Heiho
24/11/2007, 23h39
Iwai Yoshinori directeur de la revue Comic beam et responsable éditorial pour le groupe Enterbrain. Entre passion et business, il nous confie sa vision du métier, les rencontres marquantes de sa carrière et revient sur son parcours singulier.
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Mang'Arte : Comment avez-vous été amené à travailler dans l’édition ?
Dois-je vraiment tout raconter ?! C’est une longue histoire ! Je voulais déjà devenir éditeur quand j’étais étudiant. Lors de mes études, j’ai essayé de rentrer dans une maison d’édition.
Mang'Arte : Vous ne vouliez pas être auteur ?
Non. Juste après avoir reçu mon master vers l’âge de 22-23 ans, j’ai été recruté par Akita Shoten un éditeur assez connu qui publie les revues Champion. Puis à l’âge de 30 ans, j’ai quitté Shoten pour partir à l’université de New York. Deux ans plus tard, j’ai commencé à travailler pour Enterbrain en m’occupant de Comic Beam dont je suis toujours responsable éditorial.
Mang'Arte : Comment s’est fait votre entrée dans le milieu ? Vous aviez des contacts ?
Il s’agit d’un phénomène japonais. Chez nous, les maisons d’édition recrutent volontiers les responsables éditoriaux chez les étudiants.
Mang'Arte : Pourquoi ce départ vers les Etats-Unis ?
Je voulais juste vivre là-bas.
Mang'Arte : C’était pour vivre le rêve américain ?
Pas vraiment. L’université de New York comprend un département «Cinéma » assez connu. Martin Scorsese, Jim Jarmusch et Spike Lee en sont sortis.
Mang'Arte : Vous vouliez devenir cinéaste ?
Pas du tout. Je me suis toujours senti éditeur dans l’âme. Mais à ce moment-là, je pensais que m’initier à l’analyse de film et à la pratique du cinéma pourrait me servir dans mon métier. Parce que je pensais – et je pense toujours – que le manga est très proche des films hollywoodiens.
Mang'Arte : Qu’avez-vous appris là-bas ?
La critique de cinéma, l’analyse de film… Car vous savez en matière de manga, personne n’a de leçons à m’apprendre !
Mang'Arte : Vous auriez pu justement leur apprendre des choses…
J’avoue que l’idée m’a traversé l’esprit !
Mang'Arte : A-t-il été difficile de trouver du travail à votre retour des Etats-Unis ?
Pas du tout. A New York, celui qui allait devenir mon supérieur m’a appelé pour que je rejoigne Enterbrain. J’aurais bien voulu rester plus longtemps à New York mais je devais travailler pour vivre.
Mang'Arte : Vous deviez être un bon éditeur pour que l’on vous rappelle ?
Il faut le croire !
Mang'Arte : Vous aviez davantage de responsabilité qu’à Champion ?
Oui, j’étais co-directeur de publication de la revue Comic Beam. Maintenant je suis managing editor pour Enterbrain. [Autrement dit M. Iwai Yoshinori a sous sa responsabilité plusieurs publications, qu’il coordonne et supervise, ndlr.]
Mang'Arte : Quelle place occupe Comic Beam dans le paysage éditorial japonais ?
Certains disent que c’est le Garô d’aujourd’hui. Mais Garô est resté une revue underground. Nous par contre, on a à la fois Emma [édité chez Kurokawa] et Le Roi des Ronces [Soleil Manga]… On essaye de faire un mélange de choses qui ont un goût underground et d’autres choses plus grand public.
Mang'Arte : Comment parvenez-vous à cet équilibre ?
Nous avons six responsables éditoriaux avec des affinités différentes. Mon supérieur encourage chaque éditeur à sortir sa BD préférée.
Mang'Arte : Vous-même, comment travaillez-vous avec vos auteurs ? Etes-vous quelqu’un de directif ?
A vrai dire, cela dépend du titre et de l’auteur. Atsushi Kaneko par exemple a déjà une solide expérience, son talent est avéré. Il a déjà trouvé son style, sait ce qu’il a à faire et je n’ai pas besoin de beaucoup le diriger. En ce qui concerne les débutants et les jeunes auteurs, je dois davantage manager, je suis un peu comme un entraîneur de boxe.
