• Katsuhiro Otomo à Angoulême



    Katsuhiro Otomo, le célébre auteur d'Akira et scénariste du film d'animation Metropolis, était l'invité de l'émission Mauvais Genres sur France Culture, samedi 25 janvier 2003. Voici une transcription (très) approximative de ses propos.

    L'année dernière François Schuiten était venu à Tokyo et on avait parlé de la possibilité de ma venue à Angoulême cette année. A l'époque, je travaillais à la réalisation d'un nouveau dessin-animé et je ne savais pas encore si je pourrais venir.

    Quand j'étais enfant les manga commençaient à avoir beaucoup de succès au Japon. Je lisais notamment Osamu Tezuka, et c'est ce qui ma donné envie de devenir mangaka. J'ai été influencé par Tezuka et le Gekiga <i>(NDLR : style de manga "réaliste", inventé par Tatsumi Yoshihiro à la fin des années 50)</i>, mais aussi par des romanciers, des photographes... toutes sortes d'influences. Le Gekiga est venu après Tezuka, mais ma génération a bénéficié des deux en même temps.

    <!--more--> Au début mon travail n'avait rien à voir avec la Science-Fiction ou quelque chose comme Akira. Mon éditeur m'avait demandé d'adapter Mateo Falcon (NDLR : de... Prosper Mérimée !). A l'époque où j'ai débuté, on était passé de Tezuka au Gekiga, et on découvrait les comics et la bande-dessinée européenne. Il y avait une volonté de montrer des histoires se déroulant à l'étranger. Dans les années 70-80, il est apparu un courant d'auteurs qui ne voulaient faire ni du Tezuka, ni du Gekiga, mais montrer leur propre univers. J'ai un peu participé à ce courant là.

    Vers 1985 j'ai fait un manga qui s'appelait Kibun Ha Mo Sensoo. Comme depuis les années 70 il n'y avait plus de guerre, certaines personnes avaient tendance à prendre cela pour un jeu. Ce manga était une façon de montrer que la guerre est quelque chose de sérieux. Alors, c'est peut être mon premier manga un peu politique. Je ne suis pas un mangaka engagé ou "politique". Je ne fais qu'utiliser ce qu'il y a dans le monde : des guerres, des politiciens, des problèmes d'exclusion, etc.

    Je traite le sujet de l'homme face à la machine par que c'est un sujet intéressant, mais personnellement je ne pense pas que l'ordinateur remplace l'homme dans l'avenir. Pour ce qui est du thème de la "fusion" homme-machine, c'est une question qu'il faudrait plutôt poser à Mamoru Oshii ou Masamune Shirow.

    (NDLR : Après une question sur la représentation de la ville, et plus particulièrement sur sa destruction, récurrente dans l’œuvre de Katsuhiro Otomo)
    C'est peut être parce que j'habite à Tokyo. Et puis comme je travaille sur de la SF, c'est ce que j'ai en moi qui ressort dans mes manga. Les paysages de campagne et de nature ne sont peut être pas en moi, tout simplement. Vous n'avez pas envie de voir les bâtiments autour de nous être détruits, tout d'un coup ? (rires) Après la destruction quelque chose de meilleur se reconstruit. Et puis, il y a peut être le côté visuel : j'ai envie de dessiner des destructions, tout simplement.

    En ce qui concerne les personnages ayant des "super-pouvoirs", il y en avait beaucoup dans les manga de mon enfance. C'est une forme d'hommage de reprendre ce thème en le rénovant.

    Le colonel, dans Akira, fait parti de ces gens dont on a l'impression qu'ils ont le pouvoir, mais qui ne font qu'obéir aux ordres qu'on leur donne. Il y a au Japon une défiance des jeunes générations envers les politiciens. Mais en même temps ils pensent que de toute façon ça ne peut pas changer. D'où le désintérêt. Je n'ai pas écrit Akira pour dire qu'il faut tout changer. Pour moi Akira n'est pas une oeuvre politique, et ça me gêne qu'on puisse le penser.

    Pour Akira, j'avais dès le départ l'idée d'écrire une histoire longue, mais au fur et à mesure les détails ont évolué. A cause de cela, ça partait dans d'autres directions, et ça a été difficile de tout ramener dans la trame principale de l'histoire. La fin du manga était fixée à l'avance, mais pas celle de l'anime. On a hésité à garder la même fin pour l'anime et le manga.

    Metropolis est tiré d'un vieux manga de Tezuka, d'il y a bien cinquante ans. Le dessin-animé a vraiment été fait dans l'esprit de Tezuka. On dit que Tezuka n'a jamais vu le film de Fritz Lang, mais il y a de fortes chances qu'il en ait entendu parlé. L’œuvre originale était incomplète, notre but était donc de la compléter, mais on a pas été influencé par Fritz Lang pour écrire le scénario. Je n'ai pas vu le Metropolis de Fritz Lang. Je trouvais qu'un personnage comme Rock manquait dans l'original, donc j'ai voulu rajouter ce personnage pour combler certains vides du manga. <i>(NDLR : Rock est bien un personnage de Tezuka, mais qui n'apparaissait pas dans ce manga.)</i> Tezuka l'a écrit quand il était très jeune, une vingtaine d'année. C'est une oeuvre incomplète, mais qui lui ressemble tout à fait. Sans Rock, on aurait eu du mal à finir l'histoire.

    Je ne me sens pas proche des super-héros. Je préfère dessiner des personnages qui se laissent tenter. Je pense que si l'on a trop de pouvoir, et qu'on n'est pas capable de l'assumer, on va être brisé.

    C'est difficile de vous parler de Steam Boy. Quand j'écris l'histoire de Steam Boy, il y a plusieurs thèmes, plusieurs personnages qui me viennent à l'esprit... Notre but au départ était de faire une histoire de SF utilisant l'informatique. Ca ne veut pas dire que c'est de la 3D, même si l'ordinateur a été utilisé pour la réalisation. Il s'agit de SF, mais qui se passe au XIXéme siècle. C'est une ambiance "Steam Punk".

    Ce que je peux dire de Rintaro ? On prend souvent le train ensemble. (rires) Il a un projet un peu bizarre actuellement, en animation. En automne, il participe à des courses cyclistes. (rires)

    En ce qui concerne les projets d'adaptation au cinéma d'Akira <i>(NDLR : c'est à dire, pas en dessin-animé)</i>, moi j'ai fait le dessin-animé et je n'ai pas envie de recommencer un autre projet. Donc je leur fais entièrement confiance. La personne de Kodansha qui est venu ici avec moi m'a dit qu'un autre projet venait d'arriver, mais je n'ai pas eu le temps de le lire.

    Je n'avais pas tout à fait conscience de l'attente du public à Angoulême. Moi aussi je suis très content d'avoir pu venir, et j'espère pouvoir revenir en été au moment du Tour de France, mais juste pour regarder ! Si j'ai un peu de temps, à Paris, j'espère pouvoir m'acheter un peu d'équipement cycliste.

    Oui, je connais la bande dessinée européenne. Subarashii !

    Netographie : otomo.free.fr/otomo.htm