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asagiri
03/06/2008, 15h10
Bonjour

A lire dans le Journal franco-japoanis gratuit OVNI
Histoire : FRANCE-JAPON : UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ ?


En janvier 2004, Nicolas Sarkozy qui n'était alors qu'un prétendant à la magistrature suprême en France avait déclaré à propos de l'intérêt du président Jacques Chirac pour les lutteurs de sumo : "comment peut-on être fasciné par ces combats de types obèses aux chignons gominés" avant d'ajouter "ce n'est vraiment pas un sport d'intellectuel, le sumo !". La petite phrase ne visait bien sûr pas directement les athlètes japonais, mais plutôt un Jacques Chirac qui apparaissait aux yeux de Sarkozy comme l'homme à abattre dans sa course à l'Elysée. Les mots employés par celui qui était encore ministre de l'Intérieur avaient pourtant provoqué la stupéfaction chez les Japonais. La presse nippone s'était emparée de l'affaire et avait tenté d'en tirer des leçons sur les relations entre les deux pays, une fois que Nicolas Sarkozy serait président de la République. De toute évidence, l'homme n'était pas un nippophile comme pouvait l'être Jacques Chirac depuis de nombreuses années. Il y avait de quoi s'inquiéter d'autant que les rapports franco-japonais, sans être mauvais, n'ont jamais été, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, franchement enthousiastes. Avant les mots de Sarkozy, il y avait eu les propos d'Edith Cresson, Premier ministre de François Mitterrand, selon lesquels les Japonais étaient des "fourmis". Avant elle, le général de Gaulle avait accueilli avec sarcasme le Premier ministre Ikeda en 1962, le présentant comme un "marchand de transistors".
Pourquoi les responsables politiques français, à l'exception notable de Chirac, sont-ils si dédaigneux à l'égard du Japon notamment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ? Tandis que la France a adopté au lendemain du conflit une position indépendante à l'égard des Etats-Unis et de l'Union soviétique, le Japon, par la force des choses, s'est retrouvé irrémédiablement lié aux choix américains. Cet engagement aux côtés de l'Amérique n'avait rien pour plaire à la France de l'après-guerre désireuse de jouer dans la même cour que les grands. Le général de Gaulle préférait de loin un rapprochement avec la Chine qui se fera après la rupture entre Moscou et Pékin et lorsque la Chine entrera dans le club encore fermé des puissances nucléaires en 1964 dont faisait déjà partie la France depuis 1960. La force d'attraction de la Chine va contribuer à placer le Japon bien loin des préoccupations françaises. L'enthousiasme de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, au moment où l'art japonais influençait les peintres français et où le Japon s'inspirait des expériences françaises pour se moderniser, a cédé la place à une certaine indifférence au cours des trois décennies qui ont suivi la fin de la guerre. L'affirmation de la puissance économique du Japon dans les années 1970 et 1980 a quelque peu changé la donne et bousculé le regard que les Français avaient alors sur le pays du Soleil-levant. Le déficit commercial de la France vis-à-vis du Japon et l'arrivée massive de capitaux japonais dans les années 1980 en quête de vignobles ou de châteaux français ont conduit à une certaine forme de nippophobie dans les milieux politiques et économiques en France dont on ne s'est encore pas tout à fait remis.
Malgré cette poussée de fièvre qui a donné lieu à quelques ouvrages impérissables comme 50 honorables raisons de détester le Japon [Ed. Albin Michel, 1992], une partie de la population française, la plus jeune, a découvert un autre Japon grâce au manga et à l'animation. Le succès incroyable de la bande dessinée nippone a certes provoqué une levée de boucliers chez certaines personnes qui ne voyaient aucun intérêt dans ces histoires bourrées d'onomatopées intraduisibles, mais il a surtout permis un retour en grâce du Japon auprès des Français. Ces derniers raffolent désormais de sushi et autres râmen (nouilles japonaises), mais ils sont aussi plus nombreux à se rendre au pays du Soleil-levant. En 2007, ils étaient 137 700 contre 82 710 en 2001. Ils apprécient également la littérature japonaise que les éditeurs leur proposent en plus grand nombre chaque année. Tout comme il y eut au début du siècle dernier un engouement pour la culture japonaise, les Français se découvrent désormais une nouvelle passion pour les produits culturels nippons. Reste à savoir si cela contribuera à redorer le blason japonais auprès des dirigeants français. Rien n'est moins sûr. Nicolas Sarkozy ne semble pas nourrir une passion pour le Japon, préférant de loin une Chine considérée comme un vaste marché. Si la présence économique française s'est renforcée au Japon au cours des dernières années, et si certains patrons à l'instar de Carlos Ghosn bénéficient d'une cote de popularité très haute, on sent bien que l'attirance entre les deux partenaires n'est pas aussi forte qu'elle aurait pu l'être. Cela fait 150 ans que la France et le Japon se sont rapprochés. Il faut peut-être profiter de cet anniversaire pour que les deux parties se séduisent à nouveau. Faute de quoi, ce sera une nouvelle fois un rendez-vous manqué.
Claude Leblanc