Mang'Arte : Vous recherchez des auteurs de la même génération ?
Ce n’est pas une question d’âge. Seule compte la maturité. Je fais travailler un auteur coréen en ce moment. La Corée a déjà ses stars dans la BD. Mais certains qui sont connus chez eux ont quand même envie de faire le grand saut vers le Japon et de se frotter au marché, jouer en première « division ».
Mang'Arte : Parlez-nous un peu de Kaneko…
C’est un peu l’artiste de BD idéal pour un éditeur. Quand j’ai commencé à travailler avec lui, il était déjà très talentueux… Vous savez qu’il est talentueux ? Ah, ça du talent, il en a ! Et en plus c’est un brave gars !! A l’époque, personne ne le connaissait... C’est en quelque sorte moi qui ait découvert son talent ! En fait, son travail est assez spécial, même pour le Japon. C’est un des auteurs les plus originaux à avoir tenu un crayon et un très bon dessinateur.
Mang'Arte : Vous avez eu la main heureuse dès le départ !
Il faut le croire. Je le connaissais depuis longtemps, mais il travaillait depuis plus longtemps encore ! Il avait déjà collaboré avec d’autres éditeurs et j’ai récupéré le fruit de leur travail. Bambi a eu un beau succès au Japon, je peux m’estimer heureux.
Mang'Arte : Ce succès était-il critique ou commercial ?
En fait, on a eu les deux. Bambi s’est vendu à un demi million d’exemplaires. Mais au Japon, les mangas ont des ventes gigantesques, Dragon Ball s’est écoulé à des millions et millions de volumes. Bien sûr Bambi, ce n’est pas comparable. Mais pour ce genre de titre, ni mainstream, ni otaku, c’est remarquable.
Mang'Arte : Est-ce que l’esprit rock’n’roll de Bambi est représentatif de la revue ?
Ah bon ? Vous voyez Bambi comme ça? Non, c’est juste le style du manga. La politique de Comic Beam est de refuser d’être confinée dans un style. On trouve aussi bien des mangas influencés par le jeu vidéo qu’une histoire d’amour à Londres à l’époque victorienne comme Emma.
Mang'Arte : L’an dernier, Noriko Tetsuka, l’éditrice de AX, la revue qui porte la flamme du manga d’avant-garde depuis la disparition de Garô, nous confiait que le lecteur de manga était plutôt conservateur. Partagez-vous cette impression ?
Vous la connaissez ? Vous savez, c’est une amie très proche. C’est quelqu’un de bien que j’estime beaucoup. Oui, sur le fond, je suis d’accord avec elle… Vous savez, elle, elle est pure ! C’est vraiment une férue totale de manga. Ce n’est pas une femme d’affaire. Nous, on veut faire du manga et échapper au conservatisme mais, en même temps, on veut faire de l’argent ! Sur le fond, je suis d’accord, mais j’essaye de trouver une troisième voie. Beaucoup juge AX comme trop artistique. Moi, j’aime vraiment son travail, mais c’est une réaction fréquente.
Mang'Arte : Comic Beam est diffusé à combien d’exemplaires ?
Les marges du magazine sont insignifiantes mais c’est une situation générale. En revanche, les recueils marchent très bien. Bambi s’est vendu à un demi-million d’exemplaires dans son ensemble et Emma, s’est vendu à plus d’un million au total. Comic Beam s’écoule chaque mois à 20-30 000 exemplaires. Même pour moi ça me paraît bizarre cette disproportion. C’est la situation qui s’est installée depuis quelques temps.
Mang'Arte : Vous avez édité Suehiro Maruo, une personnalité hors norme dans le manga. Comment êtes-vous venu à travailler avec lui, qu’aimiez-vous chez lui ?
Ah, ah… Qu’est-ce que j’aime chez Maruo ? Et bien, je l’aime ! Peu de gens sont d’accord avec moi. Il a un style artistique à part. C’est quelqu’un de timide… de très très timide. Mais c’est LE talent. Un génie. Il n’a eu aucune éducation artistique. Après avoir terminé ses études secondaires, il a quitté son petit village pour monter directement à Tokyo où il a rejoint un cercle de pickpockets… Vous savez, il est différent, il n’est pas normal ! C’est un outsider total, l’outsider par excellence et ça s’exprime jusque dans son art. J’ai dû être le premier à le faire éditer dans une grande maison en lui demandant de travailler pour Champion. Avant cela, il était complètement underground. J’estime avoir eu de la chance.
