• L'école des geisha



    Miroko porte le kimono tous les jours pour aller en cours. Comme tous les matins, elle se rend dans la plus célèbre école de geisha du Japon, à Kyoto. C'est exceptionnel de pouvoir y filmer.
    Particularisme: ici on ne dit pas geisha, mais geiko.
    Miroko est maiko, c'est à dire apprenti. Dans cette école elle étudie les arts traditionnels japonais, car geiko littéralement veut dire "femme des arts": femme de compagnie capable d'organiser des spectacles pour leurs clients.



    Aujourd'hui, ça commence par un cours de danse.




    La professeur de dance aux maiko:
    - plus haut! plus haut!
    - regardez par là-bas!
    - attention à la hauteur de l'éventail!
    Miroko a 19 ans; elle doit étudier encore au moins 3 ans avant de devenir geiko, ensuite, elle louera ses talents. Depuis qu'elle est enfant, ce métier la fait rêver

    Est-ce que quelqu'un dans votre entourage avait des liens avec le monde des geiko?
    Miroko; Non! absolument pas! Ma famille n'a aucun rapport avec ce monde. D'abord tout le monde a été surpris de ma décision de devenir maiko; ma mère consciente des difficultés, m'a dit "pourquoi pas?" et m'a encouragée. Mon père s'est senti triste parce que je ne serai plus là. Et puis tout autour de moi, mon grand-père, ma grand-mère qui ne connaissent pas ce monde étaient absolument contre.
    Ils étaient contre? C'est vraiment un monde à part?
    Miroko: Oui vous savez, car je ne peux plus trouver de sujets de conversations communs avec les jeunes de mon âge.
    2ème enseignement de la journée de miroko: la cérémonie du thé.




    La professeur à Miroko:
    - Ca il faut le reculer à côté de vous! Un peu de côté! Et vos mains, il faut les mettre comme ça, devant avant de prendre les baguettes.
    Cette cérémonie qui vient de Chine a été introduite au Japon au 13ème siècle, par un grand sage Bouddhiste Zen: Esai. Elle est extrèmement codifiée.

    La professeur:
    - Versez l'eau chaude maintenant!
    Tous les objets utilisés doivent impérativement être fait de bois, de fer ou de terre, matériaux en harmonie avec la nature. Et les dimensions de la pièce répondent aussi à des normes très précises.
    Cette cérémonie est encore pratiquée aujourd'hui par les classes aisées de la population japonaise.
    Mais quand elle est arrivée ici, Miroko ne connaissait rien à toutes ces subtilités. Maîtriser tout cela lui prendra encore des années.

    Un peu plus loin dans les couloirs de l'école, nous rencontrons des geiko professionnellles. Elles continuent à venir ici pour se perfectionner.
    Makoto a une trentaine d'années et est geiko depuis 10 ans et se plie quotidiennement à un entrainement intensif pour se maintenir à niveau.



    Makoto:
    L'entrainement c'est dur, de temps en temps, c'est vrai! ce n'est pas facile. Mais vous savez, c'est le plaisir d'être sur scène devant le public qui permet de surmonter cet aspect difficile.
    Les geiko, comme Makoto, sont de plus en plus rares. Il y en a 248 à Kyoto, deux fois moins qu'avant la seconde guerre mondiale. C'est à cause des contraintes que cela implique.

    Question à Makoto: Est-ce que vous pensez que vous êtes une femme moderne?
    Makoto: Oui! Mais bien sûr, je suis une femme moderne. Vous savez ce n'est pas une contradiction. La geiko, même si elle s'entraîne tous les jours aux arts traditionnels japonais vit quand même dans un monde moderne. Par exemple, je lis les journaux, je regarde la télévision, mais c'est vrai que comme toutes les geiko, je vis dans un univers au style forcément très traditionnel.



    Si une geiko se marie ou veut avoir des enfants, peut-elle continuer à exercer son métier?
    Makoto: Non! Si la geiko se marie, elle doit arrêter le métier; c'est la règle.
    Elle arrête?
    Makoto: Oui, si elle se marie elle arrête bien sur!
    Makoto et Miroko ont accepté ce type de sacrifices.
    Miroko travaille dur et espère qu'elle sera plus tard assez douée pour devenir professionnelle.

