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Afficher la version complète : Oeuvre littéraire Japonaise - L'epée reine, Olivier Gaurin



tcha
03/11/2004, 16h34
Avez vous lu L'epée reine d Olivier Gaurin ?

Ujisato
16/11/2004, 18h48
Bonjour.
Je viens juste de le commencer.
L'ouvrage a l'air très documenté, l'auteur connaît son sujet (cf ses références universitaires assez parlantes), et je trouve le choix d'une approche franco-japonaise intéressant et bien géré.

Je reviendrai en parler après lecture, ne présageons de rien... :wink:

tcha
17/11/2004, 07h39
j'ai hate de connaitre la suite :D

Ujisato
17/11/2004, 09h49
Merci de ton interêt :wink:.

Je signale également qu'Olivier Gaurin a été interviewé par la rédaction de Jipango, un magazine gratuit diffusé sur Paris. Disponible un peu au hasard, dans des boutiques spécialisées et restaurants.

Ujisato
13/01/2005, 08h32
Comme promis, ma critique du roman, bientôt en ligne sur le site du clan (voir signature :wink:)

:idea: Ô-Tsurugi, l’épée-reine
A la croisée des mondes…
Olivier Gaurin & Goto Muriaki

« Parce que celui qui triche n’apprend qu’à tricher toujours plus encore, sans jamais savoir s’il triche ou non, tandis que celui qui ne triche pas, apprend la vérité, même celle de la tricherie. »
Pythagore in Ô-Tsurugi

Japon, 1998. Dans la moiteur estivale des rues de Tokyo, un costume-cravate vide de sens et d’humanité déambule en titubant, sous le regard paternel de son chef de service, habile entremetteur dans la grande tradition nippone. Ce costume, cet anonyme, c’est Asano. Quelques instants plus tard, le voilà qui s’affale lourdement sur la banquette d’un bar sordide. La serveuse n’est pas farouche. Un air de poisson sec ? Qu’importe le flacon, son chef lui offrira comme un vulgaire cadeau d’entreprise, que le petit fasse ses armes avant les noces. Asano tombe, sombre, puis se réveille. Un mot sur la table de chevet : « Ne pénétrez pas dans la pièce traditionnelle ». Parfum d’interdit, appel de l’ombre, Asano entrouvre le shoji, et se laisse happer par l’attraction de ces deux lourds paquets. L’un contient un Daïsho, une paire de sabres magnifiques, le second un mystérieux coffret, au centre duquel est lové un minuscule miroir. Mais ce reflet n’est pas le sien, un œil noir, résolu, fulminant, le transperce, Asano s’effondre à nouveau. Le voyage peut commencer…

1598. Toyotomi Hideyoshi, le singe, le puissant Taïko, second unificateur de l’Empire, tient dans sa poigne de fer les rennes du Japon. Se sachant sur le déclin, il confit à deux jeunes hommes une mystérieuse mission, une impossible quête : veiller sur sa maison une fois le maître passé dans l’au-delà, protéger Hideyori, l’enfant, le prince, l’héritier si vulnérable. Le premier des Samuraï, Tombo la libellule, Jizô la félicité, est charpentier : il sera le bâtisseur. Le deuxième est un guerrier de haut rang, Kuromatsu le pin noir : il sera le chevalier, le protecteur. Mais le destin en a décidé autrement : ces deux-là se feront la guerre avant de trouver leur voie. Aveuglé par la vanité, Kuromatsu pourchassera Jizô jusqu’aux confins du monde, par-delà les océans, avant de refermer le cercle des errances au pays des dieux.

Olivier Gaurin est un Samuraï. Aïkidoka reconnu, déjà auteur de plusieurs ouvrages sur le thème des arts martiaux, le voici qui s’essaye au roman, pour nous convier à un fascinant périple entre Orient et Occident, entre passé et présent, rêve et réalité, vrai et faux, guerre et paix, et presque tout ce qui fait l’humanité, de l’ombre et de la lumière. Traçant son chemin entre un démiurge tel que le professeur Tolkien et Yoshikawa, le grand conteur de la vie de Musashi, il invoque les mânes de mondes oubliés : Merlin, Pythagore, Boudha, le philosophe et théologien Giordano Bruno, Henry IV, la reine Margot et les Daimyô du Sengoku-jidaï, l’âge des provinces en guerre. Comment réussir un tel tour de force ? En s’affranchissant des conventions, en s’écartant des sentiers battus pour suivre un parcours initiatique étrange et rafraîchissant, qui évoque dans ses turpitudes géographiques L’incroyable voyage du Samuraï Hasekura, le roman d’Endo. On regrettera néanmoins que cette érudition, brillante, humaniste et sensible, se perde trop souvent dans une mystique confuse et verbeuse qui écarte parfois le lecteur du postulat fondateur, celui d’une foi, d’une philosophie puisant dans les racines même de l’histoire humaine, dans un tronc commun fondamental, une source qui aurait abreuvé les prophètes et guides de tout temps, druides ou rabbins, bonzes ou templiers, et atteint son plus haut degré d’accomplissement dans la Voie du Samuraï. La transcendance divine par la perfection du geste. L’idée ne laisse pas de séduire, mais si les arguments font mouche, il faut les cueillir avec délicatesse et attention pour ne pas sombrer dans des abymes de creuse éloquence. On se prend donc à songer que l’auteur, dans un paradoxe étonnant, trahit son propre discours en oubliant que la littérature est elle-même une ascèse à part entière, non moins exigeante que celle du sabre. Déception aussi quant au dénouement final, qui pour être inattendu, trompe également le thème central en s’accommodant d’un raccourci illusoire : l’espoir ténu d’une conscience préservée dans la chaîne éternelle des réincarnations. Dommage, vraiment.

Rendons cependant justice à Olivier Gaurin d’avoir si bien percé à jour l’âme japonaise, dans sa grandeur comme dans sa petitesse, et gageons que les lecteurs se souviendront longtemps encore de ces pages sublimes plongeant dans les méandres de l’esprit visionnaire de Tokugawa Ieyasu, et dans les affres d’un Hideyori tragique couronné de cette aura désespérée qui, au Japon, a toujours élevé un homme au panthéon des héros*.

*NDLA : Lire à ce sujet le brillant essai professeur William Morris : « La noblesse de l’échec »

Ujisato