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Afficher la version complète : Dorama Le dorama, miroir de la société ?



TB
11/12/2008, 21h47
« J'ai termine un dorama avec Kimura Takuya, Concerto (1997). Je suis toujours frappe par certains evenements dans les doramas. Imaginez un architecte de renom, qui dessine une bibliotheque prestigieuse et qui se voit retirer toute responsabilite sur l'ouvrage sur decision personnelle d'un entrepreneur. Le Japon ignorerait il les droits d'auteurs ? Les rapports sociaux seraient ils ignorant des legislations ? Ce qui est frappant dans les doramas est le degre d'acceptation. La police qui n'arrive qu'apres un carnage et n'arrete personne, les coupables qui attendrissent les policiers, les victimes prises a parti et suspectees de porter une part de responsabilite dans ce qui leur arrive... C'est un portrait sans complaisance (bien involontairement) sur les disfonctionnements de toute la societe que les doramas montrent a l'oeil de l'etranger. Une societe de lachete paree de bons sentiments suintants ou personne ne fait confiance a personne et ou les crimes des "dominants" s'amendent avec les annees et les regrets, au mepris total des victimes soumises. Il y a des fois, je me demande si les jeunes qui ne sortent pas de leur chambre (estimes entre 5 et 10%) ne sont pas les plus normaux. A l'ecole, l'intimidation commence tres tot. Brimades, bousculades, mepris : l'ijime (harcelement) est la norme dans une societe qui fait de la vie en groupe la base meme de l'identite des individus. [...]

Au Japon, un eleve victime d'ijime est ostracise. Kusai !, il pue... Shine !, creve... Vous imaginez, a sept ans, huit ans... Les informations regorgent de ces faits divers d'enfants assassines par d'autres enfants, d'enfants qui se suicident, parfois en groupe apres s'etre donne rendez vous sur un site internet... Les medias s'interrogent sur les moyens de proteger ces enfants, mais tres souvent l'ijime est vu comme une faiblesse de la part de celui qui en est victime, qui s'enferme alors encore plus dans sa honte. Un jour, il/elle ne peut plus aller a l'ecole, s'enferme a la maison dans une depression nerveuse d'adolescent (les pires), faisant porter le poids de la honte sur la famille entiere.

Bien entendu, ce n'est pas une categorie dominante au Japon, mais c'est un phenomene typiquement Japonais. En Europe, l'ijime frappe avant tout les jeunes homosexuels et n'est pas, heureusement, aussi socialement admis qu'au Japon. L'ijime, ici, se continue ici sous des formes divers dans l'age adulte. Le groupe fait pression sur celles et ceux qui ne sont pas maries. On ostracise les meres celibataires et les divorces (qui finissent par demissioner de leur entreprise tant la pression est alors insupportable : travail degradant, surtravail, blames, exclusion des activites du groupe, etc) ainsi que leurs enfants quand la situation s'ebruite parmi cette force sociale de la conservation, les "meres" (certaines ecoles demandent au parent de retirer leurs enfants pour ne pas ternir l'image de l'etablissement). La encore, bien entendu, les exceptions existent, mais ce penchant de la societe et du groupe de s'immiscer dans la vie des individus est le plus fort, meme dans une ville comme Tokyo. Ainsi, il y a 15 ans, une manager japonaise a Paribas Tokyo a ete menacee d'etre renvoyee apres qu'elle eut divorcee car, d'apres le directeur, Japonais, elle salissait l'image de la maison. Elle a pu heureusement obtenir une mutation a Londres, elle s'est remarie et... elle a remplace celui qui voulait la renvoyer. Sa chance etait de travailler pour une grande entreprise internationale.

La passivite des individus dans les doramas ne laisse de me surprendre. J'y vois un reflet, bien involontairement compose, d'une societe ou le plus fort domine le plus faible, ou le plus faible se sent responsable, voire coupable de sa situation et ou la masse intermediaire tente par tous les moyens de ne pas basculer dans le camps des plus faibles en acceptant les mariages arranges, les heures supplementaires non remunerees, les soirees karaoke avec le chef qui chante mal et le dernier metro manque, les enfants qu'on ne voit jamais parce que le chef veut qu'on aille aussi travailler le samedi, les ecoles de bachotage qui accueillent les eleves de 18 heures a 22 heures et coutent une fortune que les parents paient quand meme parce que si on ne le fait pas ni les voisins ni les camarades de classe ni les autres parents d'eleve ne les comprennent... » — Lu sur le blog de Suppaiku (http://suppaiku.blogspot.com/2008/12/et-revoila-une-nouvelle-semaine.html).

christian
11/12/2008, 23h07
Qu'en penser? D'une part nous avons une question (les dorama sont ils le reflet de la société) et une illustration (ou mise en lumière) de certaines parties de ce reflet avec l'excellent texte de suppaiku.

