• Le premier événement médiatique mondial face à la menace terroriste

    Quel sera le véritable enjeu de la 17e Coupe du monde de football qui se jouera du 31 mai au 30 juin 2002 conjointement en Corée du Sud et au Japon ? Pour la première fois, le "plus grand événement médiatique au monde" est organisé dans deux pays différents. Pour la première fois, également, les rencontres vont être diffusées, en Europe et en Amérique, à des horaires qui sont, quoi qu'elles en disent, assez loin de satisfaire les chaînes de télévision et autres argentiers qui financent cette compétition.

    La Corée et le Japon réussiront-ils le pari de cette "double" organisation qui leur fut imposée par la Fédération internationale de football (FIFA) ? La FIFA transformera-t-elle en succès le défi d'avoir voulu donner une "chance" au continent asiatique ?

    Ces questions ont largement alimenté la chronique depuis la fin de la précédente Coupe du monde, qui eut lieu en France en 1998 ; depuis le tragique 11 septembre, elles sont passées au second plan. Jusque-là, les responsables coréens et japonais n'avaient qu'un casse-tête à régler en matière de sécurité : le phénomène du hooliganisme, qu'aucun des deux pays ne connaît vraiment. Désormais, si cette préoccupation demeure, les risques d'action terroriste sont devenus la priorité.

    Les organisateurs de la Coupe du monde ont beau se montrer rassurants et affirmer que la Corée du Sud et le Japon sont "les deux pays les plus sûrs du monde"(ce qui est vrai du point de vue du taux de criminalité), Yasuhiko Endo, qui dirige le comité japonais d'organisation, n'en reconnaissait pas moins, peu après les attentats perpétrés à New York et à Washington : "Nous devons faire face à une situation que nous n'avions jamais envisagée auparavant." La Corée du Nord, qui, depuis un demi-siècle, vit en état d'alerte en raison de la menace que représente le "frère ennemi" du Nord, paraît sûre d'elle. Peut-être trop, car sa police antiémeute, qui a l'habitude d'affronter les manifestants à coup de bombes lacrymogènes, peut être d'une rare brutalité.

    La police japonaise, en revanche, est moins bien préparée : depuis la fin des grandes luttes sociales des années 1960-1970 (contestation étudiante, bataille des paysans contre la construction de l'aéroport de Narita) et le repli du groupuscule terroriste Armée rouge vers le Proche-Orient, le Japon n'a plus connu de grandes menaces à l'exception, notable, de l'attentat au gaz sarin de la secte Aum dans le métro de Tokyo en 1995.

    PAS D'OMNIPRÉSENCE POLICIÈRE

    "La Coupe du monde peut devenir un cauchemar si l'on n'est pas préparé à toutes les éventualités", affirme Atsuyuki Sassa, ancien directeur du cabinet pour les affaires de sécurité, qui estime que le Japon est notamment en retard en matière de lutte contre le bioterrorisme. "On commence seulement à se réveiller", poursuit-il. Conscient qu'à l'étranger il paraît mal préparé à l'éventualité d'actions terroristes, le Japon ne veut pas pour autant tomber dans une omniprésence policière qui serait mal supportée par le public. Peu loquace jusqu'à présent sur son dispositif de sécurité, le pays en dira certainement un peu plus une fois que le tirage au sort aura désigné les différentes rencontres "à risques".

    Le monde, le 30/11/01