• L'aide comme instrument politique



    Malgré l'enthousiasme mesuré des japonais à l'idée d'aider les pays les plus démunis, le gouvernement poursuit une politique de plus en plus ciblée dans ce secteur.
    Lorsqu'en 1988, Takeshita Noboru, alors 1er ministre, annonça à ses partenaires occidentaux qu'il entendait faire du Japon le 1er fournisseur d'aide de la planète, il exprima le désir de faire profiter aux pays les moins développés des largesses financières de l'archipel. Mais il a aussi et peut-être surtout voulu faire de l'aide publique au développement (APD) un instrument diplomatique de premier choix grâce auquel le pays du soleil levant pourrait faire entendre sa voix.
    Au cours des années qui ont suivi, le Japon a régulièrement augmenté le montant des enveloppes allouées à l'aide au développement, permettant à certains pays comme l'Indonésie ou la Chine de se doter de beaucoup d'équipements, et à de nombreuses entreprises nippones de s'assurer des parts de marchés dans ces états sans qu'il ne leur en coûte trop. Les sommes gigantesques distribuées sans contrôles rigoureux ont souvent permis à des personnalités locales de s'enrichir comme en Inde, ou encore à des états de se servir de cet argent pour financer des programmes d'armement. Ces dérives ont souvent été reprochées aux responsables politiques japonais qui se voyaient également critiqués pour leur tendance à privilégier l'Asie au détriment d'autres régions du monde. Au fil des années, Tokyo s'est appliqué à améliorer la "qualité" de son aide au développement en mettant en œuvre plusieurs réformes, notamment au niveau de sa gestion et du contrôle de sa répartition.

    Outre l'adoption en 1992 de trois principes selon lesquels l'ADP japonaise était conditionnée à la prise ne considération de l'équation "environnement-développement", aux respect des droits de l'hommes dans les pays bénéficiaires et à l'usage strictement civil des sommes allouées, le Japon a décider de réformer un certain nombre d'organismes publics chargés de gérer ses programmes d'aide afin de répondre aux critères de qualité exigés par les organisations présentes sur le terrain. Les résultats obtenus ne sont peut-être pas à la hauteur de toutes les attentes, mais force est de constater que les efforts entrepris ces 3 dernières années ont contribué à modifier de l'APD japonaise.

    En se concentrant sur les critiques -fondées pour la pluparts- qui concernaient la façon dont l'argent était utilisé, on a finit par oublier que le premier objectif des autorités japonaises était de faire de l'APD un instrument essentiel de sa politique étrangère et que, l'air de rien, elles y parvenaient. Au cours des dernières années, le Japon a utilisé l'APD à plusieurs reprises comme moyen de pression sur les états qui mettaient en péril la sécurité internationale comme l'Inde ou le Pakistan lorsque ceux-ci se sont lancés en 1998 dans une campagne d'essais nucléaires. Il en va de même avec le changement d'attitude du Japon vis-à-vis de l'Afrique. La première visite d'un chef de gouvernement japonais en Afrique subsaharienne au début du mois de janvier 2001 est révélatrice de cette évolution. Tokyo répond ainsi aux reproches qui lui ont été faits concernant sa tendance à privilégier l'Asie. Aujourd'hui les sommes versées par le Japon au continent noir représente 10% du montant total de son aide au développpement, ce qui le place au 2ème rang, à égalité avec l'Allemange et les Etats-Unis , mais loin derrière la France dont cela reste le domaine réservée. L'intérêt renouvelé de Tokyo pour l'Afrique s'explique également par le désir de s'assurer le soutien de ces pays dans sa quète d'un siège permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU. Sans eux, le Japon aura bien du mal à atteindre son objectif onusien. C'est pourquoi il ne ménagera aucun efforts pour venir en aide à l'Afrique l'a rappelé l'ancien premier ministre lors de sa tournée africaine. Le Japon organisera d'ailleurs en décembre prochain une troisième conférence de Tokyo sur le développement en Afrique (TICAD III), faisant suite à celles qu'il avait accueillies en 1993 et 1998.<br>
    Malgrè la réaffirmation de l'importance de l'APD à la fois pour les pays en développement et pour la politique étrangère, de nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui dans l'archipel pour demander un ré-examen de l'engagement japonais dans ce secteur, le justifiant par les difficultés économiques du Japon et par la nécessité de faire des économies budgétaires. C'est le cas de Kamei Shizuka, un des principaux responsables du parti libéral démocrate, qui a réclamé à l'automne dernier une baisse de 30% du budget alloué à l'aide au développement. Cette prise de position trouve un echo assez favorable dans l'opinion publique.

    Selon une enquête réalisée par le Bureau du gouvernement, 27,1% des personnes interrogées souhaitent une réduction de l'APD, le pourcentage le plus élevé depuis 1977, date de la première enquête sur le sujet. Cela illustre le changement d'attitude d'une opinion publique plus soucieuse désormais des problèmes intérieurs que des difficultés rencontrées dans d'autres pays. Toutefois le Japon ne peut pas se permettre une telle remise en cause, mais peut essayer de réformer le fonctionnement de l'APD, celle-ci étant gérée par de nombreuses entités plus ou moins bien contrôlées. L'Agence de coopération internationale (JICA) qui dépend du ministère des affaires étrangères serait la plus à même de prendre en main la gestion de l'aide mais son action est souvent entravée par un manque de moyens et de coordination avec les autres organismes habilités à fournir une aide aux pays demandeurs. En renforçant les liens avec les organisations non gouvernementales présentes sur place, Le japon assurera une meilleure visibilité à son engagement, ce qui facilitera également son acceptation par le public japonais.

    Le montant des aides internationales en 1999:
    Japon : 15,3 Milliards de $
    USA : 9,1 Milliards de $<
    France : 5,4 Milliards de $
    Allemagne : 5,4 Milliards de $
    Royaume Uni : 3,2 Milliards de $

    Tiré du Japoscope 2001