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Afficher la version complète : Oeuvre littéraire Japonaise - Homo Japonicus de Muriel Jolivet



Catinus
24/03/2005, 17h20
Voici un ouvrage de sociologie.
Muriel Jolivet prend son parti. Elle décrit et dénonce, tambours battants, les travers de la société japonaise contemporaine.
Cet ouvrage - remarquable - compte 570 pages. J'en ai fait le tri en me référant à la liste des chapitres et me suis limité à la lecture des deux tiers.
Cette description du Japon est extrêmement effrayante. Un leitmotiv : la perte de toute référence.
Pour simplifier ce qui se voudrait être un résumé ou une critique, j'épinglerai quelques passages :

°°° La pauvre vie des salariés japonais.
°°° Le test de " l'âge où les maris deviennent encombrants " ( texto : Votre travail est votre seule raison d'être - Vous n'avez aucun passe-temps - Vous ne communiquez pas plus avec votre femme qu'avec vos enfants. etc.... )
°°° Test : " Qu'aimeriez-vous dire à votre famille ? ( texto : Je voudrais que ma femme augmente mon argent de poche - Je voudrais avoir le droit de dire " Je n'en peux plus ! ". etc... )
°°° Quelques beaux cas de karôshi ( mort par surmenage ).
°°° Buts recherchés par les femmes et les hommes.
°°° Le quartier de " Sanya, last exit ", un ghetto pour ceux qui ont tout lâché, qui n'existent déjà plus.

Vous l'avez compris, Muriel Jolivet nous parle ici des enchaînés à leurs entreprises, les innombrables victimes de la recession.
Et pour couronner le tout, on y retrouve çà et là, des propos plus qu'accablants sur la société japonaise.

En aparté : si vous avez une haute considération pour le Japon et de tout ce qu'il entraîne avec lui, gardez vos illusions et ne lisez surtout pas ce livre.
Pour ma part, il m'a enlevé tout désir d'y mettre les pieds un jour.
Je me contenterai de la Belgique, de Londres, de New York ( only ! ) et de Rome. Point / barre !
Mais je cultiverai toujours cette découverte de la part la plus exceptionnelle, à savoir la culture prodigieuse de ce pays bien étrange ...

Tanaka115
24/03/2005, 19h14
Je connais bien ce livre pour l'avoir étudié pas mal pour mon mémoire.

Effectivement c'est une belle somme de travail et un ouvrage captivant et documenter.
Néanmoins il faut savoir prendre ses distances : tous les japonais ne rentrent pas dans ses cases...

Il reste cependant que le livre est hautement recommandable.

PS : Tu vois Catinus on peut s'entendre parfois ! :D

ToyamaNoKinsan
24/03/2005, 19h38
Catinus a ecrit:

°°° Le quartier de " Sanya, last exit ", un ghetto pour ceux qui ont tout lâché, qui n'existent déjà plus.
Je ne te comprends pas, en tapant "Sanya" sur Google, j'ai trouve cette photo... Tu parles d'un ghetto pour exclus de la Societe...

http://www.chinatouren.net/Chinareisen/Sanya-xianrenzhang_cactus_hotel.jpg
Source: http://www.chinatouren.net/Chinareisen%20Hotels%20in%20Hainan.htm


Plus serieusement, il est vrai que la Societe japonaise peut-etre dure, voire cruelle. Mais comme tous les pays, a quel degre et avec quelle frequence, c'est ce qui reste a determiner.

Une chose est certaine, c'est que le Japon moderne offre relativement peu d'attraits intellectuels a l'etre humain (voyez le faible nombre de musees, leurs petites surface, le prix d'entree, le nombre de cinema et le prix de la place, etc.) et ce n'est certainement pas pour rien que tant de jeunes japonais se saoulent quotidiennement de mondes virtuels (cosplay, manga, jeux-videos ultra-rapides) et qu'une grande partie des japonais se repandent dans le monde d'un bout a l'autre de l'annee.

Ceci dit, ce pays dispose encore de beaux restes pour qui sait chercher, et pour qui sait attendre l'evenement comme le pecheur attend son poisson. Par ailleurs, il est indeniable que les japonais ont encore une grande attirance pour les arts, les choses raffinees de la table, et ont entre leur main en heritage ancestral, l'amour de la chose bien faite qui se retrouve encore dans un artisanat de grande qualite et dans une certaine mesure, dans les productions industrielles actuelles... Bref, du bon qui tempere certains cotes inhumains de la Societe japonaise, et qui explique que tous les japonais ne se sauvent pas en courant de leur pays, ou se pendent a une branche de ginko.

