• Le cinema japonais de 1897 a nos jours - premiere partie 1897-1980



    Nous sommes à la fin du 19e siecle, le Japon, vit au rythme d’une modernisation accélérée, tranformant un Japon médiéval de l’ère Edo en un Japon industriel, s’ouvrant à la modernité et aux raffinements de l’Occident et parmi eux, une trouvaille générée par les frères Lumières et qui enfante un genre nouveau dans l’art de l’image: le cinéma.
    <p>Une révolution accueillie comme toute nouveauté, avec scepticisme et la critique des conservateurs peu enclins à l’innovation. Le cinema, à tatons, fait son entrée dans le monde artistique et le grand spectacle.

    Le cinéma japonais connait les même débuts que tous les autres, notamment sur le plan technique. Dans les premiers temps, il se veut expérimental; on exploite la prise d’image et on regarde l’oeuvre avec le meme oeil que s’il s’agissait d’une peinture, avec fascination et candeur.
    <p> Les premières projections avec des appareils Lumières sont organisées dès 1897. Généralement courtes et succintes, elles veulent davantage montrer le génie de la technique.

    Ginzagai” (1899) – Le Boulevard de Ginza – fut considéré comme le premier vrai film japonais. Sans scénario précis, ce film est un documentaire filmant le quartier de Ginza.

    L’époque du muet – Du Kabuki au nouveau courant
    Dans les années qui suivirent, le cinéma japonais , marriant techniques modernes et arts traditionnels, enfanta son style propre, grandement influencé par le théatre Kabuki et ceci persista jusqu’en 1918.
    Jusqu’à cette date, le cinéma japonais consistait en projections dont les dialogues et la narration étaient assurés par un benshi. La méthode fut si populaire qu’elle se répandit ailleurs dans le monde et ce jusqu’à la fin du muet.

    En 1918, le cinéma japonais se libère progressivement de l’emprise du Kabuki; les benshis disparaissent et les oyama (acteurs specialisés jouant le role des femmes dans le Kabuki) sont remplacés par de vraies actrices.

    Cette tendance a pris source dans les films Sei no Kagayaki et Miyama no Ottomu qui ne connurent pas un grand succès mais qui leur valut la constitution d’un véritable groupe de défenseurs passionnés qui s’assemblèrent pour former “L’Association pour l’art du cinéma” avec le romancier <strong>Tanizaki Jun'ichiro </strong>comme conseiller de production.

    Il en naquit un genre nouveau à forte influence occidentale et desireux de rompre avec le Kabuki, avec notamment le film Rojo no Reihon de Osanai Koranu.

    L’engouement artistique et la création vit son printemps, le cinéma se lance dans l’exploitation de nouveaux genres. Des genres cinématographiques qui, à cette époque pouvaient se diviser en deux catégories principales:
    - Les Jidai geki : appelés films de chanbara (films de sabres), des films historiques retraçant des épisodes de l’ère Edo.
    - Les Gendai geki: films traitant de sujets modernes dont les thèmes de prédilection etaient la vie quotidienne, les aventures sentimentales dans le cadre de l’époque contemporaine.

    Le muet fit des émules pendant dix ans, jusqu’à l’apparition du cinéma parlant en 1931.

    Du muet au film parlant

    L’apparition du parlant coincide avec une période artistique florissante qui s’exprimera au cinéma par l’adaptation d’oeuvres littéraires a l’écran et par un rythme plus lent que les productions américaines et occidentales.<br>C’est en 1931 qu’est projeté le premier film parlant japonais: Madamu to Nyobo de Gosho Heinosuke.

    Bien que le muet compte encore ses partisans, le parlant, en l’espace de 5 ans, se verra majoritaire dans les salles de projection

    Voici quelques titres de films ayant marqué cette période:

    1935:
    Okoto to Sasuke
    de Shimazu Yasujiro
    Jinsei no Onimotsu de Gosho Heinosuke

