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arienae
17/12/2007, 21h49
Un article du monde sur ce sujet déjà largement traité...
source (http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-990584,0.html)



Entre Tokyo et Pékin, les braises de Nankin, par Sylvie Kauffmann
LE MONDE - 17.12.07 - 14h21

"Il n'y a sans doute pas un crime qui n'ait été commis aujourd'hui dans cette ville." Le 16 décembre 1937, au quatrième jour de ce qui deviendra le sac de Nankin, Minnie Vautrin, enseignante américaine, consigne soigneusement par écrit une nouvelle journée d'horreurs commises par les soldats japonais dans la capitale chinoise. Le 13 décembre, les troupes impériales ont pris la ville, mise à genoux par d'impitoyables bombardements aériens. L'armée nationaliste chinoise est en déroute. Pendant les six semaines qui suivent, les Japonais se livrent sur la population et les prisonniers à une orgie systématique de pillages, de viols et de massacres, qui en fera l'un des épisodes les plus noirs de l'histoire du XXe siècle.


Au milieu de ce monstrueux carnage, un petit groupe d'Occidentaux, mené par un homme d'affaires allemand nazi, John Rabe, représentant de Siemens en Chine, a refusé de fuir : "Question de morale", dit l'Allemand. Ils créent une zone de sécurité pour les civils et arrivent, par la seule force de leur courage, à l'imposer à l'occupant. Minnie Vautrin est de ceux-là, qui essaient de protéger les femmes des razzias des soldats japonais. Il y a aussi Robert Wilson, chirurgien formé à Harvard, dont l'hôpital de fortune déborde de patients aux blessures atroces, John Magee, qui filme discrètement avec une caméra de 16 mm, et George Fitch, qui fera sortir ces films dans la doublure de son manteau.

Les massacres et l'action héroïque du groupe de John Rabe, le "Schindler de Nankin", sont au coeur d'un documentaire américain, Nanking, de Bill Guttentag et Dan Sturman, présenté au festival de Sundance et projeté aujourd'hui dans plusieurs pays, au moment du 70e anniversaire du sac de Nankin. Pékin en a eu la primeur en juillet et l'a largement diffusé, avant que les DVD pirates ne prennent le relais. Ce n'est pas le premier film sur le drame de Nankin ni le dernier : près de dix autres sont actuellement en préparation à travers le monde. Un cinéaste japonais d'extrême droite, Satoru Mizushima, entend démontrer que les massacres de Nankin sont une "fiction" ; son film à lui s'appellera La Vérité sur Nanjing, nom moderne de l'ancienne capitale. Les Canadiens peuvent aussi voir en ce moment un documentaire consacré à Iris Chang, l'écrivain chinoise-américaine dont le livre, Le Viol de Nankin, écrit en 1997, vient tout juste d'être réédité chez Payot. Ce livre de référence, best-seller aux Etats-Unis, fut le premier - en 1997 ! - à documenter les massacres de façon extensive. Petite-fille de survivants, Iris Chang mena des recherches approfondies, qui la conduisirent, entre autres, aux notes personnelles laissées par John Rabe et Minnie Vautrin. Comme Minnie Vautrin avant elle, Iris Chang s'est suicidée, en 2004, à 36 ans.

Le chef du corps expéditionnaire japonais en Chine en 1937-1938, le général Iwane Matsui, a été condamné à mort en 1948 et pendu à l'issue du procès international de Tokyo. Depuis, la Chine et le Japon s'affrontent sur les différentes versions de cet épisode et sur le nombre de victimes : 30 000 ? 300 000, l'estimation courante ? Comment savoir ? Les eaux furieuses du Yangtse, dans lequel des dizaines de milliers de cadavres ont été jetés, ne parleront jamais.