    Des apprentis comme elle, il en existe 62 à Kyoto; on les croise fréquemment dans les rues du centre-ville. Elles habitent des okiya; ce sont de petites maisons de bois. Elles y sont pensionnaires et vivent sous la houlette d'une patronne qui gère leur formation.
    Mme Kawamura est l'une de ces patronnes; elle nous reçoit dans son okiya.
    Mme Kawamura a 70 ans; elle a formé une vingtaine de maiko, et pour elle rien n'a changé ces 50 dernières années.
    A l'étage, les deux maiko, dont elle s'occupe se préparent. Mme Kawamura les a choisit avec soin.

    Mme Kawamura:
    Pour choisir une maiko, il faut bien sur qu'elle soit douée pour les arts: chanter, danser, jouer d'un instrument et faire la conversation. Plutôt que la beauté, bous privilégions les femmes qui ont des aptitudes artistiques et également les qualités morales: elles doivent être aimables, douces et serviables.



    Quand on veut devenir maiko, il y a des règles? Comment faut-il s'y prendre?
    Mme Kawamura: D'abord, les jeunes femmes doivent suivre un entrainement qui dure de 3 à 4 mois, et on juge leurs compétences artistiques de danse et de chant dans le centre de formation de maiko que vous avez visité. Après on décide de garder la jeune femme pour la former, et si ça ne va pas, eh bien malheureusement pour elle c'est finit.
    Il est 17h00, Yuki et Nami, les deux maiko se maquillent. Ce soir elles vont travailler. L'argent qu'elles vont gagner reviendra à Mme Kawamura, car Yuki et Nami ont une dette envers elle. Mme Kawamura paye en effet, toute leur formation; elle les nourrit, les loge, subvient à leurs besoins, et cette dette; les maiko doivent ensuite la rembourser.
    Mme Kawamura trouve des clients pour Yuki et Nami. Plus elles travaillent, plus elles remboursent rapidement, mais attention! Yuki et Nami ont un contrat en bonne et due forme; aujourd'hui plus de confusion: ce ne sont pas des prostituées!



    Mme Kawamura:
    Autrefois, il pouvait y avoir confusion. Au Japon et jusqu'en 1958, il y avait deux quartiers: le quartier des prostituées et le quartier des geiko. Et on pouvait confondre les deux mondes car c'était des quartiers très très proches. Et c'est très exactement en 1958, que d'un coup, tout a changé. La prostitution a été interdite par la loi et aujourd'hui, on ne peut plus mélanger les deux mondes.



    Question à Yuki: Comment vous sentez-vous habillée comme ça?
    Yuki: (surprise..) Je me sens comme quelqu'un qui va travailler.
    Une maiko est payée environ 400 € de l'heure. Yuki travaille depuis 5 ans et dans 6 mois, elle aura remboursé sa dette. Ensuite, elle n'est pas sure de vouloir devenir geiko. Elle trouve finalement tout cela extrèmement difficile.



    Yuki:
    Vous savez, on commence très tôt le matin; on finit tard le soir; ça recommence tous les jours. On est toujours en manque de sommeil et parfois on en a assez; on a pas envie d'aller travailler, mais faut y aller!
    Est ce que vous savez ce que vous allez faire quand vous aurez terminé votre contrat de maiko?

    Yuki:
    Dans 6 mois, j'aurai du temps libre pour réfléchir. C'est moi qui doit faire ce choix. C'est moi seul. J'espère que j'en serai capable.
    Pour Yuki et nami, c'est l'heure d'aller travailler; il est 18h00, elles quittent l'okiya.
    Nous ne saurons rien de leurs clients; le secret à Kyoto est une tradition qui ne se perd pas. Tout au plus, pouvons-nous imaginer qu'elles les retrouveront dans un de ces restaurants du bord de la rivière.



    Ici rien n'a changé ou presque depuis le 19ème siècle, car Kyoto a miracileusement survécu aux bombardements de la seconde guerre mondiale grâce à la volonté d'un français: Serge Eliseef qui a supplié les alliés de l'épargner.
    Kyoto incarne depuis, le visage traditionnel du pays.

    Notes: Ce reportage et ces images sont issues du magazine "Des racibes et des ailes" diffusé sur FR3 qui comporte plusieurs aspects de la vie au Japon. Seule la partie consacrée aux geiko a été reproduite ici. Je vous encourage à voir cette émission si vous en avez l'occasion. Les prises de vues y sont vraiment excellentes.