• les poupées au Japon



    J'ai trouvé cet article "extravagant ou plutôt étrange" dans le Elle du 21 Octobre 2002.

    La dernière tendance au Japon ? Fabriquer une poupée à son image. Des milliers de jeunes filles apprennent dans des écoles l'art de fabriquer des petites soeurs à leur image : plus de 150 écoles et 1 345 sites répertoriés. Les poupées ainsi créées répondent à deux objectifs : oeuvre artistique et vie par procuration.

    Rien qu'à Tokyo, 40 "sensei" enseignent l'art des "kansetsu ningyo". Les deux sensei les plus connus Simon Yotsuda et Ryo Yoshida, ont chacun une centaine d'élèves, qui payent 150 euros par mois le privilège de suivre une formation.
    Dans leurs écoles prestigieuses, on apprend à modeler des anatomies en argile blanche et des corps d'adolescentes en mue ... Il faut entre deux et six mois de travail pour fabriquer une poupée, après quoi on coud des vêtements, inspirés des garde robes du 19 siècle. Résultat : des oeuvres d'art que les galeries et les collectionneurs s'arrachent.

    Les japonaises mettent donc en scène leur "clones", presque grandeur nature (de 50 à 120cm environ), dans des galleries au réalisme fascinant, qui se vendent jusqu'à 10 millions de yens soit 88 000 euros.

    Qui les achète ? Essentiellement des hommes ...
    D'après Takuya Yazaki, designer en 3D, les japonais manquent de confiance en eux, explique-t-il. C'est pourquoi ils préfèrent des héroines en apparence plus jeunes qu'eux.
    Quant aux japonaises, elles jouent sur leur image, en mimant la jolie innocente, virginale poupée dont les hommes raffolent, alors qu'elles deviennent de plus en plus consciente de leur pouvoir.<br>
    Ce mécanisme du conformisme parodique touche même les adolescentes, qui s'amusent à paraître dix ans de moins que leur âge ...
    "Les poupées nous dominent" s'inquiète le quotidien Mainichi Shimbun. "Les hommes se sentent dépassés, rapporte le journaliste Hideko Takayama. Leur taux de suicide augmente comme leur taux de chomage. Alors que les femmes sont pleines d'énergie, eux restent sur le carreau."
    Plus de la moitié des filles entre 20 et 30 ans n'ont pas d'époux. On les appelle "parasite single" (célibataire parasite) ou pis encore "jiko chu" (cafards égocentriques), parce qu'elles refusent de se marier. "je préfère mes poupées, dit Hiroko Ishiyama, elles au moins elles ont une âme".

    Pour le sociologue Yoshihisa Tanaka, tout le problème vient du système d'enseignement... passant directement de l'uniforme de collégien à celui de salarié, ils n'ont pas le temps d'apprendre à vivre.<br>
    Le ministère de l'éducation a même lancé une campagne de 250 millions de yens pour éduquer "le coeur" de ces eunuques sentimentaux.
    Les filles elles ont vingt longueurs d'avance. "Aujourd'hui au Japon, ce sont les filles qui incarnent l'espérance de la mutation sociale, affirme Alessandro Gomarasca. A la différence des hommes, elles prennent le temps de se fabriquer."
    Avec leurs doubles en argile ambigus, suspendus entre confiance et innocence, enfance et maturité, les japonaises manifestent leur révolte contre leur statut de femme-objet, alors que le pays traverse sa plus grave crise économique et sociale depuis 1945."

    Voilà l'article, personnellement je n'aime pas trop ces articles que publie "Elle", en effet il semble qu'il privilégie l'accent "étrange" du Japon. Résultat, les occidentaux ont souvent une idée partielle ou fausse du Japon, imaginant un pays complètement "à côté de la plaque".
    D'un autre côté, cet article doit bien réveler une réalité, mettant en exergue la crise sociale et morale, parfois inquiétante, se déroulant au pays du soleil levant.
    Il serait intéressant de savoir si ce phénomène de poupées est aussi vaste que ce texte veut nous le laisser croire.