    1936:
    Hitori Musuko
    de Ozu Yasujiro
    Akanishi Karita de Itami Mansaru
    <em>Naniwa Elegii </em></strong>de<strong> Mizoguchi Kenji<br><em>Gion no Shimai </em></strong>de<strong> Mizoguchi Kenji</strong></p><br />
    <p>1937:<em><strong>Kaze no naka no kodomo </strong></em>de <strong>Shimizi Hiroshi<br><em>Ninjo Kami Fusen </em></strong>de <strong>Yamanaka Sadao</strong><br><em><strong>Waikai Hito </strong></em>de <strong>Toyota Shiro</strong></p><br />
    <p>En 1937, le militarisme japonais exerce un contrôle drastique sur la production cinématographique qui pousse à la propagande et aux oeuvres à la gloire de l’Empire. Quelques indépendants resteront néanmoins fidèles à leur style.</p><br />
    <p>Parmi les films produits pendant la guerre, beaucoup focalisaient sur la bravoure des soldats pendant la guerre en Chine, mais également l’esprit d’équipe et le sens de l’honneur. (titres de films non fournis encore)</p><br />
    <p>Apres la guerre, le cinéma japonais se déchaine contre l’impérialisme, thème qui restera constant jusqu’en 1950, avec le soutien financier des américains.</p><br />
    <p>On notera comme films majeurs durant cette époque:</p><br />
    <p><strong><em>Osoneke no Asa </em></strong>(le Reveil des Osone) de <strong>Kinoshita Keisuke </strong>(1946), <em><strong>Waga seishun ni kui nashi </strong></em>de <strong>Akira Kurosawa </strong>(1946) et <strong><em>Senso to Heiwa </em></strong>de <strong>Yamamoto Satsuo </strong>et <strong>Kamai Furio<br></strong><strong> <br>L’après guerre – l’après atomique 1945-1960</strong></p><br />
    <p>Claude R. Blouin a écrit : “Première victime des explosions atomiques, il est aussi le premier pays à avoir du se construire, sur fond d’Apocalypse, dans la défaite, une morale du temps présent. Le premier a avoir du se demander si, avec l’absence de scrupules dans le choix des moyens de persuasion, tout n’était pas voué à la destruction, le premier à devoir chercher si, comme cet arbre qui aurait grandi a Hiroshima quelques années après l’explosion de la bombe, quelques raisons de vivre souterraines ne survivraient sous celle, éludant toute rationalité, de survivre”</p><br />
    <p>La rancoeur des japonais à l’encontre de l’impérialisme fut très vite rattrapée et remplacée par le traumatisme provoqué par les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki mais également par la présence des troupes américaines sur le territoire japonais. (Les enfants d’Hiroshima, Buta to Gunkan…)</p><br />
    <p>C’est également dans ce meme contexte que fut exploité le style dit intimiste et familial, le shomin geki dont le fil directeur est “le sens de la résignation, de l’inutilité de la revolte, du temps qui passe sans espoir de retour ou d’une vie meilleure” (Max Tessier).</p><br />
    <p>La science fiction fait également ses premiers pas, avec pour thèmes fétiches les conséquences destructrices de l’usage du nucléaire. On ne peut manquer de citer l’incontournable Godzilla (1954) et ses suites interminables. Le thème de la science fiction sera copieusement exploité jusqu’en 1967.</p><br />
    <p>Quelques films dignes d’intérêt ayant marqué cette période:</p><br />
    <p>1951: <strong><em>Le bandit samourai</em></strong> de <strong>Takizawa Eisuka </strong><br>1952: <strong><em>Rashomon </em>d’Akira Kurosawa</strong><br>1954: <br><em><strong>La vie d’Oharu, femme galante</strong></em> de <strong>Kenji Mizoguchi</strong><br><em><strong>Les enfants d’Hiroshima</strong></em> de <strong>Shindo Kaneto </strong></p><br />
    <p>A la fin des années 50, les japonais croyaient être une nation pauvre, ce qui explique la grande quantité de films traitant de la pauvreté. Mais également des premières victimes de cette pauvreté: la jeunesse qui, grandissant dans un environnement moderne aux influences occidentales se bousculent et se mélangent aux moeurs, créant des fractures béantes entre les générations. Il en resulte une jeunesse intimement déboussolée et qui fera le thème de nombreux long-métrages (appelés seishun eiga) dont notamment: </p><br />