Les réticences du Japon à faire face à son histoire sont un embarras pour toute la région. Même si le négationnisme n'est pas la ligne du gouvernement, Matsui est l'un des 14 criminels de guerre vénérés au sanctuaire de Yasukuni à Tokyo, où les visites de l'ex-premier ministre Junichiro Koizumi ont outré Chinois et Coréens. En 2005, des incidents anti-japonais en Chine ont envenimé les relations entre les deux pays.

Mais l'humeur a changé en ce 70e anniversaire du sac de Nankin, comme si la maturité et le pragmatisme prévalaient enfin : signe d'une volonté de retenue à Pékin, les dirigeants chinois se sont abstenus de participer aux émouvantes commémorations de Nankin ce 13 décembre. Et, à Tokyo, le nouveau chef du gouvernement, Yasuo Fukuda, dont le père, Takeo, fut un artisan du rapprochement avec la Chine, s'affaire à la préparation de deux sommets sino-japonais qui consacreront en 2008 le réchauffement des relations entre deux géants économiques asiatiques.

DEVOIR DE MÉMOIRE

"Les Chinois sont très soucieux de leur passé, mais il n'y a pas là de contradiction, observe le Pr Yang Dali, directeur de l'Institut de l'Asie de l'Est à Singapour. Les dirigeants chinois ont aujourd'hui d'autres priorités." Eviter, par exemple, les débordements de mécontentement populaire sur les hausses de prix, à quelques mois des Jeux olympiques. Et qui sait si une manifestation sur les frustrations historiques ne risquerait pas de dégénérer en protestation contre d'autres frustrations ? Quant aux Japonais, dit le Pr Yang, "ils préfèrent ne pas attiser les braises : le feu peut être difficile a éteindre et ils risquent de se brûler".

Pourquoi, dans le devoir de mémoire, le Japon a-t-il échoué là où l'Allemagne a réussi ? La guerre froide et l'alliance américano-japonaise n'ont pas poussé Tokyo à s'amender auprès de la Chine communiste ; les Allemands, eux, avaient besoin de s'intégrer dans l'Europe. Directeur de l'Institut d'études japonaises contemporaines à Temple University, à Tokyo, Robert Dujarric relève aussi que les atrocités japonaises ont été commises à l'étranger : "Il n'y a pas de Dachau ni de Buchenwald pour rappeler aux Japonais, chez eux, les crimes de l'armée impériale", dit-il, pas plus qu'il n'y a de Willy Brandt japonais ni de comte von Stauffenberg pour leur montrer qu'il y a eu un autre Japon, plus honorable. Chacun avec son propre fardeau, le Japon et la Chine ont encore un bout de chemin à faire sur la voie de la vérité.

Le sujet ayant déjà largement été traité, essayons de réagir uniquement aux points "nouveaux". Pour ma part, je note surtout deux points qui n'ont pas été souvent évoqués ici pour expliquer (sans justifier, bien sûr) l'inexcusable "l'amnésie" japonaise :
- les crimes ont été commis en dehors du Japon
- Il ne fait pas bon se replonger dans l'histoire de cette période, car il n'y a pas de figure d'opposant qui pourrait montrer que le Japon de cette époque n'était pas d'un bloc derrière son régime atroce... ça c'est flippant. Est-ce totalement vrai ? je ne suis pas expert de cette période, mais je ne connais effectivement pas de "justes" japonais (le diplomate Sugihara Chiune (page wikipedia (http://en.wikipedia.org/wiki/Chiune_Sugihara)) a certes sauvé des juifs... mais il ne s'est pas opposé à son gouvernement)

A part ça, je suis en train de regarder en DVD 5 films de Serge Viallet sur la seconde guerre mondiale en Asie... C'est très intéressant, je vous les conseille.

