• La technique narrative du manga

    Calliope: Comment avez-vous découvert l'univers du manga japonais?

    Fabrice Neaud: Un peu comme tout le monde en fait, en 1988-89 avec la sortie des premiers fascicules d'Akira. A l'époque, il paraissait en livret de 56 pages souples, à l'américaine. Mais il se trouve qu'il y avait une étudiante japonaise dans mon cours qui possédait 3 tomes de la version japonaise. Là-bas, Akira était paru en receuil noir et blanc de 400/500 pages. Elle me les a donnés et je les ai lus. En fait on comprend très bien l'histoire sans les dialogues tellement c'est lisible. Il n'y a en fait que deux passages où le texte est vraiment important. Avec Akira, j'ai eu accés à une méthode de narration qui m'était jusqu'ici inconnue et j'ai découvert qu'on pouvait publier des pavés de 400/500 pages en bandes dessinée. Et pas mal de contrainte que je croyais constitutives de la BD se sont révélées n'être que des contraintes culturelles particulières. Par exemple je croyais auparavant qu'une scène ne pouvait se développer que sur 2 pages en vis-à-vis et j'ai découvert qu'elle pouvait courir sur 75 pages ou plus...

    Calliope: Ce n'est pas généralement ce que les dessinateurs retiennent du manga.

    Fabrice Neaud: Non, généralement, les auteurs retiennent des mangas l'utilisation de speedlines, le "style" manga, c'est-à-dire leur façon de codifier, de dessiner le corps, d'identifier les personnages, de décomposer les mouvements (cheuveux en épis, grand yeux, grandes bouches...). Finalement, ils ne reprennent du manga que ses tics. Moi ce qui m'a marqué, c'est la narration, le découpage, la possibilité de développer une scène autrement qu'en vis-à-vis de deux pages, en bref, de se décomplexer de notre rapport au temps qui est très sclérosé. Le manga m'a également ouvert sur la possibilité de substituer la mise en narration de situations à l'obligation de raconter une histoire.

    Extrait de l'interview de Fabrice Neaud, Calliope n°1-Juin-Juillet 2002.


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