• Une balade dans Tokyo au fil de l'eau

    On dénombre soixante-trois rivières et fleuves a Tokyo, et bien plus de canaux, sans parler des ponts ! Et cela n'est rien comparé à l'époque d'Edo ( 1600-1868 ), ou l'on se déplacait constamment d'une rive à l'autre en prenant des barques, ou en passant par de petits ponts en bois tels qu'on les voit sur les estampes de Hiroshige et de Hokusai.

    Même si les promenades actuelles ont perdu le charme qu'elles devaient avoir à l'époque (quel Parisien n'a pas pensé avec nostalgie à la Seine et aux beaux monuments qui la bordent à la vue des immeubles gris qui défilent le long de la Sumida ?), chaque pont, chaque endroit, possède ses histoires et ses mythes...


    Alors pourquoi ne pas se laisser aller au fil de l'eau, en suivant les méambres du souvenir ?<br><br />
    De la Sumidagawa à la Kandagawa, en passant par Ichigaya et Iidabashi, nous rejoindrons les rives de la Megurogawa, puis reviendrons à notre point de départ, la Sumida, coeur de la ville.

    La riviere Sumida

    A la lune du soir
    De ma canne je frappe l'eau
    De la Sumida.


    Etsujin, disciple de Basho (1644-1694), écrivit ce haiku quand il séjourna chez son maître, sur la rive droite de la Sumida.
    On peut de nos jours visiter cet endroit, le Basho-an, musée consacré au poète ou se trouvent des poèmes écrits de sa main ainsi que des calligraphies et peintures de ses disciples.
    Si cette visite vous a donné envie d'en savoir plus sur le maitre, vous pouvez visiter le Sekiguchi Basho-an, situé au bord de la rivière Kanda, à coté du très jolie parc de Chinzan-so.<br><br />
    Le poète, alors agé de trente-quatre ans, y vécut pendant trois ans, de 1677 a 1680, avant de s'installer a Fukagawa, quartier de plaisirs rivalisant avec Yoshiwara, célèbre pour ses maisons de geishas.

    Pour s'y rendre, descendez à la station d'Asakusa, et après avoir visité ou revu, le grand temple de Senso-ji dedié à la déesse Kannon, prenez la rue Hanakawa-do et vous arriverez au parc de Sumida.

    De là, on peut passer sur l'autre rive par le pont de Sakurabashi et visiter le quartier de Mukojima.
    Durant la première semaine de l'année, les Tokyoites s'y rendent en nombre pour faire leurs voeux auprès des sept dieux de la chance. les Shichifukujin.

    Pour accéder au quartier de Fukagawa et à l'hermitage de Basho, vous pouvez prendre le métro jusqu'à la station de Monzen-Nakacho (ligne Tozai) et marcher une bonne demi heure en traversant le pont d'Eitaibashi, magnifique la nuit, soit prendre la ligne Toei-Shinjuku et descendre a Morishita. <br><br />
    De là, on peut emprunter le Ryogokubashi, ou Pont des deux provinces, car il separait autrefois Tokyo de la province de Musashino.

    Ah non, il n'était pas facile, auparavant, de passer d'une rive a l'autre !


    Un seul pont reliait, le Senju-Ohashi situé près de la station Minami-Senju.
    Le Shogun en avait decidé ainsi pour mieux protéger la ville contre les attaques exterieures.
    Mais un évènement terrible le fit changer d'avis :
    Le 18 janvier 1657, éclata un incendie qui dévora les deux tiers de la population d'Edo et qui détruisit une très grande partie de la ville.

    L'unique pont de la Sumida ne suffit pas pour évacuer les fuyards.
    Le feu commença dans le quartier de Hongo, au temple de Honmyo-ji. Il porte le nom <i>"d'incendie des longues manches"</i> car en voici les circonstances:
    au mois de novembre 1656, une jeune fille portant un kimono rouge aux longues manches rencontra dans le temple une jeune homme beau comme un dieu et tomba immédiatement amoureuse de lui, mais elle ne put le revoir et sa tritesse la fit mourrir un mois plus tard.

    En décembre 1656, une autre jeune fille habillée d'un semblable kimono mourut a son tour mysterieusement. Et ce n'etait pas fini : en janvier 1657, un autre kimono rouge fit une troisième victime ! Alors les familles en deuil se réunirent et au moment ou un kimono rouge était lancé dans le feu sacré du temple au son des incantations, un coup de vent l'emporta et, rapidement, les flammes se propagèrent dans la ville.

    Mais à Tokyo, tout passe comme l'eau qui coule. La ville fut reconstruite, puis à nouveau partiellement détruite lors des incendies de 1772 et 1872.

    Le gouvernement de Meiji décida alors de remplacer les maisons en bois par des structure en brique, et la ville devint plus moderne.

    Mais le sort en avait décidé autrement car, en 1923, le grand tremblement de terre du Kanto fit des milliers de victimes.

    Comment ne pas ressentir clairement l'éphémère et la brièveté de la vie, surtout devant les fleurs de cerisiers, si belles mais si fragiles ?

    Le canal d'Iidabashi

    Mais mettons fin à ces tristes pensées. Pourquoi ne pas nous arrêter un instant au Canal Café, situé juste au début de la promenade qui longe le canal d'Iidabashi à Ichigaya.
    C'est à ma connaissance le seul café-restaurant qui donne sur une rivière à Tokyo.

    Après cette pause vraiment apaisante et qui fait oublier le brouhaha de la ville, la balade jusqu'a Ichigaya, d'environ quinze minutes, n'en parait que plus agréable.

    Iidabashi est aussi le point de départ de la promenade vers Kudanshita, le parc Kitanomaru et Chidorigafuchi, presqu'île couverte de cerisiers, autrefois située dans l'enceinte du Château d'Edo.

    Le parc Kitanomaru est, curieusement, peu fréquenté, même à l'époque des cerisiers (Hanami). Il a pourtant des vues plongeantes sur la rivière qui valent le déplacement.

    Mais peut-ëtre que les gens oublient-ils son existence à cause de la proximité du Musée national d'art moderne, du Musée des Sciences, du Nihon Budokan, ou ont lieu des démonstrations d'arts martiaux et de grand concert de rock, et enfin du sanctuaire Yasukuni, dédié aux soldats tués pendant la seconde guerre mondiale et lieu de rassemblement des nationaliste japonais.

    Le Quartier de Naka-Meguro


    Un autre parcours ombragé de cerisiers et bien moins connu des Tokyoites, est celui qui longe la rivière Meguro.
    Il vaut mieux le commencer à la station de Naka-Meguro, là ou les arbres sont les plus beaux.
    Voici que peu a peu, nous nous approchons de la station de Meguro, ou Yeux Noirs, appelée ainsi car le quartier est place sous la protection du dieu Fudo-Myo, dont les yeux sont peints en noir. Là encore se trouvent de nombreux temples d'un grand intérêt historique.

    Le plus proche est le Daien-ji, temple boudhique fondé en 1624. En 1772, il fut le point de départ du deuxième grand incendie d'Edo qui réduisit en cendres un tiers de la ville.
    Il ne fut reconstruit que soixante-seize ans plus tard, en guise de punition !

    Ce temple fut aussi le théâtre d'un drame qui inspira des pièces de Bunraku et de Kabuki.

    Une jeune fille de seize ans denommée Oshichi s'était refugiée dans le temple car sa maison avait brûlé, et elle tomba amoureuse d'un jeune garcon qui y travaillait, Kichiza.

    Le temps vint où sont logis fut reconstruit et ou elle dut quitter le Daien-ji. Incapable d'envisager la séparation avec celui qu'elle aimait, elle décidat de brûler sa nouvelle demeure.

    Prise sur le fait, elle fut mise aux arrêts et executée...sur le bûcher.

    Alors Kichiza renonca au monde et devint moine.
    Afin de prier pour le repos de l'âme de son aimée, il décida de marcher tous les deux jours jusqu'a Asakusa (40km) dix mille fois. Il mit cinquante-quatre ans pour accomplir son voeu !

    Le soir tombe. Dans quelques instants, on pourra entendre les crépitements des feux d'artifice de la Sumida qui annonce le début de l'été. Le ciel s'embrase de mille couleurs, et sur les balcons de leurs hauts immeubles, les gens poussent des cris d'admiration et tous font des projets de vacances.

    De plaisirs en plaisirs
    La Sumigawa
    Nous ouvre ses bras.


    ITINIRAIRES AQUATIQUES

    1- trajet en bateau mouche du parc Hama Rikyu jusqu'à Asakusa en passant par les onze ponts de la Sumidagawa, visite du temple Senjo-ji.

    2- Pont Sakurabashi, parc de Sumida, visite des sanctuaires de Mukojima, consacrés au sept dieux de la chance

    3- Quartier de Fukagawa et sanctuaire de Basho a partir de la Station de Morishita (ligne Toei-Shinjuku) ou de la Station Monzen-Nakacho (ligne Tozai). Musee de basho a 200 mètres du sanctuaire : Tel: (03) 3631-1448

    4- Promenade de la station d'Iidabashi à Ichigaya, repos au Canal Café

    5- Kudanshita (ligne Tozai) : parc de Kitanomaru, Chidorigafuchi, visite du jardin impérial, du Nihon Budokan, du Musée des sciences et du Musée d'art moderne.

    6- Rivière Kanda : à partir de la station d'Edogawabashi (ligne Yurakucho) jusqu'à Takadanobaba (ligne Tozai et Yamanote) , en passant par le parc de Chinzan-so, l'ermitage de Basho (Sekiguchi-Basho-an) Tél: (03) 3941-1145 et le parc d'Edogawa

    7- Rivière de Meguro : à partir de la station Naka-Meguro (ligne Hibiya) jusqu'à la station de Meguro (ligne Yamanote) : visite du temple Daien-ji