• Le jardin de thé



    Parmi les divers types de cérémonie, l’histoire culturelle du Japon considère traditionnellement le style wabi, introduit par Sen no Rikyu, comme le sommet de la cérémonie du thé. Il définit le roji comme l’espace qui se situe au-delà de la vie humaine consumée par les passions et l’illusion. Selon lui la pureté évoquée par le mot roji trouve son expression dans le jardin naturel avec ses arbres et ses pierres.

    Les jardins de thé sont étroitement lies au wabi-cha, le « rituel sobre et intériorisé du thé », qui a commencé de prendre racine au Japon vers la fin du 16eme siècle. Le jardin devait fournir le cadre approprié au so-an, la « cabane de chaume », une simple hutte rustique pour boire le thé.


    De riches marchands avaient coutume de se faire construire de petites huttes à thé dans les jardins de leurs maisons, et, plus tard, de puissants daimyôs et shoguns en feront autant dans leurs immenses jardins. L’estime que les Shoguns comme Nobunaga, Hideyoshi et Ieyasu avaient pour les maîtres du thé se reconnaît au fait que ceux ci comptaient au nombre de leurs premiers conseillers.


    Entrons dans un jardin de thé de Kyoto ; tout d’abord l’entrée du roji , le roji-mon, une porte si étroite que l’on doit s’y glisser par une sorte de mouvement de zig-zag.


    Cette porte a comme signification que toute personne qui prétend entrer dans le roji doit commencer par ralentir son pas. Au delà, le soto-koshikake, petite cabine d’attente extérieure couverte, invite à s’arrêter un instant pour contempler le jardin ou désormais on ne relève plus aucun élément iconographique tel que les îles grues ou tortue. L’espace est composé de tobi-ishi (pas japonais) qui sont ici des pierres naturelles non travaillées que l’hôte aura pris soin de mouiller avant l’arrivée des invités.


    Tout est disposé pour permettre au visiteur de prendre conscience de lui-même et de son environnement. Suivons les dalles pour arriver au shitabara setchin (cabinet de toilette) devant lequel nous trouvons le tsukubai, bassin en pierre invitant le visiteur à se purifier rituellement le corps et l’esprit. Il y a aussi un chiri-ana remplit de feuilles et d’aiguilles de sapin par l’hôte comme acte de purification du jardin. Pour la même raison, l’hôte laisse des balais et des râteaux a certains endroits du jardin. Il ne s’agit évidemment pas des outils dont il s’est servi pour nettoyer le jardin.


    Directement à l’entrée de la maison de thé on trouve une autre chiri-ana. Les deux chiri-ana ne sont pas des fosses a ordures, ce sont des endroits où les invités sont censés déposer leurs pensées et leurs sentiments impurs.
    Après avoir passé à genou, afin, selon Rikyu de prendre conscience de son corps, le naka-kuguri (petite porte coulissante) on pénètre dans le jardin intérieur. On y découvre la maison de thé accompagnée de son tsukubai et son puit .


    La cabane est d’un aspect sobre. Après s’être purifié la bouche et les mains, l’invité y pénètre et aperçoit un espace étroit de trois tatamis pourvu d’une alcôve, le tokonoma généralement ornée d’une peinture et d’un arrangement floral spécialement choisi pour la circonstance.


    Il n’y a pas de fenêtre s’ouvrant sur le jardin et c’est l’une des grandes différence entre ce style de jardin et les autres styles. En générale l’architecture nippone tend à s’ouvrir sur l’extérieure. Ici tout est fait pour attirer l’attention sur les gestes précis de la cérémonie.

    La cérémonie du thé imprégnée des 7 préceptes de l art zen eut a son tour une influence considérables sur l’art des jardins japonais. Les éléments qui composent le roji vont être repris dans de nombreux jardins pas nécessairement voués à la cérémonie du thé. Mais il ne faut pas oublier que les jardins de thé et leur cabanes sont aménagés de tel manière qu’ils invitent, et même induisent par une douce contrainte à prendre conscience de soi.


    Sen no Rikyu :

    N’oublie jamais
    Que la voie du thé
    N’est rien d’autre que
    Verser de l’eau
    Faire du thé et le boire.