans un pentagone de drap du fond.

    Le casque d'acier est identique pour la troupe et les officiers.