    <p>- <em><strong>Premier Amour Version Infernale (Hatsukoi Jigoku-Hen) </strong></em>de <strong>Susumi Hani</strong><br>- <strong><em>La femme que j’ai abandonné (Watashi ga suteta onna)</em></strong> de <strong>Kiriyo Urayama</strong><br>- <strong><em>Passions Juvéniles </em></strong> - Auteur non trouvé (?!)</p><br />
    <p><strong>Le boom économique 1960-1980</strong></p><br />
    <p>Dans les années 60, les japonais prennent conscience de leur développement économique à l’échelle internationale. Le cinéma s’attaque alors au monde des affaires. Les films de Yakuza sont produits à la chaine; on passe du mélo social au film de gangster dans lequel le “méchant” symbolise le mauvais côté du capitalisme, celui qui detruit l’esprit de coopérative traditionnel cher aux japonais.</p><br />
    <p>La science fiction, exploitée dès les années 50, se retrouve dans le <strong>boke mono </strong>ou histoires de fantomes pendant la période de 1959 a 1964.</p><br />
    <p>L’animation également fait ses premiers pas au Japon avec <em><strong>La légende de Madame Pai Nong </strong></em> de <strong>Yabushita Taiji</strong>. (1962)</p><br />
    <p>Mais le développement économique japonais a un prix, celui de la jeunesse encore une fois sacrifiée sur l’autel de la méritocratie, au travers d’un processus d’éducation drastique encore aujourd’hui tres controversé.</p><br />
    <p>A ce stade, les genres se succédent et se bousculent:</p><br />
    <ul><br />
    <li>Chambara ou films de sabres <br />
    <li>Rumpen mono (1920-1930) <br />
    <li>Senso eiga (films de guerre) <br />
    <li>Keiko eiga (films a thèse, issus de la période marxiste de l’avant guerre) <br />
    <li>Kayo eiga (films avec chanteurs populaires romantiques) <br />
    <li>Seishun eiga (films sur la jeunesse) <br />
    <li>Bake mono (films de fantomes) <br />
    <li>Ero-sen (films érotiques) <br />
    <li>Erogro eiga (tendance érotico-grotesque) <br />
    <li>Roman porno eiga (romantico-pornographique)</li></ul><br />
    <p>En 1965, l’érotisme commence à faire son apparition sur les écrans, impact direct de la révolution sexuelle initiée en Occident.<br>Le genre se veut “soft” dans les premières années jusqu’à vouloir pousser les limites de la pudeur, engendrant deux sous genres : l’erogro eiga et le roman porno eiga.<br>C’est ce dernier que <strong>Nagisa Oshima </strong>exploita dans le sulfureux <em><strong>Empire des Sens </strong></em>avec pour thème central “<em>Le monde ou l’on ne peut vivre en restant soi même, ou la vie n’est possible que si l’on devient un autre</em>”, thème d’ailleurs repris dans l’essentiel de ses oeuvres (<em><strong>Furyo, Shonen, Plaisirs</strong></em>).</p><br />
    <p>Dans les années 70, le premier mouvement de constestation écologique prend forme aux Etats Unis et par extension en l’Europe et au Japon. Le constat affligeant des dégradations environnementales et d’un mauvais usage des ressources naturelles conduit le cinéma japonais à se pencher sur le problème et à relancer, par la même occasion, la croisade anti nucléaire déjà opérée depuis la bombe d’Hiroshima.<br>Dans ce registre, <em><strong>Minamata, menace mortelle de pollution au Japon </strong></em>de <strong>Tsuchimoto Noriaki</strong> sera de loin l’oeuvre la plus significativement engagée.</p><br />
    <p><strong>Remarque:</strong> vous aurez pu constater le manque de données sur les films des époques qui ont été parcourues. Cette lacune a une raison. Le Japon, n’ayant commencé a effectivement collectionner ses films qu’en 1958, beaucoup d’oeuvres antérieures à cette époque ont été, hélas, perdues ou sont restées anonymes…</p><br />
    <p><strong>Les liens France Japon dans l’histoire du cinéma:</strong></p><br />
    <p>Contrairement à ce que l’on peut penser, les liens cinématographiques entre la France et le Japon commencent en 1908 avec deux films produits pour PATHE et tournés à Tokyo, à savoir <strong><em>Le Châtiment du Samourai </em></strong>et <em><strong>La Vengeance du Daimo</strong></em>.</p><br />
    <p>Le grand tremblement de terre de 1923 provoqua une émotion forte en France et les français exprimèrent leur profonde solidarité avec le peuple japonais en organisant des collectes pour les victimes et les sans-abris.</p><br />
