PDA

Afficher la version complète : Jardin Japonais - Jardins extrême orientaux



niwa
22/11/2004, 19h59
Bonjour
Fraîchement inscrit sur le site, j’ai lu avec intérêt tous les posts (questions/réponses) sur le jardin japonais, zen…
Difficile d’exposer en quelques lignes l’essence même du jardin extrême-oriental. Etant passionné et concepteur de jardins d’inspiration zen (kare sansui), j’aimerai apporter quelques indications, notamment sur les idées reçues, et ce malgré mon modeste savoir sur la question.

Avant propos de Gérard Chauvin : Ces dernières années, l’art des jardins en Extrême-Orient a fait l’objet d’ouvrages divers dont le principal mérite tient souvent à la richesse iconographique. Toutefois, malgré une certaine volonté de prise en compte des sciences traditionnelles, ces travaux honnêtes et bien documentés sous-estiment de façon chronique les fondements symboliques de l’art. Or, une œuvre est légitime lorsqu’elle est conforme aux principes qui régentent la « matière cosmique », et qui se dévoileront lorsque l’artiste ou l’artisan s’orientera intérieurement vers le ciel de l’inspiration créatrice…
Ainsi, il y a un art des jardins en Extrême-Orient, qui jamais n’a fait école dans d’autres cadres de civilisation, et il serait aussi arbitraire qu’illusoire de prétendre l’en dissocier.
Pour cette raison et malgré l’usage, il nous semble quelque peu impropre de parler de « jardins japonais » en France, ou ailleurs dans le monde…On devrait plutôt utiliser les expressions de « jardins japonisants », ou « d’inspiration japonaise ».

Idem pour les aménagements modernes qui se sont développés ces dernières décennies au Japon, inefficacité spirituelle qui caractérise ces aménagements.

L’œuvre n’est plus comprise comme un symbole, c’est à dire comme le reflet visible d’une réalité intérieure cachée. Cela tient au relâchement général en matière d’études des doctrines traditionnelles et des principes qui en découlent (Sakuteiki) : les maîtres de l’art manquent ou sont incompris.

Les matériaux employés sont trop souvent non conformes à leur vocation, quand ils ne sont pas impropres à l’art. L’élaboration d’un pseudo-rocher en béton, rappelant vaguement la pierre Horai…est une imposture ; on se doute d’ailleurs qu’elle n’exige guère de compétences ! Traitements chimiques sur les pierres, enterrées plusieurs mois afin d’engendrer un vieillissement artificiel…

Sont ignorées les règles de temps et de lieux, ainsi que les principes régissant les éléments naturel…

Les créations contemporaines, toujours approximatives et trop souvent difformes, n’ont même pas forcément le mérite d’apporter une consolation, car elles sont sans racines et n’évoquent pas grand-chose.




Le jardin zen : la montagne artificielle est composé de blocs rocheux aux multiples formes et dont la disposition (jusqu’au minuscule grain de sable) ne doit rien au hasard. On tient compte de nombreux critères, variété de la pierre, son aspect, sa couleur, son grain, les lignes de force de ces arêtes, les angles d’inclinaison, les relations entre les pierres, les volumes, etc. Les ouvrages anciens indiquent les dispositions les plus appropriées et répertorient les types de pierre, par exemple en fonction de leur origine ou de leur destination. Viser toujours a équilibrer les volumes à partir de perspectives déterminées, l’apparent désordre des différentes parties devant concourir à l’équilibre de toutes choses qui signifient un certain statisme, pesant pour l’âme. Ces règles impliquent que le retrait ou l’adjonction arbitraire d’un bloc rocheux, son emplacement ou une modification de sa position, auraient pour effet une rupture d’harmonie, et pas seulement d’un point de vue esthétique.
Le non-respect des règles de construction peut entraîner une réaction des esprits vitaux des lieux, comme ceux des éléments rapportés. Chaque site possède une essence propre qu’il convient de conserver, et cette ligne directrice doit transparaître.
Exemple : les pierres ont une tête et un visage ; une face frontale, une face droite et gauche, de dessus ; d’où l’observation soigneuse de la position qu’elles occupent dans le lieu de leur extraction. En aucun cas on ne doit dresser de pierre tête en bas, ou face de dessus contre terre… « l’âme de la pierre serait perturbée »…De même que pour l’agencement des pierres, des règles similaires sont applicables aux végétaux ainsi qu’a l’ensemble du jardin…




Dans le jardin extrême oriental, plusieurs facteurs autres que purement esthétiques jouent un rôle crucial, dont les jardins occidentaux ne tiennent généralement pas compte. Beaucoup de préceptes religieux (shintoïste, taoïste, et bouddhiques, surtout zen), est c’est précisément cette dimension « spirituelle » qui distingue souvent les jardins japonais des jardins occidentaux. Le moine En no Enjari connaissait la tradition secrète « Je suis en possession de ses écrits. Bien que j’en aie étudié et, à ce que je crois, compris les principes, leurs dimensions est si profonde et inépuisable que je ne pourrai jamais les posséder totalement. De plus, il se trouve que les hommes qui comprennent ces choses aujourd’hui se font rares… »

C’est la raison pour laquelle il est important, avant de se lancer dans cette « aventure », d’étudier en profondeur les principes fondamentaux (espèces végétales, histoire, principes religieux, cosmogonie, règles d’agencements – Sakuteiki), notamment dans le jardin zen et comme son nom l’indique - la pratique du zen s’avère nécessaire !

Cependant, l’idée de Naginata concernant le stage de 15 jours au Japon est intéressante dans la mesure où on est certain des compétences de la personne qui dispense l’enseignement sur l’art des jardins, et dans le meilleur des cas 2 semaines suffiront à peine à engranger les principes de base pour construire un « jardin japonisant » chez soi.
L’idéal serait de suivre l’enseignement d’un véritable maître des jardins japonais, 7 jours sur 7, pendant plusieurs années. Or, c’est loin d’être à la portée de tous (volonté, manque de temps et de moyens) !

Quant aux ouvrages français sur les jardins japonais, ils sont intéressants et très bien documentés pour une approche historique, philosophique, végétaux…mais ne présente pas d’étude approfondie. Par contre si vous avez la chance de le trouver, cité par Naginata : l’incontournable voir l’indispensable pour la création du jardin japonais reste sans conteste le Sakuteiki, livre secret des jardins japonais de Pierre et Suzanne Rambach – éditions Skira 1973, ou le De la création des jardins (traduction du Sakuteiki, texte présenté, traduit et annoté par M.Vieillard-Baron, illustré par Sylvie Brosseau ». Maison Franco-Japonaise, Tôkyô).

Je vous rassure j’ai pas la science infuse, ni ne prétend exercer dans les règles de l’art…mais…Passionné tt simplement ! :D

Si je peux apporter une modeste contribution, c'est avec plaisir :!:

Niwa

skydiver
24/11/2004, 15h04
Grand merci Niwa. Tes explications m'ont appris plusieurs particularités des jardins japonais.

Naginata
25/11/2004, 10h46
merci à toi Niwa

niwa
26/11/2004, 12h40
Le plaisir d'apprendre bcp aussi de mon côté, car le site dans son ensemble est synonyme de qualité et de serieux, je dois à mon tour vous dire un grand Merci !

Au plaisir :D

niwa