Mang'Arte : Profitez-vous de votre venue à Angoulême pour faire des repérages, peut-être en vue d’éditer des auteurs français à l’avenir ?
Dargaud nous a déjà demandé si l’on pouvait éditer des titres à eux au Japon. Je les ai lus. Je suis un grand fan de BD, j’en ai même acheté. Mais ce n’est pas évident d’avoir du succès au Japon. Et pas seulement pour les Français. La BD américaine a aussi du mal à s’imposer. Même pour les auteurs japonais, c’est dur de se faire une place sur le marché national. Alors, je ne suis pas sûr. Très peu de gens ont lu Tintin par exemple. Au Japon, les magazines valent aux alentours de 2 euros et les recueils ne sont pas chers. Les BD françaises avec leur mise en couleur riche, leur papier assez épais, elles tournent autour de 10 euros en moyenne, c’est bien cela ? Le manga est traditionnellement très bon marché. Ce caractère est sans doute la clé de leur succès au Japon.
Mang'Arte : Et en France…
C’est ce que je pense aussi. C’est facile à lire, pas cher. C’est vraiment leur point fort. Les BD françaises sont plus sophistiquées, elles sont de meilleures factures, mais pour le lecteur japonais, ça ne compte pas. Je ne sais pas encore ce que nous allons faire mais on va essayer quand même. Il y a déjà un Français qui est édité dans Comic Beam, Christophe Yoshida (dit Kourita). Il est franco-japonais et parle les deux langues. Il fait une BD qui s’appelle Aventurier. Il travaille pour un studio d’animation en même temps que l’on publie sa série au Japon.
Mang'Arte : Il pourrait peut-être servir d’intermédiaire…
C’est à voir... Christophe a beaucoup de talent c’est certain, mais il est encore trop tôt pour dire si le public japonais va accrocher !
Propos recueillis par Nicolas Trespallé, assisté de Emmanuel Péhau, Angoulême, janvier 2007
Bonne lecture :wink:
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Mang'Arte : Comment avez-vous été amené à travailler dans l’édition ?
Dois-je vraiment tout raconter ?! C’est une longue histoire ! Je voulais déjà devenir éditeur quand j’étais étudiant. Lors de mes études, j’ai essayé de rentrer dans une maison d’édition.
Mang'Arte : Vous ne vouliez pas être auteur ?
Non. Juste après avoir reçu mon master vers l’âge de 22-23 ans, j’ai été recruté par Akita Shoten un éditeur assez connu qui publie les revues Champion. Puis à l’âge de 30 ans, j’ai quitté Shoten pour partir à l’université de New York. Deux ans plus tard, j’ai commencé à travailler pour Enterbrain en m’occupant de Comic Beam dont je suis toujours responsable éditorial.
Mang'Arte : Comment s’est fait votre entrée dans le milieu ? Vous aviez des contacts ?
Il s’agit d’un phénomène japonais. Chez nous, les maisons d’édition recrutent volontiers les responsables éditoriaux chez les étudiants.
Mang'Arte : Pourquoi ce départ vers les Etats-Unis ?
Je voulais juste vivre là-bas.
Mang'Arte : C’était pour vivre le rêve américain ?
Pas vraiment. L’université de New York comprend un département «Cinéma » assez connu. Martin Scorsese, Jim Jarmusch et Spike Lee en sont sortis.
Mang'Arte : Vous vouliez devenir cinéaste ?
Pas du tout. Je me suis toujours senti éditeur dans l’âme. Mais à ce moment-là, je pensais que m’initier à l’analyse de film et à la pratique du cinéma pourrait me servir dans mon métier. Parce que je pensais – et je pense toujours – que le manga est très proche des films hollywoodiens.
Mang'Arte : Qu’avez-vous appris là-bas ?
La critique de cinéma, l’analyse de film… Car vous savez en matière de manga, personne n’a de leçons à m’apprendre !