    <p>La même année, les films <em><strong>L’Enfant de Hoang-Ho</strong></em> et <em><strong>La Bataille</strong></em> des studios Delac. Vendal sortent sur les écrans, avec en vedette dans ce dernier film, <strong>Hayakawa Sessue </strong>et <strong>Aoki Tsuru</strong>. Tous deux sont tournés en France car les studios japonais ont été aneantis par le tremblement de terre.</p><br />
    <p>En 1924, Mappemonde Film sort <strong><em>Le Prince d’Orient</em></strong>, <em><strong>Le Roi sans couronnes </strong></em>et <strong><em>J’ai tué.</em></strong></p><br />
    <p>Les années 20 sont les plus florissantes pour la coproduction franco-japonaise. C’est précisement la période ou le cinéma japonais connait ses heures de gloires auprès du public français qui sait en apprécier la grande qualité. De tels sursauts d’enthousiasmes ne se reproduiront que dans les années 50 avec <em><strong>Rashomon</strong></em> (1952). </p><br />
    <p>On notera que de 1950 a 1972, 193 films japonais auront été projetés dans des salles françaises. En comparaison au nombre phénomenal de films produits au Japon, on peut dire que c’est peu; la raison principale étant que la majorité des producteurs doutaient du succès de leurs oeuvres à l’étranger, jugeant leur style trop “japonais” pour l’Occident.</p><br />
    <p>Est ce à dire que les liens franco-japonais dans les domaines artistiques ont alors connu un déclin ? Quelle hérésie! Si les coproductions se font plus rares, voire plus discrètes, car bon nombre de réalisateurs français ont collaboré avec des japonais pour produire des films exclusivement japonais, il ne faut pas oublier l’influence litteraire française à l’origine de quantités d’adaptations à l’écran (Les Trois Mousquetaires, les Misérables…sauce nipponne) et leurs dizaines de remakes, pratique très populaire au Japon, en raison notamment du fait qu’il est inutile de payer des droits pour refaire une oeuvre existante. <em><strong>Les 47 ronins</strong></em> est sans doute l’oeuvre la plus clonée de toutes avec plusieurs centaines de remakes à son palmarès.</p><br />
    <p>De la decouverte du septieme art , du muet au parlant, de l’épanouissement artistique à l’emprise militariste, du traumatisme du nucléaire au boom économique, enchainant crises de conscience collectives sur fractures générationnelles, le Japon s’est bati sur fond d’incertitude et de rebondissements une veritable identité à part dont les témoignages intimes nous parviennent sur les écrans. Déboussolement, clivage entre la tradition et la modernité, au travers de sujets intimes, le cinema japonais reste l’un des rares à exprimer les craintes de son peuple aux différentes periodes de ce XXème siècle. <br>Nous entrons dans les annees 80 où, alors que la crise économique s’amorce et que la belle époque des années soixantes devient un doux souvenir, le cinéma se fera le reflet de l’incertitude des japonais incapables de donner une idée des temps actuels ou à venir.</p><br />
    <p align>Fin de la premiere partie.</p><br />
    <p> </p><br />
    <p><strong>Bibliographie indicative:</strong></p><br />
    <p>Chef d’oeuvre et panorama du Cinéma Japonais 1898-1961</p><br />
    <p>Le chemin detourné: essai sur Kobayashi et le cinéma japonais – Claude R.Blouin</p><br />
    <p>Le cinéma japonais: de ses origines à nos jours – Hiroko Goavers - Kawakita Memorial Film Institute, édition Mandara.</p><br />
    <p>Cinéma et politique – Christian Zimmer</p><br />
    <p>Du Japon et d’ici – Claude R. Blouin</p><br />
    <p>Mikio Naruse: un maitre du cinema japonais – Audie E. Bock – Edition du Festival International du Film de Locarno.</p><br />
    <p>Mizoguchi: de la révolte aux songes – Daniel Serceau, Edition Cerf.</p><br />
    <p>Mizoguchi Kenji – Michel Mesnil Saghans</p><br />
    <p>Nagisa Oshima – Louis Danvers et Charles Tatum</p><br />
    <p>La présence du cinéma japonais en France 1950-1975 – Tanaka Tomohide (Mémoire de maitrise INALCO)</p><br />
    <p>Le cinéma japonais au présent: 1959-1984</p><br />
    <p>The Japanese movie – Donald Richie</p><br />
    <p>Japanese cinema: An introduction – Donald Richie<a href="http://"></a></p><br />
    <p>Images du cinéma japonais – Max Tessier</p></div>