• Frederic Boilet et la Nouvelle Manga

    On ne se pose pas la question de savoir ce qu'aurait pu donner un Godard ou un Truffaut à la bande-dessinée. Ainsi parle-t-on de cinéma d'auteur mais rarement de bande-dessinée d'auteur. Quant à évoquer le manga d'auteur en France.

    Pourtant, le domaine de la bande-dessinée en France comme au Japon est pourvu de véritables auteurs. Un français, Frédéric Boilet, vivant au Japon depuis 4 années, a décidé de créer le pont entre la bd franco-belge et le manga d'auteur. Pourquoi ? Simplement parce que dans les histoires et les problématiques évoquées, ces oeuvres revêtent un caractère universel.

    D'abord, effacer les a priori. Non, la bd ne doit pas seulement montrer la virtuosité d'un illustrateur. Avant tout, elle doit raconter une histoire. C'est d'ailleurs la source même du manga.
    <br><br>"Du" manga ? Ce terme est bien galvaudé en France: le manga, ce sont tous ces monstres et ces robots cyberpunks, ou ces personnages bizarres et enfantins aux pouvoirs colossaux ? Non, au Japon ce n'est qu'une infime partie des oeuvres éditées. C'est pour cela que Frédéric Boilet décide de changer le genre, dans les deux sens du terme: ce sera LA manga, un féminin qui, pour nous, évoquera certainement plus de sensibilité.

    Ce lien entre auteurs franco-belges et japonais, mérite bien un terme à part. "Le terme NOUVELLE MANGA est ainsi né au Japon pour définir mes histoires en images NI TOUT À FAIT BD NI TOUT À FAIT MANGA, et qui RAPPELLENT LE TON DU CINÉMA FRANÇAIS. ", nous dit Frédéric dans son manifeste.<br><br>Tel sera l'un des postulats de base. Nouvelle Manga, ou Nouvelle Vague de la bande-dessinée en générale, bande dessinée d'auteur, proche du quotidien, dont on a ôté les connotations de science-fiction et d'imaginaire qui habitent les bd franco-belges les plus commerciales, et qui finalement ne passent pas au Japon. En effet, ce pays connaît assez peu les pilliers que sont Moebius ou Bilal.

    Il n'est pas rare au Japon de voir un lecteur ému à l'évocation d'un passage précis d'une manga, de même que l'on peut être ému en se souvenant du passage d'un film ou d'un roman. La bande-dessinée est assez mature aujourd'hui pour permettre cela. L'émotion ne passe pas nécessairement par un univers féerique où des animaux imaginaires lancent des boules de feu, mais par des moments volés au quotidien, des rencontres fragiles, des lieux boulversants.

    Intimiste, la Nouvelle Manga n'est en rien élitiste. Bien au contraire, puisqu'elle sait toucher autant le lecteur occasionnel de bande dessinée français ou japonais. Un pont entre ces deux cultures s'est créé. Une nécessité: aucun éditeur français n'a aujourd'hui fait ce lien de manière efficace.

    "l'Epinard de Yukiko", manga parue à la fois dans les deux pays, en France aux éditions "Ego comme X", est une preuve flagrante de cette volonté. Le Japon de Boilet est proche de tout le monde, on ne remarquera aucun détail exotique... Ou si, l'exotisme est présent, mais aux travers de la cicatrice du personnage féminin principal, laissée par la varicelle et qui ressemble à Bora Bora, ou dans ce mystérieux "épinard" (hôrensô) qui s'avere être un charmant nombril (o heso) ! Le reste n'est qu'intelligence, émotion et intimité.<br><br>La richesse narrative de cette oeuvre pourrait être évoquée dans cet article. Le mieux est encore de découvrir une manga à part, qui échappe au systématisme de la BD franco-belge et des mangas japonais. Ainsi que le site de l'auteur: http://www.boilet.net