Mang'Arte : Vous auriez pu justement leur apprendre des choses…
J’avoue que l’idée m’a traversé l’esprit !
Mang'Arte : A-t-il été difficile de trouver du travail à votre retour des Etats-Unis ?
Pas du tout. A New York, celui qui allait devenir mon supérieur m’a appelé pour que je rejoigne Enterbrain. J’aurais bien voulu rester plus longtemps à New York mais je devais travailler pour vivre.
Mang'Arte : Vous deviez être un bon éditeur pour que l’on vous rappelle ?
Il faut le croire !
Mang'Arte : Vous aviez davantage de responsabilité qu’à Champion ?
Oui, j’étais co-directeur de publication de la revue Comic Beam. Maintenant je suis managing editor pour Enterbrain. [Autrement dit M. Iwai Yoshinori a sous sa responsabilité plusieurs publications, qu’il coordonne et supervise, ndlr.]
Mang'Arte : Quelle place occupe Comic Beam dans le paysage éditorial japonais ?
Certains disent que c’est le Garô d’aujourd’hui. Mais Garô est resté une revue underground. Nous par contre, on a à la fois Emma [édité chez Kurokawa] et Le Roi des Ronces [Soleil Manga]… On essaye de faire un mélange de choses qui ont un goût underground et d’autres choses plus grand public.
Mang'Arte : Comment parvenez-vous à cet équilibre ?
Nous avons six responsables éditoriaux avec des affinités différentes. Mon supérieur encourage chaque éditeur à sortir sa BD préférée.
Mang'Arte : Vous-même, comment travaillez-vous avec vos auteurs ? Etes-vous quelqu’un de directif ?
A vrai dire, cela dépend du titre et de l’auteur. Atsushi Kaneko par exemple a déjà une solide expérience, son talent est avéré. Il a déjà trouvé son style, sait ce qu’il a à faire et je n’ai pas besoin de beaucoup le diriger. En ce qui concerne les débutants et les jeunes auteurs, je dois davantage manager, je suis un peu comme un entraîneur de boxe.
Mang'Arte : Vous recherchez des auteurs de la même génération ?
Ce n’est pas une question d’âge. Seule compte la maturité. Je fais travailler un auteur coréen en ce moment. La Corée a déjà ses stars dans la BD. Mais certains qui sont connus chez eux ont quand même envie de faire le grand saut vers le Japon et de se frotter au marché, jouer en première « division ».
Mang'Arte : Parlez-nous un peu de Kaneko…
C’est un peu l’artiste de BD idéal pour un éditeur. Quand j’ai commencé à travailler avec lui, il était déjà très talentueux… Vous savez qu’il est talentueux ? Ah, ça du talent, il en a ! Et en plus c’est un brave gars !! A l’époque, personne ne le connaissait... C’est en quelque sorte moi qui ait découvert son talent ! En fait, son travail est assez spécial, même pour le Japon. C’est un des auteurs les plus originaux à avoir tenu un crayon et un très bon dessinateur.
Mang'Arte : Vous avez eu la main heureuse dès le départ !
Il faut le croire. Je le connaissais depuis longtemps, mais il travaillait depuis plus longtemps encore ! Il avait déjà collaboré avec d’autres éditeurs et j’ai récupéré le fruit de leur travail. Bambi a eu un beau succès au Japon, je peux m’estimer heureux.
Mang'Arte : Ce succès était-il critique ou commercial ?
En fait, on a eu les deux. Bambi s’est vendu à un demi million d’exemplaires. Mais au Japon, les mangas ont des ventes gigantesques, Dragon Ball s’est écoulé à des millions et millions de volumes. Bien sûr Bambi, ce n’est pas comparable. Mais pour ce genre de titre, ni mainstream, ni otaku, c’est remarquable.
Mang'Arte : Est-ce que l’esprit rock’n’roll de Bambi est représentatif de la revue ?
Ah bon ? Vous voyez Bambi comme ça? Non, c’est juste le style du manga. La politique de Comic Beam est de refuser d’être confinée dans un style. On trouve aussi bien des mangas influencés par le jeu vidéo qu’une histoire d’amour à Londres à l’époque victorienne comme Emma.
