• Musashimaru intai



    Au soir de la septième journée du dernier Kyûshû bashô, le yokozuna Musashimaru a annoncé son retrait. Retour sur une carrière exceptionnelle !
    Musashimaru Kôyô est né le 2 mai 1971 dans les îles Samoa. Toutefois, il grandit à Hawaï. Sa carrure impressionnante le fait vite remarquer. En 1989, il est enrôlé par Musashigawa Oyakata, l’ancien yokozuna Mienoumi. Il fait ses débuts officiels la même année, au mois de septembre. Sa progression est fulgurante ! En l’espace de dix tournois, il accède à la division juryô. Son style est basé avant tout sur la puissance que lui procure son mètre quatre-vingt douze et ses cent cinquante kilos. Il travaille énormément pour rattraper trois autres grands espoirs : Takahanada, Wakahanada et son frère ennemi Akebono.


    Son passage en juryô est également météorique : deux tournois ! En novembre 1991 le voici en makuuchi ! Il s’installe rapidement parmi les sanyaku ( mai 1992 ). La prochaine étape : devenir ôzeki. Après neuf tournois consécutifs au grade de sekiwake, troisième plus haut grade, il passe enfin le cap au terme de l’Hatsu bashô 1994. Il est promu ôzeki en même temps que Takanonami. Au Nagoya bashô 1994, il remporte le premier yushô de sa carrière, avec une fiche parfaite de 15 victoires en autant de combat. Il s’agira finalement du seul zenshô yushô de sa carrière. Il apparaît plus que jamais comme un yokozuna potentiel.

    Pourtant, les tournois passent et aucune promotion n’arrive. Non pas que ses performances d’ôzeki soient faibles, mais il est barré par les yokozuna Akebono et surtout Takanohana qui enfilent les yushô comme des perles. En novembre 1996, il remporte le deuxième yushô de sa carrière avec une fiche médiocre de 11-4, au terme d’un play-off historique avec cinq rikishi. Lors de l’Hatsu bashô 1998, il profite des méformes de Takanohana et Akebono pour s’adjuger son troisième titre. Lors de cette même année, Wakanohana III lui souffle la politesse, et devient yokozuna. A la fin de l’année 1998, à 27 ans, il semble être promis à un rôle d’éternel ôzeki, comme son vieux rival Takanonami.

    1999 ! L’année Musashimaru ! Malgré un piteux 8-7 en janvier, il remporte coup sur coup l’Haru et le Natsu bashô. Il est alors promu yokozuna, le soixante-septième de l’histoire. Passées les festivités de la nomination au grade suprême, il remporte les deux derniers tournois de l’année. Quatre titres en un an ! En une année, Musashimaru prend une nouvelle dimension. Son style ne change pas outre mesure, mais sa confiance lui permet de déplacer des montagnes. De plus, il est le numéro un de la heya la plus puissante de l’époque.

    L’année suivante, il se blesse à deux reprises. Mais en septembre, il conserve victorieusement son titre acquis un an auparavant. Akebono se retire en janvier 2001. Cependant, Musashimaru enchaîne les secondes places derrière un Takanohana retrouvé et un Kaiô flamboyant. Il ne retrouve le chemin du succès qu’au Kyûshû bashô 2001. En 2002, il s’adjuge consécutivement l’Haru et le Natsu bashô. Au mois de septembre, après plus d’un an d’absence, Takanohana fait son retour. L’Aki bashô déchaîne les passions, et les deux yokozuna se retrouvent lors du senshuraku pour un combat décisif. Musashimaru expulse le légendaire yokozuna sur yorikiri. Il remporte ainsi son douzième yushô, le plus beau de sa carrière selon ses dires, et dépasse à cette occasion Akebono.

    Bien que l’Aki bashô 2002 soit un de ses sommets, Musashimaru s’y blesse au poignet gauche. Néanmoins, il participe au Kyûshû bashô. Lors de la cinquième journée, contre Takanonami, il se blesse plus gravement. Cette blessure va le tenir éloigner du dohyô jusqu’au Nagoya bashô 2003. Son retour est loin d’être fructueux, et il quitte le tournoi au soir de l’itsuka-me ( cinquième journée ). Il fait l’impasse sur le tournoi de septembre, et revient à Fukuoka, en novembre. Il n’arrive pas à se servir de son bras gauche et les résultats s’en ressentent. Après quatre revers en sept jours de tournoi, il décide de se retirer.

    Si Musashimaru a longtemps été dans l’ombre de Takanohana et Akebono, il n’en demeure pas moins l’une des grandes figures du sumô des années 1990.
    Musashimaru c’est avant tout une carrure exceptionnelle! 1, 92 m pour 237 kg à son maximum. Il est le yokozuna le plus lourd de l’histoire. Privilégiant l’efficacité à la beauté du geste, il a développé un oshi-zumô des plus puissants. Cependant, il ne faut pas minimiser les qualités de Musashimaru. Il possédait un excellent équilibre, savait parfaitement lutter au corps à corps et était doté d’une puissance phénoménale. En quatorze ans, il s’est adjugé douze titres, deux gino-shô ( prix de la technique ), un kanto-shô ( prix de la combativité ) et un shukun-shô ( prix de la performance ) et a été quatorze fois second. En division makuuchi, sur 73 tournois, il a remporté 706 victoires ( 4ème position ), a essuyé 226 revers, et a été absent de 115 combats.

    Musashimaru était le dernier représentant des colosses aux poids éléphantesques des îles du Pacifique. Entre 1968 et 2003, trois générations se sont succédées en division suprême. Si Akebono et Musashimaru n’ont jamais eu la popularité de leurs aînés Takamiyama et Konishiki, tous les quatre sont restés dans l’imaginaire populaire des Occidentaux, à tort ou à raison, comme les archétypes des lutteurs de cette fabuleuse discipline. C’est une page de l’histoire du sumô qui se tourne.