Sur la question générale, je crois que toute fiction comporte une part de reflet de la société dont elle est issue, mais qu'effectivement ce fait a l'air plus prégnant dans les doramas: certaines de ces fictions (car la plus part restent quand même uniquement du divertissement) des questions de société très variées.

Pèle mêle de thèmes pas franchement évidents et courageux à aborder (plus innovants que les thématiques des séries française, peut-être): boku no aruku michi (intégration dans la société d'un autiste), mahiru no tsuki (comment surmonter l'épreuve d'un viol),etc...

Il me semble par contre que certains thèmes ne restent jamais abordés tel tous ceux qui concernent les étrangers ou personnes d'origine étrangères et leur vision de l'intérieur...

EDIT: Dans les dorama, l'apparition des personnages étrangers sont surtout: le touriste (voyage d'affaire ou d'agrément) qui demande son chemin (fukumaru ryokan, meguri ai)... Une fois dans sentô no musume un black qui semble habiter dans le coin et parle toujours en anglais dans un bar d'amis. La communication ne se fait pas. L'autre reste un visiteur extérieur (touriste, stagiaire, professeur).

Les absences de traitement de sujet reflêtent aussi une société...

pichan
13/12/2008, 17h46
Comme tu disais Christian pas de gaijins dans les drama (en tout cas je n'en ai jamais vu).
Les Japonais ne sont ils pas près à aborder toutes les questions qui dérouleraient de leur présence dans les dramas (couples mixtes, racisme, grosses drague des étrangers...) où plutôt est ce que la télévision japonaise préfère réserver les rares gaijins vus à la télé à des émissions de "divertissement" où on se moque de leur japonais ?
Les gaijins qui parlent assez bien japonais pour jouer dans un drama existent pourtant.

Heiho
14/12/2008, 13h39
« J'ai termine un dorama avec Kimura Takuya (...)les autres parents d'eleve ne les comprennent... » — Lu sur le blog de Suppaiku (http://suppaiku.blogspot.com/2008/12/et-revoila-une-nouvelle-semaine.html).

TB porte-parole de Suppaiku en France ;)


Comme tu disais Christian pas de gaijins dans les drama (en tout cas je n'en ai jamais vu).


Tu trouveras un prof d'anglais dans My Boss My Héro par exemple

christian
14/12/2008, 14h46
Mais le prof d'anglais est justement là pour enseigner sa langue, non? Il n'est pas montré inséré dans la société, si? (je n'ai pas vu ce dorama). Parle-t-il japonais?

Heiho
14/12/2008, 17h15
Mais le prof d'anglais est justement là pour enseigner sa langue, non? Il n'est pas montré inséré dans la société, si? (je n'ai pas vu ce dorama). Parle-t-il japonais?

Oui il est prof d'anglais ce qui parait assez évident, il n'a pas non plus un rôle très important certes mais on peut tout de même l'entendre parler japonais :-D

christian
14/12/2008, 18h55
Je parlais, du point de vue de sa fonction dans l'histoire: un forgeron est là pour forger et un professeur pour enseigner sa langue, bien sûr. Mais utiliser ces personnages dans une intrigue n'est pas vraiment neutre: ils ont une fonction.

Ainsi du professeur d'anglais étranger: pourquoi ne pas choisir un professeur half ou japonais mais connaissant très bien la langue? Je crois que derrière les réponses que l'on peut y apporter on trouve la portée, la fonction du personnage dans l'histoire.

EDIT: on pourra sans doute énumérer plein d'autres dorama (je n'en ai pas vu beaucoup) où il existe des rôles de personnages étrangers comme le dit shigu en dessous, mais pour moi il n'ont que fonction de décors et non un rôle essentiel, participatif dans l'intrigue.

Shigu
14/12/2008, 19h59
Comme tu disais Christian pas de gaijins dans les drama (en tout cas je n'en ai jamais vu).

Un français dans Hana Yori Dango....parlant français.
Un autre français dans un autre dorama, avec Konishi Manami pour le lead role.

Concernant le très bon article de Suppaiku, comme hier, j'ai pas grand chose à dire. Son article, pour sa seconde partie du moins, explique grosso modo ce qu'est la société japonaise par rapport à l'ijime, et ce, avec justesse.

De là à voir un reflet entre les dorama et les comportements sociaux.... bin en fait, j'aurais tendance à avoir le même avis.
Mais ce n'est pas pour auatnt surprenant dans la mesure où les dorama ou tout autres séries télévisées se basent sur la vie qutoidienne, le reflet est donc explicite à mes yeux. Comme une part de vérité inébranlable...

rasen
15/12/2008, 12h38
Je rajoute à la liste des doramas avec gaijin parlant japonais : OL Nippon (http://wiki.d-addicts.com/OL_Nippon) (dont la diffusion vient de s'achever) avec 3 des personnages principaux chinois parlant (plus ou moins bien) japonais.

christian
15/12/2008, 19h08
Comme je le disais plus haut on peut trouver quelques exemples de présence d'étrangers dans un dorama, mais ceux ci ne concernent pas la majorité (On pourrais rajouter kuitan SP maintenant que j'y pense) à mon avis et leur fonction dans une intrigue est en générale périphérique (l'autre reste en effet un visiteur extérieur temporaire: touriste, stagiaire ou salarié étranger, professeur... ).

Mais cet avis n'est qu'un détail dans le sujet principal, les dorama sont ils un reflet de la réalité: Supaiku y voit un reflet des rapports sociaux hiérarchisés (pressions sociales :fort sur le faible, ijime...).

suppaiku
16/12/2008, 02h52
Suppaiku cite par TB... Quelle surprise ! vous m'en voyez confus....:oops:

Je pense en effet que toute oeuvre de fiction reflete la societe qu'elle represente. Ma serie reference reste Mission Impossible : les premiers episodes, avec deux noirs (un homme et, on l'oublie souvent, Ertha Kitt dans des numeros de contorsion incoryable), une equipe relativement mixte : c'est l'Amerique conquerente du Golden age, de la croissance. Ca finit toujours bien. Et pourtant, a partir de 1971, les difficultes sont importantes et dans plusieurs episodes, la mission consiste a recuperer un agent menace de mort... C'est l'Amerique du Vietnam, de la fin de l'Etalon or et du Watergate, une Amerique qui doute...
L'autre serie reference emprunte le chemin inverse. Dallas commence avec une famille qui travaille dur, des looks texans a outrance, jeans et chemises a carreau, une ambiance familliale, on est sous Carter, en 1979. 5 ans plus tard, en pleines annees Reagan, les femmes portent fourrures et diamants, la maison est devenu un quasi chateau, on specule en bourse... Et que dire de Dynastie ?...

J'ai appris recemment qu'en fait, les doramas sont quelque chose de recent, au Japon. En fait, jusque dans les annees 90, hormis quelques sagas fleuves, seules Fuji TV et TBS realisaient des doramas. Les chaines de television diffusaient pas mal de series americaines, bref, les doramas representent une espece de regression, une reaction protectionniste.
Les doramas de cette epoque offraient generalement des scenarios complexes ou on retrouve bien toute la realite du Japon : mariages arranges et pression familiale, peur de l'echec, parcours professionels et en fond, l'essor des annees 80, la montee en puissance de "nouveaux riches". C'est a cette epoque qu'on voit bien la ligne de partage naissante entre ceux qui vivent au sol (les parents) et ceux qui vivent sur une chaise (plus jeunes, ayant reussi socialement). Avec la crise post-bulle, ceux qui vivent au sol seront egalement les exclus de la croissance, puis par un glissement populiste, les "japonais authentiques" de la Shitamachi vers qui les narikin (nouveaux riches) se tournent pour retrouver leur moi authentique (ce type de scenario caricatural abonde des la fin des annees 90). C'est bien une vision du Japon sur lui-meme et c'est interessant pour cela.
Il est clair que dans ce contexte, les etrangers n'ont pas leur place; mais les etrangers ont ils vraiment une place, au Japon ? Quand on voit les efforts que les Japonais accomplir pour faire leur place et justement eviter ijime et exclusion de toute sorte, on comprend vite pourquoi les etrangers ont finalement peu de chance de vraiment faire leur trou en dehors de cette place toute trouvee du type qui parle mal la langue quand il la parle, qui est professeur de langue ou expatrie riche; bref, un voisin. Tel est le statut, finalement tres realiste, de l'etranger dans le dorama.
J'avoue ne pas aimer les doramas recents, majoritairement inspires de mangas. On connait l'histoire apres 5 minutes : une fille un peu grosse qui veut devenir actrice (donc elle doit s'accrocher, etc), une aveugle veur devenir musicien, une bande de jeunes delinquants pas trop mechants (ils vont devenir honnetes en apprenant a etre solidaires) etc, etc, sans compter les histoires plus border line (une fille apprend a aimer en achetant un homme-robot / des collegiens harceles par leur professeur d'Anglais incapable de prononcer deux mots en anglais vont resoudre des enquetes implicant des phenomenes etranges...)... Le probleme est que quand on en a vu un....
Ma preference va aux doramas de l'epoque de la bulle, les doramas "jet coaster" : les secnaristes s'y donnaient a plein dans la mechancete a travers des scenarios cruels et sans issue aux rebondissements multiples et imprevisibles (d'ou "jet coaster"). C'est le reflet de l'epoque de la bulle ou triomphait l'egoisme. Symbole avance des doramas de la bulle : Mou dare mo aisenai. Ca fleure bon le nouveau riche, juste avant que le cours des actions ne plonge...
Petit montage pour vous faire une idee...
http://jp.youtube.com/watch?v=xOhwY4i5yUo&feature=channel_page