Donc tout n'est pas bon, et tout n'est pas a jeter non plus. Mais il est certain que pour ceux qui ont frole d'une maniere ou d'une autre Sanya, le Japon, c'est l'enfer...

http://www.macalester.edu/courses/geog61/ksingh/homeless.jpg
Le vrai Sanya

suppaiku
29/03/2005, 11h15
Toyama a bien raison... je suis allé au cinéma à plusieurs reprises en janvier, à Tôkyô, et hormis que ce soit hors de prix, bonjour les daubes... :cry: Musées hors de prix également, conservation des objets genre "années 50", c'est à dire avec poussière et saleté d'origines pour recouvrir des couleurs en décrépitude. Enseignement culturel destiné à distraire en socialisant (les clubs au lycée ou à la fac) ou à endoctriner (les trons devant les statuts bouddhiques des musées à Nara).
Une société où l'ennemi est d'abord l'ennemi intérieur, c'est à dire celui qui sort du groupe.

Le livre de Murielle Jolivet (déjà longuement débattu, peut être plus de 50 posts) est extrèmement intéressant.
Mais attention, ce n'est pas un réquisitoire. Pas du tout, et elle l'ecrit elle même dans son introduction. Murielle Jolivet, à travers la méthode du questionnaire, dévoile les marges de la société afin de mieux définir la société elle même. Et à ce titre, comme toute enquète, l'enquète est porteuse de ses propres insuffisances. Ainsi, Murielle Jolivet confond, comme beaucoup de gens, transexualité, transformisme et homosexualité : la partie sur ce sujet a eu pour principal effet de me faire fermer ce livre pour environ 6 mois, révolté par la bétise même de son angle d'attaque. Ensuite, mettre en avant comme elle le fait de véritables marginaux qui passeraient également pour tels dans une société aussi libérale que la société française est très limite. Le peintre de Shinjuku, le fleuriste du lycée... faut pas abuser, on a les mêmes chez nous, qui diront la même chose sur la société...
Mon plus grand "plaisir" a été l'étude sur le quartier de San'ya, justement.
Ce livre est intéressant si on y cherche d'abord les ressemblances avec notre propre société. Car c'est alors seulement qu'on apperçoit ce qui ne ressemble pas, et le cas de San'ya est très révélateur des dissemblances.
Il y a autant de SDF ici que là-bas, et autant d'indifférence ici et là-bas. Ce qui est très différent, c'est la tentative, chez les SDF Japonais, de reproduire une société, de se regrouper, de travailler quand même. Ici, les individus errent, solitaires ou en bande de 2 ou 3, avec leur chien. A travers ce type de différence, c'est la société elle meme qui se révèle.
Sinon, si des Japonais meurent de mort au travail, les Français sont les premiers consommateurs de tranquilisants et autres somnifères...

Il ne faut donc pas faire dire à Murielle Jolivet ce qu'elle ne dit pas. Elle intérroge la marge pour dévoiler la "normalité". La même enquète sur la société française révèlerait des résultats à première vue tout aussi effrayants.

isri
29/03/2005, 13h27
J'ai lu ce livre de Muriel Jolivet avec beaucoup d'intérêt il y a à peu près un an.
Je suis tout à fait de l'avis de suppaiku. J'ai vu la même chose qu'à San'ya à San Francisco, à Marseille et à Paris. On verrait la même chose à Londres ou Berlin sans doute. Ce n'est pas simplement une mise en cause du système japonais que fait Muriel Jolivet !
J'ai aimé ce livre car il pousse à réfléchir sur notre société. Demandez à ceux qui sont licenciés s'ils ne se sentent pas aussi quelque part des "Homo japonicus"...

Guijojo
27/07/2008, 16h37
Je viens de finir ce livre après avoir lu "Japonaises, la révolution douce" d' Anne Garrigue. J'ai vraiment été surpris dans un premier temps par l'analyse , mais on retrouve certain de ces problèmes dans chaque société sans doute au japon cela est plus mise en avant lié au temps de travail quand France bien que certain cadre français non rien a envier aux japonais