• Tanaka : La bravade

    Que peut-on retenir de Junichirô Koizumi un an après son arrivée au pouvoir ?
    Un certain style qui est - qui fut - à la base de sa popularité. Ne serait-ce que pas ses cheveux qui ondulent à la Bernard-Henri Lévy, il se distingue du tout-venant.
    Mais, s’il sut un temps captiver les Japonais, il le doit autant à sa capacité de manier le verbe qu’à son physique de jeune premier. Non pas qu’il s’exprime de façon posée et rationnelle. Il dispose indéniablement d’un don, celui de trouver des formules qui, laissant en suspens le raisonnement, exposent d’emblée la conclusion ; des sentences qui, proférées sur un ton péremptoire, n’admettent aucune objection. «Pas de reprise sans réformes», «des réformes qui font fi des sanctuaires», «si le Parti libéral démocrate tente d’étouffer les réformes, c’est moi qui l’étouffe» : tels sont les exemples d’une prise de parole qui, fonctionnant par bravade, eut une vertu cathartique auprès des Japonais, lassés de l’inertie de l’oligarchie au pouvoir. Mais voilà, le lien ténu qui liait le Premier ministre et les citoyens résidait dans la seule magie des mots ; en l’absence de mesures réelles accompagnant ses rodomontades, le charme n’opère plus. Junichirô Koizumi retrouve peu ou prou le statut qui était le sien il y a un an, celui d’un personnage atypique dans le paysage politique nippon. On pourrait en rire n’était le risque de voir les Japonais se laisser tenter par l’appel du pied que leur fait le populiste Shintarô Ishihara, pourfendeur, lui aussi, de la classe dirigeante établie. Un séisme à la française n’est pas à exclure ; espérons que les Japonais sauront défendre les valeurs de la démocratie dans les mois qui viennent, comme les Français l’ont fait dimanche en votant massivement contre l’extrême droite.

    Kazuhiko Yatabe