Pour le reste, il faut acheter les DVD (par exemple ici (http://www.amazon.fr/LAsie-flammes-guerre-Pacifique-documentaires/dp/B0009PYVFQ/ref=pd_bbs_sr_1?ie=UTF8&s=dvd&qid=1197927696&sr=8-1), ou n'importe où ailleurs)

skydiver
19/12/2007, 10h53
Le Japon a bien connu des opposants au régime militariste expansionniste des années 1930 (et même avant). Néanmoins la Kenpeitai ("Police de la pensée") faisait bonne garde et réprimait durement toute tentative de contestation. Les universités et les intellectuels étaient particulièrement surveillés. Les contestataires se sont vite retrouvés derrière les barreaux ou ont disparu. Les quelques publications quotidiennes ou hebdomadaires d'opposition furent interdites sans délai et les contradicteurs accusés de rouler pour l'étranger; la supposée traîtrise était partout.

arienae
20/12/2007, 00h10
D'accord, mais autant on connait quelques figures allemandes d'opposition au nazisme (il y a eu plusieurs projets d'assassinat d'Hitler par des officiers allemands) (cf. cette page wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9sistance_allemande_au_nazisme) et celle-là (http://en.wikipedia.org/wiki/German_Resistance)), autant pour le Japon... J'ai fait quelques recherches, et je peine à trouver des équivalents. Quelqu'un a-t-il quelque chose sous la main ?
Faut-il comprendre que la 憲兵隊 japonaise était beaucoup plus efficace et expéditive que la Gestapo (!!!!), ce qui expliquerait que les dissidents aient disparu et aient été oubliés plus vite ? Puis que d'autres ne se soient pas levés à leur place ? Peut-être, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a eu aussi une plus grande soumission, résignation (et souvent soutien) de la part de la population japonaise en général. Bien entendu, je ne doute pas qu'il y ait eu des opposants, mais j'ai l'impression (fausse ?) qu'ils ont été moins nombreux, moins actifs ou moins performants qu'ailleurs. Il est connu qu'un grand nombre de Japonais en avaient marre, et se sont sentis soulagés à la fin de la guerre, mais cette "opposition" resta peu visible, il me semble.

Je ne peux m'empêcher de partager l'idée que certaines valeurs culturelles japonaises ont constitué un terreau fertile pour ce genre de régime, qui aurait moins bien prospéré ailleurs.
Je ne dis pas du tout que ce type de régime n'a pas existé ailleurs, juste qu'il me semble qu'il a atteint une sorte d'apogée au Japon, en raison d'une combinaison de traits culturels favorables, qui sont par exemple :
- l'importance accordée au groupe et à l'harmonie au sein du groupe, ce qui fait que critiquer et s'opposer est souvent considéré comme quelque chose de honteux, ce qui limite souvent les possibilités de discussion, surtout si c'est polémique ;
- l'importance de l'esprit de 頑張る (ne pas renoncer, tenir bon), sans poser de questions, envers et contre tout, même si (ou "surtout" si) c'est absurde ou désespéré. Il est plus important de faire des efforts sans réfléchir, que de critiquer la raison pour laquelle on doit faire des efforts.

Dit rapidement, comme ça, tout ça fait un peu cliché, mais il y a de ça, non ?
J'ajoute que ces valeurs ont des côtés positifs : on ne s'oppose pas par principe (comme c'est trop souvent le cas en France), on ne renonce pas au premier obstacle... mais aussi un côté dangereux.

skydiver
20/12/2007, 06h25
Il est clair que la culture traditionnelle japonaise (esprit de groupe, etc.) a joué un rôle. On peut aussi y ajouter l'isolation géographique du pays limitant l'accès à l'information des Japonais de l'époque. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la période expansionniste a commencé bien avant les années 1930, en Corée et en Chine.
Le spectre de l'ennemi intérieur était agité et la police politique a fait le reste.
A mon sens, les choses se sont mises en place sur une période plus longue qu'en Allemagne où le tournant fut l'accession de Hitler au pouvoir.
Tout cela a donné des conditions différentes et limité la contestation au Japon.
Je reste bien conscient que d'autres facteurs entrent en ligne de compte; il ne s'agit là que de quelques idées. Beaucoup de (bonnes) choses ont déjà été écrites sur le site à ce sujet; je ne m'étendrai donc pas plus au risque de tout reprendre.