Mang'Arte : L’an dernier, Noriko Tetsuka, l’éditrice de AX, la revue qui porte la flamme du manga d’avant-garde depuis la disparition de Garô, nous confiait que le lecteur de manga était plutôt conservateur. Partagez-vous cette impression ?
Vous la connaissez ? Vous savez, c’est une amie très proche. C’est quelqu’un de bien que j’estime beaucoup. Oui, sur le fond, je suis d’accord avec elle… Vous savez, elle, elle est pure ! C’est vraiment une férue totale de manga. Ce n’est pas une femme d’affaire. Nous, on veut faire du manga et échapper au conservatisme mais, en même temps, on veut faire de l’argent ! Sur le fond, je suis d’accord, mais j’essaye de trouver une troisième voie. Beaucoup juge AX comme trop artistique. Moi, j’aime vraiment son travail, mais c’est une réaction fréquente.
Mang'Arte : Comic Beam est diffusé à combien d’exemplaires ?
Les marges du magazine sont insignifiantes mais c’est une situation générale. En revanche, les recueils marchent très bien. Bambi s’est vendu à un demi-million d’exemplaires dans son ensemble et Emma, s’est vendu à plus d’un million au total. Comic Beam s’écoule chaque mois à 20-30 000 exemplaires. Même pour moi ça me paraît bizarre cette disproportion. C’est la situation qui s’est installée depuis quelques temps.
Mang'Arte : Vous avez édité Suehiro Maruo, une personnalité hors norme dans le manga. Comment êtes-vous venu à travailler avec lui, qu’aimiez-vous chez lui ?
Ah, ah… Qu’est-ce que j’aime chez Maruo ? Et bien, je l’aime ! Peu de gens sont d’accord avec moi. Il a un style artistique à part. C’est quelqu’un de timide… de très très timide. Mais c’est LE talent. Un génie. Il n’a eu aucune éducation artistique. Après avoir terminé ses études secondaires, il a quitté son petit village pour monter directement à Tokyo où il a rejoint un cercle de pickpockets… Vous savez, il est différent, il n’est pas normal ! C’est un outsider total, l’outsider par excellence et ça s’exprime jusque dans son art. J’ai dû être le premier à le faire éditer dans une grande maison en lui demandant de travailler pour Champion. Avant cela, il était complètement underground. J’estime avoir eu de la chance.
Mang'Arte : Profitez-vous de votre venue à Angoulême pour faire des repérages, peut-être en vue d’éditer des auteurs français à l’avenir ?
Dargaud nous a déjà demandé si l’on pouvait éditer des titres à eux au Japon. Je les ai lus. Je suis un grand fan de BD, j’en ai même acheté. Mais ce n’est pas évident d’avoir du succès au Japon. Et pas seulement pour les Français. La BD américaine a aussi du mal à s’imposer. Même pour les auteurs japonais, c’est dur de se faire une place sur le marché national. Alors, je ne suis pas sûr. Très peu de gens ont lu Tintin par exemple. Au Japon, les magazines valent aux alentours de 2 euros et les recueils ne sont pas chers. Les BD françaises avec leur mise en couleur riche, leur papier assez épais, elles tournent autour de 10 euros en moyenne, c’est bien cela ? Le manga est traditionnellement très bon marché. Ce caractère est sans doute la clé de leur succès au Japon.
Mang'Arte : Et en France…
C’est ce que je pense aussi. C’est facile à lire, pas cher. C’est vraiment leur point fort. Les BD françaises sont plus sophistiquées, elles sont de meilleures factures, mais pour le lecteur japonais, ça ne compte pas. Je ne sais pas encore ce que nous allons faire mais on va essayer quand même. Il y a déjà un Français qui est édité dans Comic Beam, Christophe Yoshida (dit Kourita). Il est franco-japonais et parle les deux langues. Il fait une BD qui s’appelle Aventurier. Il travaille pour un studio d’animation en même temps que l’on publie sa série au Japon.
Mang'Arte : Il pourrait peut-être servir d’intermédiaire…
C’est à voir... Christophe a beaucoup de talent c’est certain, mais il est encore trop tôt pour dire si le public japonais va accrocher !
Propos recueillis par Nicolas Trespallé, assisté de Emmanuel Péhau, Angoulême, janvier 2007
Bonne lecture :wink: