• Bilan de coupe du monde



    Voila comment Le journal Liberation voit le bilan de cette coupe du monde...

    Corée-Japon : 6-0
    Stades, logistique, ferveur, prix, coachs, retransmission: avant la finale, comparatif de l'organisation bicéphale

    Le compteur touristique des deux pays est en berne : le Japon, qui attendait 400 000 personnes, n'en a accueilli qu'environ 100 000. La Corée, un peu moins. <!--more--> Tokyo de notre correspondant<br />
    Pour une Coupe du monde, deux pays, promettait la Fifa. Un mois plus tard, à la veille de la finale de Yokohama, le premier bilan de ce Mondial soi-disant bicéphale démontre que deux compétitions parallèles ont eu lieu au Japon et en Corée du Sud. Avec leur lot de différences culturelles, logistiques, matérielles et journalistiques. Revue de détails.

    Séoul, maillot rouge

    Le jour où les hôtesses d'accueil coréennes quitteront leur maillot et leur tee-shirt rouge sera à marquer d'une croix sur le calendrier. Venu de Tokyo, où pas un calicot n'annonce la Coupe du monde, y compris à l'extérieur de la grande gare de la capitale, le choix vestimentaire en dit long sur la différence de ton et d'ambiance qui a régné ces dernières semaines dans les deux pays organisateurs. Impossible, à Séoul, d'échapper à l'empreinte textile de la compétition. Les victoires de la Corée du Sud ont transformé le pays en coquelicot. Réceptionnistes d'hôtels, hôtesses d'aéroports, guichetiers de banques, vendeurs et vendeuses... <br>La couleur rouge et le slogan «Be the reds» (Soyez rouges) sont devenus le nouveau mot d'ordre d'une population tellement entichée de ses joueurs que même les foyers de personnes âgées ont revêtu l'uniforme. Dix millions de tee-shirts ont été vendus, selon le Korea Times. Autant de badges rouges, portés par tous ceux restés fidèles au costume et au tailleur strict.

    La fièvre bleue nipponne, surtout visible lors des matchs du Japon (éliminé en huitièmes de finale) et confinée au centre des grandes villes et autour des stades, peut aller se rhabiller.

    Les coachs font mouche


    On croyait tenir le parallèle parfait. Deux équipes asiatiques coorganisatrices entraînées par des étrangers. Deux coachs au discours quasi identiques, qui mettent l'accent sur la condition physique, le mental, la nécessité pour leurs joueurs de savoir résister à la pression et aux grandes équipes. Et voilà que la compétition s'est mise à creuser le fossé entre les deux formations.
    Avec son équipe, le sélectionneur français du Japon Philippe Troussier a raccroché les crampons dès les huitièmes, après une défaite honorable face à la Turquie. Bref, rien de comparable avec, en face, le stratosphérique néerlandais Guus Hiddink, propulsé par la victoire des Diables rouges au rang de superstar, supermanager, supercitoyen. Troussier, l'élimination du Japon digérée, est à la recherche d'un emploi en Angleterre, en France ou ailleurs.
    Guus Hiddink, lui, plane au septième ciel. La Corée du Sud lui a offert une résidence balnéaire à vie sur l'île de Cheju, un passeport de citoyen d'honneur, une berline Hyundai de grand luxe et la nationalité (qu'il a déclinée). Cheju, paradis des jeunes mariés, prévoit de lui édifier une statue... au bord de la mer du Japon, la mer de l'Est pour les Coréens.

    Marathon des stades


    La décision d'implanter un stade est avant tout politique. L'organisation de sa desserte est en revanche logistique. On n'osera donc pas, par égard pour le géant nippon, comparer celle des deux stades des demi-finales : Séoul et Saitama (nord de Tokyo). Trente minutes de métro en moyenne du côté sud-coréen. Une bonne heure et demie et un casse-tête d'effroyables navettes et de tortillards de banlieue de l'autre, pour atterrir au milieu de rizières parsemées d'autoroutes. Mais Saitama possède un musée John-Lennon dans son Dôme directement connecté à une station de métro. Le choix ne se discute pas pour les supporters fans des Beatles.

    Séjour de haute facture

    Les Sud-coréens avaient un avantage de départ. Un repas coûte trois fois moins cher à Séoul qu'à Tokyo, et la facture d'hébergement peut facilement tripler de l'autre côté de la mer du Japon. Résultat : pas facile dans la capitale nipponne de trouver côte à côte des fans de Hong-Kong, de Chine populaire, de Taiwan ou d'Asie du Sud-Est. Le premier tour a lessivé les portefeuilles de tous ceux qui avaient tenté l'aventure japonaise. Résultat : le compteur touristique des deux pays est en berne : le Japon, qui attendait 400 000 personnes, n'en a accueilli qu'environ 100 000. La Corée, un peu moins. Les hôteliers japonais sont d'humeur maussade : affolés par les prix, les gros contingents de supporters anglais et irlandais se sont rués vers les hôtels bon marché de Sanya, un quartier populaire de Tokyo où vivent beaucoup d'ouvriers journaliers.

    Bonheurs quotidiens

    Une Coupe du monde Corée du Sud-Japon induisait : deux cartes de transport distinctes (Japan et Korea Rail Pass), des distributeurs bancaires nippons fermés pendant la nuit, des charters aériens annoncés et pas toujours au rendez-vous, une bimbeloterie Fifa facturée d'un pays à l'autre au même tarif astronomique (en dollars américains), des équipes recluses dans un cas comme dans l'autre, une multiplication des stades telle qu'il fallait parfois parcourir plus de mille kilomètres entre deux matches, deux langues différentes et considérées parmi les plus difficiles au monde, une pratique de l'anglais laborieuse malgré la bonne volonté des autochtones, des supporters locaux habitués à applaudir avant même que l'action n'atteigne la surface, deux centres de presse aussi déserts l'un que l'autre à Yokohama et à Séoul, des hooligans qui ne se sont jamais matérialisés et plusieurs centaines de milliers de policiers ravis d'avoir décroché une rallonge budgétaire inespérée.

    Ecrans plus ou moins grands

    Les Japonais devraient proposer à leurs élus de franchir plus souvent le détroit. Les Sud-coréens ont eu le loisir de regarder presque tous les matchs de leur sélection nationale sur des écrans géants installés au coeur des villes les plus importantes du sud de la péninsule. L'archipel a préféré consigner les fans démunis de billets devant leurs télévisions. On récolte la fièvre qu'on propage.