TB
17/12/2008, 20h42
Je trouve aussi que les dorama adaptés de manga sont souvent moins intéressants que les scénario originaux ou tirés de romans. De surcroît, ils sont parfois moins intéressants (ou en tout cas très différents) de leur modèle. Je me souviens avoir vu autrefois les premiers épisodes en anime de Hana yori dango, et l'ambiance était autrement oppressante que dans la série télévisée.

Sur la fiction bas-de-gamme en reflet de la société, on peut lire cette analyse d'un célèbre dorama allemand (http://blogbernardgensane.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/12/17/derrick.html) (ensuite on se détendra en regardant ceci (http://www.dailymotion.com/video/x2hn3_derrick-contre-superman_creation ) ; la blague sur « le vrai prénom de Matt Houston » m'a fait hurler de rire, mais elle n'est sans doute pas à la portée de tout le monde...).

Ikebukuro
22/01/2009, 13h38
J'ai appris recemment qu'en fait, les doramas sont quelque chose de recent, au Japon. En fait, jusque dans les annees 90, hormis quelques sagas fleuves, seules Fuji TV et TBS realisaient des doramas.

Récents les dramas au Japon? Le premier remonte à 1953! Je te conseille de lire l'encyclopédie consacrée à ce sujet, présentée ici
http://japon.canalblog.com/archives/2007/05/27/5089933.html

skydiver
22/01/2009, 14h27
Effectivement, c'est plutôt ancien. On trouve toujours des acteurs âgés déjà connus dans les années 60 pour leurs rôles dans ces dorama, en parlant à la télévision.

toonytokyo
23/06/2010, 03h52
Suppaiku explique tres bien la chose, je suis egalement de cet avis, sur le reflet de la societe, j'ajouterais que certains dramas me donnent l'impression d'un Japon que les japonais aiment voir. L'emotionel est mis en avant. Contrairement a la vraie vie, dans les dramas, ils sont toujours en train de pleurer, montrer leur amours, emotions, meme en public. Quand elles sont triste, elle courent en pleurant, et quelqu'un coure apres elle, et reconfortent. Ils ne laisse pas tomber le faible, ont tendance a l'aider, et tout en groupe. Jamais vu ca dans la vraie vie :)
Pas mal de dramas m'ont donne cette impression. Mai ce sont avant tout des dramas de divertissement.

Il y'a un drama en particulier que j'ai trouve different, Kamisama mou sukoshi dake. (Dieu donne moi un peu plus de temps)
il traite d'un sujet que l'on entend que rarement ici au Japon, le sida. La fille a le sida, son histoire se propage, elle se fait rejeter de partout, L'histoire est assez profonde, et montre un reflet assez realiste de la societe japonaise, en particulier sur l'ijime.
Ce drama est assez vieux, mais bien fait je trouve.

TB
23/06/2010, 11h24
Si je ne confond pas avec un autre, dans Kamisama mou sukoshi dake le héros et l'héroïne finissent par copuler sans autre protection que la force de l'amour gnangnan et la volonté des scénaristes d'occulter le risque de contagion. Ça m'a fichu en rogne. Comme le traitement de la contraception en général dans tous les dorama (c'est à dire son absence). Combien de rebondissements clichés, articulés sur la mise en enceinte par inadvertance des femmes (oups ! ça alors, c'est comme ça qu'on fait les enfants ?) et le passage éventuel par la clinique d'avortement ?

toonytokyo
23/06/2010, 13h15
Ha ha oui c est celui la, tu as raison, j'avais zappe ce cote gnan gnan ^^
j'ai cite ce dorama car dans celui la, on voit bien la galere qu'elle subit, le regard des autres, tout le monde la lache.
apres, c'est un peu ce que je disais sur le post d'avant, c'est de l'emotionel a fond et "l'amour est le grand vainqueur"